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Le Grill a aimé avec réserves

Le Grand Jeu

Une femme intègre

Scénariste de « The Social Network », « Des Hommes d’honneur » ou du biopic sur Steve Jobs version Danny Boyle, Aaron Sorkin signe avec « Le Grand Jeu », son premier long-métrage en tant que réalisateur. Rien d’étonnant à le voir sauter le pas surtout que le sujet choisi est à la hauteur de son talent de plume. En l’occurrence, l’adaptation de l’autobiographie de Molly Bloom, ancienne skieuse professionnelle qui, après avoir obtenu une licence de sciences politiques à Harvard, s’est retrouvée à organiser des parties de poker clandestines où se côtoient stars hollywoodiennes, milliardaires et sportifs célèbres.

Personnellement, je préférais le titre original : Molly’s Game. « Le Grand jeu » me rappelle que c’était aussi le nom sous lequel a été distribué en France le film « The Full Monty », pas le même genre de délire.

Commençons par l’évidence, « Le Grand Jeu » n’est pas tout à fait une version féminine du « Loup de Wall Street ». Si je reconnais qu’il y a des similitudes dans le parcours de ses protagonistes et dans le ton des deux films, oscillant entre drame et comédie, Sorkin dresse un portrait de son héroïne, sacrement intègre, en superposant sa success story à ses démêlés avec la justice américaine. Le problème avec cette narration qui joue sur deux temporalités bien distinctes est que le scénariste américain la maitrise mal. Pas un drame en soi même si éviter cet écueil aurait permis d’élaguer de son récit fleuve de deux heures dix une bonne quinzaine de minutes de longueurs inutiles et d’entretenir un léger suspense à des moments où le rythme faiblit.

Bon après il y a les décolletés vertigineux de Jessica Chastain, certains trouveront ça un peu vulgaire, cliché et gratuit mais personnellement je trouve que c’est assez bien justifié dans le récit.

Le reste du scénario n’est pas trop mal écrit mais loin d’être sans faute. Conservant son goût pour les dialogues ciselés, Sorkin livre un intéressant portrait d’une mystérieuse femme forte qui se veut complexe, parfois jusqu’à l’excès. Il n’hésite pas à sur-intellectualiser la psychologie de son héroïne jusqu’à passer par la case thérapie familiale de comptoir sur un banc new-yorkais et à renforcer son côté « over the top » quitte à délaisser le développement des personnages secondaires.

En ce qui concerne la direction d’acteurs, c’est du tout bon. Jessica Chastain sublime sa partition et les seconds couteaux comme Idris Elba, Michael Cera, Kevin Costner ou encore Chris O’Dowd sont tous excellents même s’ils se retrouvent cantonnés à des rôles de faire valoir. D’ailleurs, Il s’agit du seul point positif d’une mise en scène incroyablement fonctionnelle dont les rares fulgurances sont dues à des effets de montage et au travail de la directrice de photographie, Charlotte Bruus Christensen («Fences», «La Chasse »).

En parlant du montage, il a été réalisé à six mains par Alan Baumgarten (« American Bluff », « Trumbo »), Elliot Graham ( « Steve Jobs »), Josh Schaeffer (« King Kong : Skull Island » ). Ce qui, outre l’éclectisme de la collaboration, explique un peu mieux pourquoi le film alterne entre un rythme très nerveux et des moments plus posés.

Si je ne peux pas nier que j’ai passé un bon moment devant «Le Grand Jeu», ses écueils et son propos un poil trop manichéen sur le rêve américain en font un biopic académique facilement oubliable une fois l’annonce des nominations pour les prochains oscars passée.

 

L’avis (salé) d’Alcide :

Le scénariste chouchou d’Hollywood Aaron Sorkin adapte la vie d’une personnalité au centre de tout un tas de gossips hollywoodiens. Son scénario extrêmement verbeux, à vue de nez deux fois plus épais que celui du golden globe du meilleur scénario 3 billboards, son casting coolissime, dont Michael Sera complètement à contre-emploi, et l’interprétation impeccable de Jessica Chastain qui promène 1m60 de flamboyance incorruptible dans un monde de machos vicelards, ne réussissent toutefois pas à sublimer la pauvreté du propos. On est cloisonné à un parcours ultra bateau type ascension, chute et morale finale bien niaise rempli d’effets visuels ou de montages chargés de faire oublier que le monsieur n’a aucune idée de comment faire un plan intéressant (c’est pas pour rien que ses scénarii sont connus pour ne jamais comporter d’indication de mise en scène).

Ce biopic qui commence autour du poker, lorgne mollement du côté du drame judiciaire pour se conclure avec la facilité honteuse d’un conte de Noël, donne l’impression que son réalisateur s’est noyé dans l’apologie de son sujet. En voulant faire tout jouer à son héroïne qui semble un condensé de Marilyn Monroe, Einstein et Gandhi, on arrive rapidement à l’indigestion d’une écriture qui à première vue paraissait brillante. Le grand jeu est un coup de bluff d’une mauvaise main, c’est sûr il a l’air confiant et tout sourire mais il n’a strictement rien à proposer.

Le Grand Jeu

  • Est
  • N'est pas
  • Porté par une sublime Jessica Chastain.
  • Maitrisé au niveau de sa narration.
  • Fonctionnel dans sa mise en scène.
  • Le meilleur scénario d’Aaron Sorkin même si on retrouve son goût pour les dialogues percutants.
  • Un intéressant portrait de femme forte.
  • Une grosse critique du rêve américain, je dirai même qu’il est un poil trop manichéen sur le sujet.
  • Facilement oubliable dès que l’annonce des nominations pour les prochains oscars sera passée.
  • Sans un côté « over the top » qui peut s’avérer agaçant.
Essai pas totalement concluant / 20