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Le Grill a aimé

Shéhérazade

Au cœur de Marseille, l’insoumise

Présenté en sélection Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes, Shéhérazade est le premier long métrage de Jean-Bernard Marlin, dont le court métrage La Fugue (2013) avait connu un grand succès en festival (Ours d’or du Court-métrage à la Berlinale, nommé aux Césars catégorie Meilleur Court Métrage). Shéhérazade se déroule à Marseille et retrace l’histoire de Zachary, 17 ans, à peine sorti de prison. Sa mère n’a pas les moyens (ou l’envie) de le prendre à sa charge et sous son aile. L’option du foyer s’offre à lui, mais le jeune homme a soif de liberté. Il s’en échappe et rejoint ses amis qui l’emmènent « aux putes ». Par hasard, Zachary y reconnaît une fille de son quartier, Shéhérazade. Si ce n’est pas le coup de foudre à proprement parlé, les deux jeunes ne se quittent plus, un lien se tisse rapidement entre eux et leurs aventures de fuites et de délits commencent.

Zachary (Dylan Robert) et Shéhérazade (Kenza Fortas) forment un couple de cinéma étincelant entre retenue, fêlures et désir.

D’après un fait divers identique se déroulant à Marseille, Jean Bernard Marlin a passé deux ans et demi à écrire son film. Le travail est recherché, abouti et brut. Il frôle avec les limites du « réel ». Son casting sauvage (réalisé dans les quartiers de Marseille, des foyers, en sortie de prison…) d’acteurs non professionnel, originaires de Marseille, dont certains se trouvent dans les mêmes situations que dans le scénario, travaille à la dureté du film. Nous sommes face à une violence sociale, l’effet d’immersion est total, notamment grâce à l’aspect documentaire adopté. La caméra épaule du réalisateur nous entraîne dans les courses poursuites de ses personnages, dans les rues de Marseille et au cœur de ses violences. Le cadrage se rapproche au plus près des personnages, les gros plans récurrents sur leur visage nous font parfois oublier leur jeunesse et leurs petits gabarits de post adolescence. La musique ne prend pas une place trop importante, le morceau principal étant joué au début et à la fin du film. Le reste du temps, on s’imprègne du bruit de la ville. Grâce à tous ces aspects, la réalité est encore plus percutante.

« Incandescent », « électrisant », « une énergie folle ». Sur l’affiche du film, on peut lire ces adjectifs venant de journaux ayant relayés la sortie de Shéhérazade. Un résumé parfait du film et des sensations ressenties après son visionnage.

Malgré les attributs du documentaire qu’il porte, Shéhérazade reste bel et bien une fiction, en témoignent son scénario efficace et bien mené ainsi que sa composition d’image. À l’écran, le jeu de couleurs est recherché, que ce soit à la limite du flou ou bien l’éclairage face caméra en source lumineuse qui accentue certains décadrages. Devant la dureté de son propos, le film offre de beaux moments de cinéma, le tout porté par des acteurs avec une énergie et une justesse remarquable. Shéhérazade ne peut pas vous laisser de marbre, allez au cinéma et plongez dans l’univers rebelle de Marseille.

Shéhérazade

  • Est
  • N'est pas
  • le premier long métrage de Jean Bernard Marlin, un réalisateur à suivre de près
  • misérabiliste
  • une histoire d’amour
  • moralisateur
  • étonnant dans son esthétique
  • médiocre
  • marseillais jusqu'au final cut
  • passé inapercu au Festival du film Francophone d'Angoulême où il a remporté 3 prix (Meilleur Film, Meilleure Musique, Prix des Etudiants Francophone)
Un premier film, une réussite, rdv aux Césars / 20