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Festival de CannesLe Grill a aimé avec réserves

Divines

Fille de banlieue

À Cannes, Il est impossible de voir tous les films présentés dans toutes les sélections que propose le festival, alors Il faut trier et en éliminer certains d’office. Quand je suis tombé sur la fiche de Divines, rien ne m’encourageait à lui consacrer une place dans mon programme. Des films français sur les banlieues, Il y en a eu quelques-uns. Mais à part quelques classiques comme « La Haine », « Le Thé au harem d’Archimède » ou encore « Ma 6T va craquer », on s’est retrouvé avec des œuvres qui traitaient le sujet de manière très clichée et artificielle. Tout ça pour dire que je pensais que cela serait le cas pour divines. Quelques mois plus tard et après l’avoir vu, je suis à la fois enthousiaste et perplexe à son sujet.

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Perplexe car le premier long-métrage d’Houda Benyamina est, dans sa volonté première, entre deux chaises. Elle refuse de braquer son regard directement sur la cité mais sur une de ses  habitantes: Dounia. Elle est jeune, belle, rêve d’argent facile et de pouvoir afin de pouvoir changer de vie mais ronge son frein en suivant un BEP tout en commettant quelques petits larcins avec sa meilleure copine. Un jour, elle croise la route de Rebecca, dangereuse dealeuse, dont la réussite va lui apparaître telle une révélation. Elle suivra ses traces en travaillant pour elle mais va vite se rendre compte que le gain facile peut devenir un piège dont elle ne peut s’échapper. En ce sens, le film emprunte plus à « Scarface » ou à « l’Impasse» qu’à « La Haine ». Certaines de ces références sont assumées jusque dans la narration car entre une histoire d’amour avec un danseur et une chance de rédemption qui s’évanouit dans le hall d’une gare, impossible de ne pas penser à l’un des chefs-d’œuvre de De Palma.

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Sauf que la dimension sociale due à l’environnement qu’Houda Benyamina dépeint, bien que reléguée au second plan, reste présente et ressurgit telle de violents éclairs. Si le thème de la pauvreté frôle parfois le misérabilisme « dardennien» avec son combo mère dépravée et habitation dans un camp de Roms, celui des banlieues est plus intéressant. J’ai trouvé que son point de vue sur la fracture sociale ainsi que sur l’avenir de la jeunesse des cités sonne très juste sur le papier mais passe par des clichés un poil lourdauds (brûler des voitures, l’art est le  seul salut) et un manque de nuances malgré une morale qui refuse le manichéisme.

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En fait, il m’est difficile de croire la démarche simplement humaniste du film quand on sait que Houda Benyamina a avoué avoir écrit ce film en réaction aux émeutes de 2005.

Malgré ça, Divines est pétri d’idées audacieuses. La plus belle ? Incontestablement, la façon dont la jeune cinéaste fait prendre aux moments de joies, fantasmes et projets de son héroïne une dimension onirique qui contraste avec la dure réalité de l’univers, dans lequel les personnages sont plongés. Pour autant, le ton de l’œuvre n’est pas uniformément sombre car si Houda Benyamina maîtrise aussi bien les codes du mélodrame que ceux du polar, elle arrive à insuffler des beaux moments de comédie dans son film. Ce n’est pas la seule surprise que réserve le scénario car il est suffisamment bien écrit, sur certains points pour nous séduire. Dounia est moins une Kaïra caricaturale qu’une femme qui s’endurcit pour s’offrir une vie meilleure mais qui n’a pas oublié certaines valeurs importantes (surtout l’amitié). Même constat, les dialogues ne sentent pas le réalisme plat (pour ne pas dire moche) de cité mais sont suffisamment percutants et ciselés pour que certains deviennent vite cultes (dont le fameux « tu as du clito »). Quant à la mise en scène, elle est dotée de trouvailles impressionnantes. Il y a un jeu sur les contrastes de couleur (notamment lors du générique); une maîtrise du symbolisme religieux encore plus intelligente que dans le cinéma d’Abel Ferrara, période « Bad Lieutenant »; des cadres assez audacieux et une direction d’acteurs  physique qui donne des scènes d’une intensité étonnante, je pense notamment à une scène de danse contemporaine habillée qui devient un moment érotique d’une rare intensité. En parlant des acteurs, ils sont tous excellents même si Oulaya Amamra, véritable révélation du film, crève littéralement l’écran dans le rôle-titre.

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Beaucoup ont dit que Divines est un film féministe mais, pour moi, c’est plus inversement des codes de genre des films Gangsters qu’une lutte acharnée de femmes pour leurs indépendances. On se trouve plus en présence d’un « Scarface » au féminin que d’un nouveau « Mustang » mais le message est tout aussi beau.

Des qualités ainsi qu’une énergie débordantes qui nous permettent de lui pardonner quelques personnages secondaires manquant de développement, des petits raccourcis scénaristiques et une ou deux scènes un poil forcées. Divines est l’une des plus belles surprises de l’année 2016, alors courez le voir.

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Accessoirement, Le film a reçu la caméra d’or à Cannes qui récompense le meilleur premier film, toutes sélections confondues.

Willard

Divines

  • Est
  • N'est pas
  • Une très bonne surprise
  • Sans un sous-texte social maladroitement introduit à base de clichés, pour certains, un peu grossiers
  • Doté de très bonnes idées de mise en scène.
  • (Totalement) La Haine 2, on est plus proche de Scarface ou de l’impasse
  • Une œuvre qui possède des interprètes de grande qualité dont Oulaya Amamra, révélation française de l’année
  • Chiant, c’est bien rythmé et le film déborde d’énergie
  • Pas trop mal écrit, même s’il y a de gros raccourcis scénaristiques et que quelques personnages ne sont pas trop développés
  • Sans quelques références assumées
Top 5 français de l’année / 20