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Le Grill a aimé avec réserves

Dope

Vivelle ?

D’abord j’ai besoin d’exorciser quelque chose, le mot « Geek », utilisé plusieurs dizaines de fois dans le film pour définir les personnages principaux, est un terme protéiforme qui si à l’origine désignait les gens intéressés par l’informatique ou les sciences (ce qui est déjà une première extension de la qualification de Nerd) souvent accompagné d’un attrait pour les mondes imaginaires (heroic-fantasy ou science-fiction) a largement évolué pour désigner aujourd’hui de manière générale toute personne ayant un attrait pour la pop culture, à tel point que l’on qualifiera plus facilement de geek un fan de star wars ou de call of duty qu’un mathématicien. Le terme ne veut plus dire grand-chose et il est même plutôt rare de voir un véritable geek à l’ancienne se qualifier ainsi. Le problème est que si ce sont de véritable geek, au sens premier du terme, qui sont des faiseurs de la pop culture à l’heure actuelle (Guillermo Del Toro, Joss Whedon ou encore Peter Jackson pour ne citer qu’eux), à une époque le geek était représenté tel qu’ils étaient perçus par ceux pour qui leurs passions semblaient au mieux farfelu, au pire signe d’un degré d’autisme plus ou moins avancé. Ainsi on a eu de 1980 à récemment des représentations de geek lamentables au cinéma qui piochait dans les clichés à tout va au lieu d’écrire un personnage un minimum fouillé. Je ne dis pas que Dope nous renvoie à l’étudiant boutonneux incapable de parler à une fille, qui confond donjon et dragon et la réalité ou qui pirate le serveur de son école en tapant très vite sur son ordinateur derrière un poster de Sacré-Graal, mais on en est pas loin.

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Prenez Superbad (Supergrave en VF) par exemple, là on a un vrai trio de paumé crédible en souffre-douleur, dans Dope les personnages suintent trop la coolitude par tous les pores que pour être les bêtes noires de leur bahut.

 

Ainsi j’ai du mal avec le personnage de Malcolm au look plus cool que Will Smith période Bel Air avec sa coupe travaillée et ses colliers épais en argent, sachant jouer de la guitare, passionné par la musique des années 90, les réseaux sociaux, faisant tomber toutes les filles en quelques secondes et qui d’un autre côté saurait coder comme un hackeur professionnel, passerait un test d’entrée à Harvard sans avoir besoin de se concentrer, ne ferait pas de sport mais est quand même super sec avec des abdos apparents. Autant l’acteur (Shameik Moore) donne une véritable énergie au personnage par son dynamisme, autant j’ai eu l’impression d’y voir la vision fantasmée que les gens qui postent sur Instagram leur nouveau tatouage de Triforce sans jamais avoir touché à un Zelda plus de cinq minutes ont d’eux-même. Ce n’est pas parce que tu joues avec une gameboy retro à Starbuck ou que tu alignes les références pop (manga, game of thrones, etc) que tu es forcément familier avec la physique quantique ou le C#.

Bref, ceux qui sont déjà irrités par Big Bang Theory risquent la rupture d’anévrisme, pour les autres l’illusion marchera peut-être. Passé ce détail qu’est-ce qu’il reste ?

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Scènariste et acteur de Workaholics, Blake Anderson est parfaitement crédible en ado alors qu’il a dépassé les trente ans…

Dope est avant tout un teen movie comme il y en a eu des centaines avant lui, on retrouve typique groupe d’adolescent qui se cherche un peu, qui vont faire des conneries (ici en courant après une fille), qui vont avoir à cause de ça des tas de problèmes/péripéties qu’ils surmonteront en se montrant plus malin que le reste (en l’occurrence se débarrasser de trois paquets de dope, ouais ça c’est pas trop une caractéristique de teen movie) avant un happy end au bal de promo où le héros aura pris en maturité, vision cinématographique du passage à l’âge adulte. Pour le coup Dope reprend beaucoup de code du genre, son principal argument pour se différencier est le fait qu’il se passe dans un quartier pauvre de L.A. au milieu de la communauté noire, qu’il revient sur la vision que les afro-américains ont d’eux même (obligé de finir dealer ou drogué selon le film) et lutte contre l’idée qu’aller à la fac est un truc réservé aux blancs.

