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Le Grill a aimé

Lucky

Harry, un ami qui vous veut du bien.

 

Lucky, 90 ans passés, fume un paquet par jour un chapeau texan vissé sur le crâne, tourne au café crème bien sucré et au Bloody Mary. Rescapé de tout, le der’ des der’ des cowboys américains se demande quand même si son heure n’approche pas à grand pas.

Culminant à 98% sur Rotten Tomatoes et 7,7 sur IMDB, Lucky est un vrai coup de cœur de la presse américaine.

C’est le point de départ du premier film de John Carroll Lynch, second couteau essentiel du cinéma américain de Fargo des Coen à Zodiac de Fincher en passant par Gran Torino d’Eastwood à son rôle de clown tueur dans la série American horror story. Mais plus qu’un premier film, Lucky est un dernier film, un baroud d’honneur pour son interprète Harry Dean Stanton (qui nous a quittés le 15 septembre dernier à 91 ans), lui aussi une immense « gueule » de second plan d’Escape from New York à Sailor et Lula en passant par la Ligne Verte sans oublier Paris, Texas. En fait, l’errance philosophico-mystiquo-pantouflarde de ce héros à l’énorme capital sympathie fait figure de pot de départ où participent toutes ces têtes du cinéma américain apparues dans les années 70-80 pour ne jamais cesser de tourner jusqu’à aujourd’hui, notamment Tom Skerritt qui avait partagé un funeste destin avec Harry Dean Stanton dans Alien il y a 38 ans et surtout David Lynch pour qui l’acteur a été une figure récurrente de sa filmographie et qui vient ici nous offrir une tirade d’anthologie sur la noble race des tortues.

Aucun lien de parenté entre John Carroll Lynch et David Lynch, ce dernier est surtout là pour Harry, un de ses acteurs fétiches.

Au fond Lucky c’est surtout ça, une ambiance à la Bagdad Café où chaque rencontre est l’occasion de voir une tête familière s’offrir un petit moment de gloire, touchant, baroque ou limite surréaliste, gagnant en charme poussiéreux et ridé ce qu’il perd en cohérence. Le fait de voir la sortie du vieux Cowboy droit dans ses bottes programmée le même jour que le Star Wars dont les billets vont se vendre par palettes entières est aussi, par coïncidence, tout un symbole ; d’un côté le produit Disney ou chaque millimètre de péloche découle d’une réunion marketing, et de l’autre un film bancal, honnête et beau quand il le veut qui respire la sincérité à chaque seconde.

L’hommage à tout un pan de ciné qui commence avec les midnight movie et se continue avec la nouvelle génération qui s’est prise la saison trois de Twin Peaks dans les yeux fait mouche. Lucky donne envie se poser sur un rocking-chair grinçant pour remater une floppée de films, Paris, Texas en premier.

La symbolique n’est parfois pas fine, mais ça marche, Lucky a un sacré cachet.