Loading...
Le Grill a aimé

Première Année

Première Année marque la quatrième réalisation de Thomas Lilti. Médecin de formation, il se lance dans le cinéma avec un premier long-métrage ; Les Yeux Bandés avec Guillaume Depardieu en 2008. Il décrira plus tard le milieu hospitalier ; Hippocrate (2014) puis le quotidien d’un médecin de campagne avec Médecin De Campagne en 2016 avec François Cluzet. Cette année, Thomas Lilti revient à la base des études de médecine en racontant le destin de deux étudiants, Antoine et Benjamin, pour qui le parcours ne sera pas une promenade de santé. Ils devront s’acharner et trouver un juste équilibre s’ils veulent franchir cette violente et compétitive première année.

Le projet est né durant la promotion de Médecin De Campagne, le public s’interrogeait sur le manque de médecins dans les campagnes et le réalisateur en est donc venu à la conclusion que le problème n’était peut-être pas les jeunes médecins mais le système qui les forme. Thomas Lilti a ensuite eu une vision très cinématographique de ce que pourrait être son prochain film.

Le réalisateur retrouve Vincent Lacoste quatre ans après Hippocrate dans lequel son rôle lui a valu une nomination aux Césars en 2015. Ici dans Première Année, l’idée était de montrer la violence et l’épreuve que sont les grands concours qui déterminent toute une vie. La médecine n’est pas ici un “prétexte” mais plutôt un “contexte”, une porte d’entrée qui doit permettre aux spectateurs de comprendre très vite le but des personnages. On y suit le jeune Benjamin découvrant l’univers de la fac de médecine via les conseils d’Antoine, un triplant. Ce qui est intéressant dans l’approche de Thomas Lilti est son choix d’inverser les rôles, dans le sens où c’est le jeune arrivant qui a compris le système, qui s’est fondu dans le moule et qui explique à Antoine des choses qu’il n’a toujours pas intégré en deux ans de temps passé sur les bancs de la fac. L’ironie est que Benjamin semble passer le concours un peu par hasard tandis qu’Antoine est prêt à tout sacrifier pour réussir.

Ayant vécu aussi cette première année de médecine, Première Année survole à mon sens un peu son sujet en abordant que très peu la dualité entre les loisirs de la vie étudiante et l’obligation de travailler ardemment, élément qui aurait pu créer un climat émotionnel plus important encore chez le spectateur ; cette confrontation au choix. De même, le réalisateur souhaitait montrer la “violence” de ce concours, il ne s’agit ici que de violence “psychologique” où les personnages se torturent l’esprit, et non d’une violence “physique” comme les jeunes étudiants peuvent subir au cours de cette première année (je parle en connaissance de cause, car j’en ai vu des choses sur les deux “premières années”). C’est plus une version soft, presque censurée de cette épreuve. Peut-être que les choses ont changé en dix ans de temps. Le film pourrait même encourager les étudiants à se lancer en médecine et tenter l’aventure, peut-être pour faire face à la pénurie de médecins ? Le film alterne des moments quasi-documentaires et des moments très cinématographiques avec ses scènes très rythmées et sous tension soulignant l’aspect impitoyable du concours.

Néanmoins, le film s’intéresse beaucoup à l’amitié et à l’entre-aide, deux éléments assez rare en première année et c’est là où il marque des points, sur l’aspect humain des personnages. Le final est une belle preuve d’humanité et redonne espoir en beaucoup de choses. Cet aspect est une belle réussite et reste très humble dans la démonstration de ses propos.

Première Année fait le job, le film se tient, il est bien écrit et est porté par deux très bons acteurs ; Vincent Lacoste et William Lebghil jouent de manière sincère et juste. Je regrette cependant que le film n’exploite pas plus certains éléments évoqués plus haut pour en faire un film plus complet et riche mais le film explore une autre piste et démontre que dans ce milieu où règnent la compétition et l’individualisme, il demeure une once d’humanité et d’humilité.