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La plupart des acteurs sont des rappeurs, sauf Tony Revolori (a gauche) qui est un des personnges principaux du Grand Budapest Hotel ou encore Zoë Kravitz (ex-manequin ayant une petite réputation de second rôle)

Ce côté-là, bien que je le trouve un peu naïf, est vraiment intéressant, amenant à des scènes (comme les discussions récurrentes sur l’emploi du mot négro) réellement fun, mais à côté on a des personnages véritablement mal écrit (comme un duo de dealers frère et sœur qui ne sont là que pour insérer la touche d’humour scato qui ne manquait pas au film). C’est ça le véritable problème de ce film, c’est qu’il est parfois juste mais souvent complétement à côté de la plaque, quasiment tous les personnages que Malcolm rencontre ne sont pas réalistes et ne servent qu’à artificiellement faire avancer l’intrigue.

Par exemple à un moment Malcolm rencontre un dealer à qui il doit remettre pour 100 000$ de drogue, celui-ci, même s’il a parfaitement conscience que Malcolm est parfaitement nouveau dans ce domaine, pourrait le dénoncer à tout moment ou perdre sa marchandise, va lui demander de la vendre pour lui contre une place à Harvard… J’ai eu mal à mon cinéma.

À cela on peut ajouter un vendeur de sac qui se prend pour Tyler Durden, le leitmotiv de la rédaction à faire façon American History X, les scènes musicales qui rappellent celles de Scott Pilgrim…

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Je suis assez fier de ne pas avoir utiliser une seule fois le mot “swag” dans cet article…… ET MER-

Du coup je reste sceptique devant cette version blacksploitation du film d’adolescent, il y a une foule d’étincelles dans l’écriture, une caméra pas dégueulasse du tout (je m’attendais à trouver une réalisation clipesque dégoulinante d’effet cheap, au final il y en a peu), des personnages attachant et de vraies bonnes scènes originales mais à côté on a un fil conducteur aussi poussif qu’improbable, certains protagonistes aussi ratés que clichés et une fin en forme de leçon de morale qui m’a laissé sceptique : est-il réellement utile de prendre deux heures pour expliquer que vendre de la drogue n’est pas une fatalité et que tout le monde peut réussir ses études même si on est noir ? D’autant plus qu’ici accéder à la fac est allé de pair avec l’écoulement d’un kilo de MDMA.

Je me prends peut-être trop la tête, au final j’ai vu une comédie bien rythmée qui n’est pas sans défaut mais ils sont heureusement compensés par des passages qui m’ont bien fait marrer. Par contre pour la sincérité que Dope est censé dégager selon les critiques, sa promo et différentes interviews, faudra m’expliquer.

Dope

  • Est
  • N'est pas
  • Bien rythmé avec plein de bonnes idées
  • Bien écrit, son scénario est un mauvais mélange d’idées piquées ailleurs, de Mac Guffin et de relance artificielle de l’intrigue
  • Mené par un trio de héros plutôt sympa à suivre
  • Vraiment ma définition du geek, là on a plutôt trois hipsters qui ont par magie avalé un dictionnaire
  • Pas mal du tout pour sa bande-son qui tape dans les années 90
  • Un gros budget, 700 000$ et c’est tout mais ça ne se voit pas (trop)
  • Un teen movie jusqu’à la moelle, même si la partie trafic de drogue dénote un peu pour le genre
  • La comédie putride issue du tréfond de MTV que je craignais
Ça aurait pu être mieux, ça aurait pu être pire / 20