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Le Grill a aimé avec réserves

The Florida Project

Question ouverte au réalisateur : où est le scénario ?

 

Sean Baker est à la limite de l’artiste contemporain est du cinéaste. Ultra engagé, il s’est fait connaitre après le micro exploit de réaliser en 2015 Tangerine, entièrement tourné avec trois smartphones, où l’on suivait 24h d’une prostituée un brin allumée de Los Angeles.

Cela fait maintenant quelques années que Dafoe jongle entre les projets indépendants (Dog Eat Dog, Pasolini, Nymphomaniac) et les gros budgets (Seven Sisters, le crime de l’Orient Express).

Avec plus de moyens (il a une caméra quoi), il délivre aujourd’hui Florida Project, troquant la cité des anges pour la banlieue d’Orlando en Floride, un gros marécage rempli de chantiers abandonnés depuis la crise de 2008 où sont aussi implantés les plus grands parcs d’attractions au monde, Disney World en tête. C’est dans un motel miteux aux loyers mensuels à peu près équivalent à un ticket journée pour le royaume de Mickey que se déroule notre action. On va suivre ce microcosme haut en couleur le temps d’un été chaud et moite, entre marginaux, parents célibataires vivant de petits boulots ou enchaînant les arnaques et leurs enfants faisant les quatre cent coups.

A l’exception de Willem Dafoe en gardien de ce petit monde, comme un Abel Tiffauges égaré, le reste du casting affiche une série d’inconnus. Le film est tourné in situ avec des habitants du coin, recrutés sur place ou par des réseaux sociaux dont Sean Baker filme le quotidien, se focalisant sur les enfants pour réenchanter la misère dans une série de décors criards avec une direction d’acteur qui force le respect.

Coloré et jouant à fond sur le côté artificiel des parcs d’attractions, il se rapproche de la démarche d’Escape from Tomorrow, film d’horreur tourné à la sauvette dans un parc Disney.

Si les intentions, la forme et le fond sont excellents avec parfois un sacré sens de la photographie, je regrette tout de même pouvoir résumer Florida Project à un trio de gamins en sérieux manque de ritaline vaquant de scène en scène sans vraiment de connexions entre elles. Deux heures de tranches de vie entrecoupées d’engueulades et de moments plus tendres pour se conclure avec une envolée lyrique très pressée.

Le film se contente de dresser un constat plutôt que de raconter une histoire. Il y a comme un côté sérial dans sa succession de scènes du quotidien, pas toutes égales d’ailleurs, qui peinent à faire quelque chose de son sujet. Florida Project patine pour captiver sur la durée, il en aura dit autant à l’issue de sa cinquième minute qu’à la fin de sa cent seizième et c’est bien dommage.