Petit miracle
Ma vie de courgette est un film d’animation franco-suisse, en stop motion dépeignant le quotidien d’un foyer pour enfants à travers le regard d’un petit garçon, Icare, dont le surnom est courgette, ayant tué accidentellement sa mère tortionnaire et alcoolique. Je sens que vous êtes dubitatifs, rassurez-vous, je l’étais aussi au moment de l’inclure dans mon programme du dernier festival de Cannes. Pour autant, il me manquait deux facteurs pour que je statue sur son sort : le traitement et le rendu visuel.
En ce qui concerne le premier, Claude Barras l’a confié à Céline Sciamma, réalisatrice de la “Naissance des Pieuvres”, “Tomboy” et “Bande de Filles”. Après avoir dépoussiérer, au printemps dernier, le cinéma de Téchiné, elle s’attaque ici à l’adaptation d’un roman de Gilles Palis, “Autobiographie d’une courgette”. Elle garde l’équilibre parfait entre drame et humour tout en rendant l’histoire plus accessible aux plus jeunes (mais que je conseille aux 9 ans et plus). Comment a-t-elle fait ? Tout simplement, en traitant cette histoire à hauteur d’enfant, plus exactement avec l’innocence, l’imaginaire et l’espièglerie de pensionnaires d’une cours de primaire.
Je reconnais que ça n’a pas dû être évident a écrire car non seulement, la majorité des situations sont réalistes mais en plus Sciamma n’édulcore que très peu le propos (le film brasse quand même les thèmes de la mort, l’abandon et la maltraitance). Ainsi fut ma crainte avant la séance, Ma vie de Courgette aurait pu facilement tendre vers le misérabilisme ou le tire-larme mais à la place on est face à un patchwork d’émotions qui peut saisir petits et grands aux tripes pendant une heure six minutes, seulement ( choix délibéré afin intéresser les enfants à sa démarche). Les protagonistes touchants et humains n’y sont pas pour rien mais c’est l’aura poétique à fleur de peau qui nous emporte.
Afin de capter une atmosphére réaliste, Claude Barras s’est immergé pendant quelques semaines dans le quotidien d’un vrai foyer, il en a tiré quelques bonnes idées dont celle du tableau des humeurs.
Quant à l’animation, Barras nous sort un univers visuel de grande qualité. Fluide, beau, lumineux, bien rythmé et très détaillé malgré quelques faux raccords, on est immergé facilement dans le monde de Courgette, s’habituant même rapidement aux designs assez étranges de son héros. Le tout est enrobé par la BO sublime et varié (aux airs electro, jazz ainsi que classique) de la Suissesse Sophie Hunger, dont la reprise du “Vent nous portera” restera gravée dans notre mémoire.
Au musée des miniatures à Lyon, ils ont monté une exposition sur le film. Elle contient une bonne partie des décors, constumes et figurines du film. C’est jusqu’en Avril 2017, on vous conseille d’y aller si vous passez dans le coin.
En somme, dire que j’ai aimé ma vie de courgette est un euphémisme tant il regorge de qualités et si peu de défauts. Partout, où il est passé (Quinzaine des réalisateurs, Annecy pour citer les plus connus) il a remporté des prix et la moisson devrait continuer. A mes yeux, le premier long métrage de Claude barras est incontestablement le film d’animation de l’année et le plus beau, c’est qu’il est franco-suisse. Alors, allez-le voir, si ce n’est pas déjà fait, vous ferez un heureux.
Willard