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Festival de CannesLe Grill a aimé

Love

Porno or not porno?

Entre les affiches teaser, la bande d’annonce explicite, les déclarations de Vincent Maraval (le film “va faire bander les mecs et faire pleurer les filles”) et celles d’actrices X en perte de vitesse, tout laissait penser que Love allait être rangé dans la case des semi-pornos Arty vides de sens façon « 9 songs ». Pour autant, et au risque de décevoir les amateurs de la nuit hard mensuel de Canal+, le quatrième long métrage de Gaspard Noé n’est pas qu’une succession de gros plans de pénétration et des éjaculations mais quelque chose de plus complexe.

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On suit l’histoire d’un jeune père de famille Murphy, déçu de la tournure que prend sa vie ; il  est réveillé un matin du 1er de l’an par un message désespéré de la mère de son (ex) grand amour Electra. Elle est à la recherche de sa fille et a peur que cette dernière ne fasse une grosse bêtise. Inquiet et impuissant face à cette situation, il va profiter de cette journée pluvieuse pour se remémorer sa passion tumultueuse avec Electra.

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Conçu sur les phases d’un trip et raconté au travers des souvenirs de son protagoniste principal, la narration va nous plonger, de manière accélérée et déconstruite, dans 2 ans de la vie d’un couple bercé par la présence exacerbée d’Eros mais aussi de Thanatos caché en embuscade. Ce qui permet au réalisateur franco argentin, non pas d’offrir une vision violente (Nymphomaniac), joyeuse (shortbus) ou destructrice (Shame) du sexe mais triste et mélancolique. Mais cet aspect n’est qu’une partie du film car Love est surtout une définition romantique de son titre, distillé au son des notes, notamment, de la troisième glossienne de Satie et des guitares de Margot Brain de Funkadelic.

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L’ensemble peut apparaître surprenant pour ceux qui suivent le réalisateur d’irréversible depuis ses débuts car il livre son film le plus personnel (et personnifié notamment par la présence du grand espoir Jean Couteau dans le rôle d’un galeriste que reconnaîtront forcement des fans de «Noé») mais surtout adopte un regard moins nihiliste et plus humaniste sur cette histoire, ne jugeant jamais leur comportement et sincèrement, c’est très agréable.

Ensuite en ce qui concerne l’aspect technique, la direction d’acteurs est vraiment bonne. Karl Glusman et Aomi Muyock , un acteur semi amateur et une ancienne top model, sont parfaitement crédibles dans la peau de ce couple en quête de plaisir charnel et artificiel. La mise est scène, conçue à base de longs plans séquences entrecoupés de courts plans brefs tels des bribes de souvenirs, est immersive et sensorielle grâce à l’une des meilleures 3D depuis Avatar, belle grâce à la photo et au jeu de couleurs d’un Benoit Debie en état de grâce. Bref, c’est assurément l’une des meilleures de son auteur. À tel point que l’on n’a jamais l’impression d’être dans une approche voyeuriste et que les scènes de sexe, assez explicites mais pas si abondantes que cela au final, ne sont jamais vulgaires mais souvent sublimes à l’instar de tableaux signés par un grand maître.

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Mais malgré tout, je vous mentirais en vous disant que Love est parfait. Déjà, dans sa deuxième partie, Noé, le cinéaste, laisse quelquefois la place à Gaspard le provocateur, offrant à défaut d’être vraiment choquant, quelques scènes assez gratuites et inutiles, des fois même au détriment du sens et de la cohérence de l’histoire. Ensuite, si le scénario fonctionne très bien dans sa déconstruction, il apparait difficilement efficace dans l’autre sens, à tel point que l’on se pose des questions sur la crédibilité de la chronologie des événements qu’affronte ce couple. Les dialogues, tous improvisés, sont souvent plats et lourds. Les symboliques introduites par Noé pour renforcer la puissance de son propos, sont souvent mal exploités à l’image de celle que représentent les personnages de Murphy (= la loi de Murphy) et Electra (= le complexe d’Electre). Enfin, les plus tatillons diront que le réalisateur de «Entrer the void» recycle beaucoup d’éléments de ses précédents film alors que, je trouve personnellement et à l’image d’un Jaco Van Dormael et d’un Quentin Tarantino, il les reprend pour construire quelque chose de nouveau et d’unique. Et, certains diront que le film est plus un éloge du phallus triomphant que du plaisir partagé.

Pour autant, si on peut fantasmer en se disant que sans ces défauts, ce film aurait pu être un chef d’œuvre, la jouissance qu’il procure reste intense. Love n’est pas vraiment un porno, dans le sens où il n’en reprend pas les codes mais plutôt un drame érotique très explicite, procurant une expérience de cinéma jouissif et inoubliable que seul Gaspard Noé peut nous fournir. Une de celles qui ne peut se résumer en quelques lignes mais qu’il faut vivre au moins une fois dans sa vie de cinéphile. Cela serait un tort de s’en priver, surtout que les puritains de « Promouvoir » risquent très vite de faire fermer la boutique dans une bonne partie des villes françaises (interdiction aux moins de 18 ans = moins de copies). Sur ce, je dois vous laisser, il faut absolument que j’aille revisionner une deuxième et une troisième fois ce petit bijou. À très vite.

Love

  • Est
  • N'est pas
  • Un trip sensoriel unique
  • Sans maladresse dans ses dialogues et dans ses symboles grossièrement amenée
  • L’une des plus belles mises en scène de Gaspard Noé et doté d’une des meilleures 3D depuis Avatar
  • Sans scènes totalement gratuites, Gaspard tu es un sacré fripon
  • Un film qui ne parle pas que de sexe mais aussi d’amour dans sa vision la plus romantique du terme.
  • Doté de séquences de sexe vulgaire, charcutées à la manière d’un porno mais plutôt des tableaux de maître montrant de manière réaliste la beauté du coït dans toute sa splendeur.
  • Bien interprété, il faut le souligner surtout quand on connait le peu d'expérience de ses acteurs.
  • Doté d’une narration linéaire et heureusement car elle n’ apparaît crédible qu’au travers de cette construction.
Orgasme cinématographique / 20