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Le Grill a aimé

Les Heures Sombres

Mai 1940, Winston Churchill devient Premier ministre du Royaume-Uni dans des conditions délicates, là où son propre parti complote contre lui et que le roi George VI se montre peut enclin à l’aider pour contrer l’inéluctable avancée des troupes allemandes en Europe. Le vieux lion doit alors prendre une décision fatidique entre négocier un traité de paix avec Hitler ou continuer un combat qui semble perdu d’avance. Tel est le postulat des Heures Sombres.

Un choix cornélien s’impose à Churchill, une tension psychologique s’installe progressivement, ses décisions sont réfutées par son entourage et la bataille qu’il mène est une affaire de jours. A l’instar du film de Christopher Nolan, Dunkerque, le temps est ici aussi un luxe que les décisionnaires n’ont pas.

Joe Wright (Reviens-moi, Anna Karenine, Pan) s’empare de ce biopic pour en faire un film de référence sur le personnage, incarné avec plus ou moins de brio au cinéma ou à la télévision ces dernières années (Churchill, The Crown, Le Discours d’un Roi ou Peaky Blinders).

Gary Oldman incarne un Winston Churchill de manière très convaincante et réaliste, de part sa gestuelle et sa diction. Au départ l’acteur était réfractaire, tant la différence « physique » était notable, son choix n’était pas forcément une évidence. Mais grâce au spécialiste des prothèses Kazuhiro Tsuji, avec 3h30 de maquillage et un important travail de documentation en amont, la magie opère. Le résultat à l’écran est bluffant. Allant jusqu’à boire et fumer comme Winston pour s’approprier le rôle, le travail de Gary Oldman paie. De plus, les punchlines si célèbres de Churchill sont toujours aussi jouissives à entendre. Le magazine des effets spéciaux SFX consacre d’ailleurs un article détaillé sur la métamorphose de l’acteur dans son nouveau numéro de Mars/Avril 2018.

Le reste du casting n’est pas en reste, les acteurs incarnant le roi George VI (Ben Mendelsohn), Clémentine Churchill (Kristin Scott Thomas) ou même ceux jouant les rôles de Chamberlain et d’Halifax sont d’une grande justesse.

Petit rappel historique afin de situer le contexte du film et l’importance des décisions prises : Pour sauver son armée face au rouleau compresseur allemand, Churchill sera à l’initiative de l’opération Dynamo, nom de code donné à l’évacuation des armées britannique et française dans la poche de Dunkerque entre le 26 mai et le 4 juin 1940. Cette opération, jugée suicidaire et inutile par les membres du cabinet de Churchill préférant un armistice, sauvera la vie à plus de 300 000 soldats alliés. Sujet au centre du film de Christopher Nolan sorti en juillet 2017, pour lequel j’ai d’abord été déconcerté mais qui au final se révèle être une véritable pépite. Le réalisateur Joe Wright a d’ailleurs reconstitué une partie de l’évacuation de 1940 dans son film Reviens-moi (2007) avec James McAvoy parcourant la plage encombrée de soldats et de matériels le temps d’un long plan séquence.

Dans Les Heures Sombres, les décors sont impressionnants et parfaitement immersifs, ils plongent le spectateur dans le Royaume-Uni des années 1940 sans problèmes. Ceux qui sont à retenir sont surtout celui de la Chambre des communes et celui du cabinet de guerre, véritables centres névralgiques du film. Les scènes de conflits, bien que brèves, sont filmées d’un point de vue original nous montrant ainsi une autre vision du désastre qui s’annonce.

La réalisation est dynamique et fluide, pas le temps de s’ennuyer. Tout est rendu si passionnant que l’on n’a pas envie que le film se termine, si bien que le générique paraît arriver trop tôt.

Les Heures Sombres est une leçon d’histoire de deux heures retraçant les convictions et les doutes d’un homme sans qui le monde aurait sans doute une toute autre allure aujourd’hui. Gary Oldman livre une performance royale et fascinante et j’espère qu’il sera au moins nommé à l’Oscar du meilleur acteur.

Après Le Grand Jeu d’Aaron Sorkin avec Jessica Chastain, l’année ciné 2018 commence de manière très intéressante.