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Le Grill a aimé avec réserves

Ocean’s 8

Ocean’s angels

 

Ocean’s 8, pour un film qui applique à la lettre les codes du genre bien trop essoufflé du film de casse en succédant à la saga nécrosée des Ocean’s, est un divertissement plutôt regardable.

La recette en 4 actes est connue, un personnage central (Sandra Bullock) réunit une équipe en commençant par son ancien.ne associé.e (Cate Blanchett), la préparation du casse, le casse avec sa dose d’imprévus et enfin échapper (ou non) aux forces de l’ordre avec plus ou moins de twist. Autant dire que l’on ne va pas y déroger d’un iota et mine de rien, ça permet au film de tenir à peu près debout à défaut d’installer un quelconque suspens.

En fait je suis partagé, d’un côté Ocean’s 8 accumule les personnages et situations stéréotypés (la déclinaison Rihanna du hacker d’opérette, la diva Anne Hathaway qui en fait des tonnes, la garçon manqué, la mère de famille, l’utilisation d’une improbable technologie du futur que même un scénariste des experts saison 12 oserait pas inventer) mais chacune a son moment de gloire  -Helena Boham Carter en tête – et il y a une inébranlable volonté d’offrir une série B pleine d’humour qui a l’intelligence de travailler sa forme à défaut de proposer une once d’originalité sur le fond. New-York plutôt que Las Vegas, exit l’univers des casinos pour une soirée mondaine ultra luxueuse et le groupe de gentlemen cambrioleurs laisse sa place à une déclinaison de femmes fatales. Alors oui par moments ça ressemble à une soirée pyjama mais ça n’est jamais vraiment navrant grâce à une alchimie qui fonctionne plutôt bien niveau casting et parce qu’il réussit à conserver le charme cabotin de la trilogie initiale.

Ocean’s 11 est déjà le remake de L’Inconnu de Las Vegas sorti en 1960 (Ocean’s 11 en VO) de Lewis Milestone, un réal un peu oublié qui a été un roi du box-office en son temps. Il est derrière d’immenses fresques comme Des souris et des hommes, à l’ouest rien de nouveau ou Les révoltés du Bounty qui sera un succès monstrueux, éclipsant Ocean’s 11 réalisé deux ans avant et qui regroupait une bonne partie des crooners du Rat Pack avec pour leader Frank Sinatra , un rôle repris par George Clooney dans la version moderne.

Faut dire qu’après le premier épisode très honnête en mode les Expendables de GQ, les errements trop méta d’Ocean’s 12 et le troisième qui est une reprise du premier tout en cherchant à en faire plus (pour rappel, ils organisent quand même une révolution au Mexique et un faux tremblement de terre), tabler sur une nouvelle équipe et un nouveau concept était bien la seule chose que l’on pouvait faire pour désespérément continuer à donner des suites à un remake correct qui a dégénéré en  une série où chaque épisode n’avait strictement rien à ajouter au concept de base. La preuve, le réalisateur de la trilogie initiale, Steven Soderbergh (producteur sur Ocean’s 8) a lui-même décliné la formule Ocean’s sauce Amérique profonde avec le largement recommandable Logan Lucky sorti il y a quelques mois.

On regrettera donc la réalisation plate de Gary Ross (Seabiscuit, Free state of Jones, Hunger Games, rien de bien excitant) qui reprend sans trop les comprendre les gimmicks du premier (écran séparé ou split-screen à gogo, cuts rapides sur différents plans très cartes postale de la ville) et une trame déjà vue mais on saura se contenter du cocktail humour/action qui nous est proposé.

 

Maintenant pour l’éléphant dans la pièce : est-ce bien ou mal de faire la même chose mais avec un changement de sexe ?
Ocean’s 8 est un spin-off d’une série qui ne pouvait plus souffrir un quatrième épisode tellement son concept et ses personnages étaient éculés. Respecter la saga initiale par de nombreux clins d’œil afin d’assurer une vraie continuité tout en proposant une déclinaison de la marque Ocean’s est une bonne idée plutôt bien exécutée sur cet aspect. Ocean’s 8 n’est pas un exemple honteux de concept girl power inséré au forceps, il sait jouer de ce changement et l’intègre organiquement à sa structure, les problèmes sont ailleurs : dans son écriture fainéante, sa réalisation plate et son manque abyssal de suspens. Pour l’empowerment ou le message féministe par contre… bon, se venger d’un ex, infiltrer la rédaction de Vogue et défiler en robe c’est pas non plus le pinacle de l’acte politique. Pour reprendre la phrase d’Hitchcock : To make a great film you need three things : the script, the script and the script (pour faire un grand film, il faut trois choses : le scénario, le scénario et le scénario). Passer même du dernier des musclor à une héroïne est possible, Terminator l’a très bien fait avec un glissement du robot Schwarzenegger à Sarah Connor en personnage central alors qu’a contrario pour la série des Conan le barbare, le spin-off oublié (à raison) dédié à la guerrière Red Sonja est un infâme navet, pareil dans une moindre mesure pour Mad Max où Charlize Theron prend la tête du dernier film avec brio alors que la féminisation de Star Wars est plus laborieuse à cause de l’écriture bancale de Rey (Daisy Ridley) et d’un manque total de perspective sur le long terme. C’est pas une question de bien ou mal, tout est possible pour peu que ça soit bien fait !

Et pour ceux qui veulent du girl power, rien que mercredi prochain t’as Un Couteau Dans le Cœur de Yann Gonzalez, Tully de Jason Reitman et Ma fille de Laura Bispuri qui ont un personnage central féminin, histoire de pas tout résumer à Hollywood.