Même pas mort !
Le film devait sortir le 25 décembre dernier aux Etats-Unis, néanmoins un groupe de Hackers nommé les « guardians of peace » piratent les serveurs de Sony suite aux protestations de Kim Jong-Un (le glorieux suprême leader) et balancent sur la toile plusieurs films, dont Fury qui était déjà sur pirate bay depuis 6 mois, Mr Turner qui était principalement destiné à un public dont certains avaient connu des pirates de leur vivant, et Annie l’adaptation de la comédie musicale de Broadway prévue pour une sortie US uniquement, le genre de film qui ne plait qu’aux petites filles et au monsieur qui aiment les petites filles.
Agrougrou, moi envoyer bombe sur toi si toi rigoler film
Face à cette atteinte dépassant l’entendement contre le pays de l’oncle Sam et de fox news, Sony décide d’annuler la sortie du film à cause d’un risque terroriste. Barrack Obama exprime son mécontentement tandis que sa cote de popularité remonte en flèche, George Clooney diffuse une énième pétition, Ben Stiller rend perplexe toute une jeune génération en tweetant sobrement « Chaplin », Mike Myers reprend son rôle de Dr Denfer le temps d’un plateau télé en nous rappelant du coup que depuis le catastrophique Love Gourou en 2008 il n’avait rien fait et enfin, plus surprenant, l’écrivain brésilien Paulo Coelho (auteur de l’alchimiste et illuminé notoire) propose de racheter le film 100 000 $ pour le diffuser gratuitement ensuite. Pendant ce temps-là quiconque ayant touché à un ordinateur dans sa vie émet de sérieux doute quant à la capacité de la République populaire démocratique de Corée à pirater quoi que ce soit avec un nombre de lignes téléphoniques dans le pays estimée à 0.04 par habitant (avant-dernier pays au classement mondial, devant le Yemen), de plus le retrait du film devient l’info la plus relayée par les médias, occultant toutes les autres affaires comme le rapport sur la torture d’un ancien responsable de la CIA ou Moscou qui réagit face à la dépréciation du rouble, les théoriciens du complot trouvent papa noël bien généreux avec eux cette année tandis que pris d’un incontrôlable priapisme ils envahissent tous les forums de la partie nord du globe.
North Korea is best Korea
Dans ce climat que d’imaginatifs journalistes n’hésitent pas à nommer néo-guerre froide, Sony décide de diffuser le film en ligne en VoD sur Youtube Movies, XBox Live, Google Play et le site de Sony pour l’attractif tarif de 5,95 $ avant de finalement le sortir dans quelques salles (comme les plus gros multiplex de LA et New-York, on a vu plus indépendant comme distribution), le service de vidéo en ligne Netflix ajoute le film à son catalogue (pour une somme modique que notre service d’expert a estimé se situer entre beaucoup de thunes et beaucoup trop de thunes) , Paulo Coelho et ses 100 000 $ continuent à se morfondent dans leur absence de prix Nobel. Enfin Sony et son prosélytisme intéressé finit par offrir la vision du buzz de l’année au reste du monde.
Et sinon le film ? Ah oui, faut bien en parler à un moment ou à un autre, il est pas top.
Il y a plusieurs façon de faire un film politiquement engagé, ceci n’en est pas une.
En fait c’est un film d’une bande d’acteurs que l’on a appelé la bande de Judd Apatow du nom du producteur/réalisateur/scénariste d’une vingtaine de films qui a lancé tout un tas de comédien, Steve Carell avec 40 ans toujours puceau, Jonah Hill dans Supergrave, ici Seth Rogen et James Franco (rencontré dur Freaks and Geeks et aussi dans Delire Express) avec Randall Park (et qu’on retrouve à l’affiche de nos pires voisins avec Seth Rogen) qui interprète Kim Jong-Un(loué soit la verdeur de son caractère à l’image de ses chemises), etc.
Bref un petit monde que l’on retrouve dans pas mal de productions récentes vu qu’ils tournent chacune dans 2~3 films par an quand ils n’en réalisent pas eux-mêmes, la caractéristique la plus marquante de leur style et qu’ils interprètent à chaque fois des personnages un peu geek sur les bords ce qui donne des dialogues ultra référencés, comme ici le metrosexuel Dave Skylark (joué par James Franco) qui compare tout ce qui lui arrive à des épisodes du seigneur des anneaux. Le point culminant de ce style étant le film « C’est la fin » où toute cette génération d’acteurs dans leurs propre rôles se retrouvent à affronter la fin du monde, film justement écrit et réalisé par Evan Goldberg et Seth Rogen, le duo qui a pondu l’interview qui tue.
Skylark est une parodie d’un type de contenu destiné au même public que ce film… dur.
Donc ici le producteur (joué par Seth Rogen) de Dave Skylark, présentateur télé spécialisé dans les interviews de stars, en a un peu marre des émissions médiocres mais populaires, voyant son trouble, son bro skylark décide d’organiser l’interview du seul politicien qui d’après Wikipédia l’apprécie : Kim Jong-Un (qui dans son infinie sagesse protège la nation contre le Satan capitaliste). La CIA les contacts pour l’assassiner pendant l’émission.
Le scénario a au moins le mérite de ne pas tourner qu’autour des filles et de la fête (non, ça c’est réservé à la totalité des sous-intrigues) mais s’axe autour de la bromance James Franco-Seth Rogen (c’est-à-dire la profonde amitié entre deux hommes, cliché à tel point qu’un sous-genre du cinéma US est appelé Bromantic Comedy) qui va quasiment être traité façon triangle amoureux avec Kim Jong-Un (et son glorieux sourire couronnant ses glorieux mentons). Cette espèce de second degré permanent va apporter une certaine fraicheur à l’intrigue finalement assez plate, ainsi certaines scènes clichées (comme la préparation au combat) deviennent de vraies bonnes idées de parodies. Ce qui est dommage c’est que le film est vraiment long, quasiment deux heures, et que ce n’est vraiment qu’a la dernière demi-heure que l’on assiste au mélange comédie-action promis. En attendant on a droit aux vannes scato que s’envoient Laurel et Hardy bis entrecoupés de montages épileptiques façon clip. Le film n’est pas mauvais, il est même bien marrant par moments (ne serait-ce que pour l’utilisation de Firework de Katy Perry), le duo d’acteurs est sympa et le traitement du personnage de Kim Jong-Un (sans lequel ma découverte de l’onanisme aurait été bouleversée) est un vrai plus, mais faut pas se leurrer, c’est un pur produit de consommation américain calibré pour son public nourri à MTV. Si on ne lui reprochera pas d’être aussi visionnaire et intemporel que le Dictator de Chaplin, je regrette cependant qu’il n’atteigne pas le niveau du Dictator de Sacha Baron Cohen ou du Team America de Trey Parker de 2004, une fabuleuse parodie des films d’action-man ou la Corée du nord en prenait déjà plein les dents.
Même quand deux bro couchent ensemble, ça reste platonique, c’est ça les vrais bro !…. mais pourquoi tu t’enfuis bro ?
L’interview qui tue, malgré un buzz planétaire, n’est au final qu’une comédie potache avec une forme un peu plus originale que la moyenne mais un fond vu et revu. Ça aurait pu être pire, ça aurait pu être mieux, dommage.