Loading...
Les déceptions du grill

Room

La fin de l’innocence

8,3/10 sur l’imdb, 86% sur métacritique, 94% sur rotten tomatoses, 5 nominations pour un oscar et 7,7/10 sur sens critique à l’heure où j’écris cet article : Room à première vue apparaît comme un futur grand film mais j’en suis ressorti avec la même impression que “The Revenant” (je suis tout a fait d’accord avec l’avis d’Alcide), celle d’avoir assisté à un pétard mouillé.

 

Room

Pour faire simple, Room est composé de deux actes. Dans le premier, on est plongé dans le quotidien de Jack, enfermé depuis sa naissance dans une pièce avoisinant les 10 m², avec sa jeune mère Ma, proie régulière de leur geôlier lors de ses visites nocturnes. Très vite, on comprend que cette derniere lui a inventé une fiction afin de le préserver de l’horreur qu’ils sont en train de subir. Ce qui fait qu’en adoptant le point de vue de jack, le film montre la joie, la beauté, l’innocence ainsi que la féerie éphémère au travers de l’atrocité, un peu comme si, par exemple, le “Jack” de Francis Ford Coppola rencontrait l’ambiance terne et les hors champs dévastateurs de Mickael Haneke. Le réalisateur a fait preuve d’intelligence en ne montrant pas le visage du geôlier. Pendant trente minutes, j’ai assisté tout simplement à ce qui aurait pu être l’un des meilleurs films indépendant de l’année mais ça c’était avant que ces nobles intentions ne s’effondrent comme un château de cartes. En l’espace d’un retournement scénaristique, la fiction crée par Ma est pulvérisée de manière abrupte, le geôlier apparait à visage découvert et les raccourcis scénaristiques s’enchainent comme une envie pressante de vouloir passer à la suite, ce qui fait que je me suis interrogé sur la crédibilité et la vraisemblance de l’histoire que l’on me raconte.

Room room day40 0056 rgb 2040 0

En ce qui concerne la seconde partie qui montre la réhabilitation de ces protagonistes dans la société, le problème est tout aussi complexe. Sur le papier, l’idée n’est pas trop mal car on sent la volonté de la scénariste et du réalisateur de montrer, de manière juste, les séquelles, traumatismes et les conséquences des jugements que les personnages subissent sans faire de la psychologie de comptoir ou les théoriser. Dans les faits, la majorité des scènes est souvent bâclée dans l’écriture, donnant la mauvaise impression de vouloir juste empiler un maximum d’idées les unes après les autres autour d’un fil directeur et en un minimum de temps, avec son lot de seconds rôles fonctionnels qui les véhiculent, afin de vouloir faire monter la tension émotionnelle d’un cran. Et les rares scènes que je trouve justes et qui sont un tant soit peu développées sont souvent alourdies par un dialogue bête, inutile ou par une musique dramatique, me faisant vraiment penser que 90% des producteurs hollywoodien n’ont jamais vu « La chambre du fils » de Nanni Moretti (je vous recommande ce film pour sa manière d’aborder le deuil de manière sobre et pudique).

Macy mobile

Pour revenir sur les seconds rôles fonctionnels, ils ont quand même engagés juste William H Macy pour déclamer quatre répliques, illustrer une idée du scénario et puis partir.

Après, il y a Brie Larson et le jeune Jacob Tremblay qui apportent de la subtilité, du contenu à leur personnages tout en amenant, déjà à eux seuls, la tension émotionnelle de “Room”. Ils portent littéralement le film sur leurs épaules. En ce qui concerne la mise en scène de Lenny Abrahamson (dont son précédent long métrage Frank est toujours sur la liste des films qui me tentait le plus en 2015), il y a énormément de bonnes idées, que ce soit sur le fait de jouer sur les perspectives des lieux ou sa manière de donner un aspect féerique au point de vue de Jack mais j’ai eu l’impression qu’il s’est retrouvé un peu piégé par le scénario moyen d’Emma Daumergue (qui adapte son propre livre éponyme, largement inspiré de l’affaire Elisabeth Fritzl, que je n’ai pas eu le temps de lire) n’arrivant pas totalement à imposer totalement sa propre vision de l’histoire (comme l’avait su si bien faire Alfonso Gomez-Rejon avec “Earl, Me and The Dying girl“) tombant parfois dans l’académisme peu inspiré. Tout ça pour dire que, malgré le jeu de ses acteurs, ses intentions, sa belle histoire ainsi que ses bonnes idées parsemées ici et là, j’ai eu du mal à voir autre chose qu’un film ayant pour objectif de faire saturer le conduit lacrymal de ses spectateurs et d’aller chercher quelques nominations et prix dans quelques cérémonies importantes. Une grosse déception pour ma part, tant je pense que le duo Abrahamson/Daumergue avait les tous les ingrédients en main pour faire beaucoup mieux.

Room

  • Est
  • N'est pas
  • Très bien joué, il n’y a rien à dire sur la performance de Brie Larson et de Jacob Tremblay
  • Doté d’un bon scénario...
  • Doté de bonnes idées de mise en scène
  • ... (Et) Sans une curieuse impression que le réalisateur se trouve bridé artistiquement par lui
  • Divisé en deux parties très bancales
  • Sans quelques seconds rôles uniquement fonctionnels, donc inintéressant​
  • Une grosse déception pour ceux qui ont pensé que l’ensemble serait du même acabit que les trentes premières minutes
  • Sobre ou pudique dans sa manière de traiter la plupart des séquences émotion​
Un grand huit émotionnel (forcé), un / 20