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Festival de CannesLe Grill a aimé avec réserves

Jeune Femme

La traversée de Paula

Sensation du dernier festival de Cannes où il est reparti avec la caméra d’or, « Jeune femme » est le premier film de Léonor Serraille, une ancienne étudiante de la Femis qui met en scène ici son scénario de fin d’études. Pendant une heure quarante, on va suivre Paula, trentenaire menteuse, instable, caractérielle et bipolaire qui vogue, fauchée, dans les rues de Paris afin de se reconstruire après une rupture difficile.

Personnellement, je préfère les posters promotionnels qui ont circulé durant le festival de Cannes et qui sont plus en adéquation avec le propos du film. Après, il n’est pas impossible que le côté fausse pub pour l’Oreal de l’affiche officielle (tout à droite) soit volontairement ironique comme le titre international « Montparnasse Bienvenue »

Sur le papier, le long métrage semble s’inscrire dans les pas des comédies hystériques de Justine Tiret (« Victoria », « La bataille de Solferino ») et ce n’est pas la séquence d’ouverture qui démontre le contraire, cinq minutes où le personnage de Paula s’enfonce dans la caricature du personnage névrotique insupportable face à un médecin déterminé à l’aider. À cet instant, je ne vais pas vous le cacher, j’ai pensé à me barrer de la salle. Pourtant, grand bien m’a pris de rester car Léonor Serraille a l’intelligence d’affiner et d’enrichir la psychologie de son héroïne au fur et à mesure de son errance. La jeune cinéaste a construit la trajectoire de Paula comme celle d’un animal sauvage qui se transforme progressivement en homme pour montrer que malgré ses travers et les fêlures qui la rongent, elle n’en demeure pas moins une jeune femme vivant avec son époque. Incroyablement libre tout en se évoluant perpétuellement afin de trouver son équilibre, ce personnage de femme fantasque fonctionne admirablement non seulement comme le sujet d’un portrait singulier terriblement actuelle mais aussi comme une marginale refusant l’entrée dans le rang d’une société où règnent la précarité et l’individualisme.

Le film n’est en aucun cas autobiographique, Léonor Serraille a avoué que son héroïne est l’exact opposé d’elle, propos que je crois volontiers faute de preuves contraires.

La partition est d’autant plus admirable qu’elle est interprétée par une actrice de talent : Laëtitia Dosch. Découverte dans « La bataille de Solferino » (douleur aiguë/20), elle amène à Paula toute sa force, son charme et son énergie sur un registre compliqué l’obligeant à jongler entre différents types d’émotions souvent contradictoires. Non seulement elle s’en sort à merveille mais sa prestation rend son personnage incroyablement vrai. Je peux avouer sans complexe que, malgré une première impression vraiment mauvaise, j’ai même réussi à tomber amoureux de Paula pendant la durée du film. À ce stade-là, je ne peux même plus dire qu’elle s’approprie le personnage, c’est carrément de l’incarnation.

S’il apparaît aussi admirable dans son écriture que dans sa représentation sur grand écran, le personnage de Paula écrase un peu trop le film par son omniprésence. Des seconds rôles atypiques qui ne sont pas exploités au maximum de leur potentiel et un sous-texte social qui aurait mérité d’être un peu plus développé et de s’affranchir de son environnement un peu trop « parigocentré »  pour devenir vraiment brillant, je dois avouer que sur ces points-là, le scénario de Jeune femme m’a quand même un peu frustré. Même constat pour la mise en scène qui, même si elle peut se targuer d’avoir de brillantes idées de montage et une direction d’acteurs de qualité, se révèle trop fonctionnelle dans son ensemble. En ce sens, je peux comprendre que certaines personnes trouvent « Jeune Femme » assez vain ainsi que totalement indigne de l’enthousiasme critique et de la moisson de prix que le film récolte partout où il passe.

 Yuki, à droite, est pour moi le personnage sacrifié du long métrage.

Pour autant, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu passer dans le paysage français une étude de caractère aussi brillante, dépeinte avec autant de légèreté, d’humour et de panache. Pour moi, « Jeune Femme » souffle un vent de fraîcheur sur le cinéma d’auteur français que je ne peux que saluer.

Cette jeune femme est à l’image du titre phare de là (très bonne) B.O du film: pas du tout carré mais incroyablement enthousiasmant.

Jeune Femme

  • Est
  • N'est pas
  • Porté par l’exceptionnelle Laetitia Dosch.
  • Sans quelques personnages secondaires et thématiques sous-exploités.
  • Une étude de caractère assez juste.
  • Vain même si on n’est pas en présence d’un grand film.
  • Fonctionnel dans sa mise en scène même s’il y a quelques idées de montages assez brillantes et une direction d’acteurs de qualité.
  • Triste. L’histoire est dépeinte avec beaucoup d’humour, légèreté et panache.
  • Le premier film de Léonor Serraille, jeune réalisatrice qu’il faudra suivre de très près.
  • Aussi hystérique et névrosé que les comédies de Justine Tiret mais je comprends que le caractère du personnage de Paula puisse agacer.
Je suis tombé amoureux de ce film et de son personnage. Je n’y peux rien, c'est le coeur qui parle. / 20