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Le Grill a aimé

Tu ne tueras point

Vous allez finir par vous aimer les uns les autres ? Bordel de merde.

 

Mel Gibson n’est pas vraiment le parfait gentleman. De son audition pour Mad Max 1 entrée dans la légende – il serait venu à moitié éméché avec un cocard pour accompagner un pote – à son indécrottable étiquette d’acteur bourrin avec deux trois scandales dans sa période alcoolique qui aurait suffi à faire sauter n’importe qui à Hollywood plus violemment que les derniers tweets de Clint Eastwood, on peut dire qu’il sent gentiment le souffre. Ou l’essence et le canigou, au choix.

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L’affiche alternative façon poster de propagande a de la gueule, le titre VO fait juste référence au nom de la bataille, du coup pour une fois je préfère la VF.

Et pourtant, il suffit de le voir tenir une caméra pour comprendre qu’il n’y a définitivement que les gens brisés qui laissent passer la lumière. Braveheart a placé la barre très haut, le côté jusqu’auboutiste de la passion du Christ en fait une curiosité violente pas dénuée d’intérêt dans sa mise en scène entre deux coups de fouet et la course-poursuite en pagne Apocalypto est une leçon niveau rythme pour un film d’action. Le trip de recréer une langue morte pour chacun de ses deux films montre aussi que derrière la provoc, le cinéma de Mel est quelque de sérieux. Trois transcriptions d’une relation amour haine par une incarnation de l’universalité de la violence humaine (Écosse moyenâgeuse, 33 après J-C et 1492 en Amérique du sud) qui, vu de l’extérieur dans un rôle confinant au voyeurisme, semble loin de s’arrêter au plateau de tournage pour sa part.

Arrive Tu ne tueras point, une punchline chrétienne en titre (ou commandement, si on veut être tatillon) pour un biopic sur un illustre inconnu, un soldat américain étant monté au front en 45 la fleur sans le fusil. Il ne veut pas tuer mais veut faire la guerre pour défendre ses valeurs. Il va au front sauver ses pairs.

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Notre héros choppe même des stigmates, c’est dire si le Mel a pas encore enterré cette histoire… Enfin, techniquement il y a eu résurrection alors je sais pas si on peut parler enterrement.

Structure classique en deux parties : l’entrainement loin du front avant le front puis le front pendant le front (pas celui où fleurit ton acné, l’autre). Le sourcil qui se lève derrière l’écran au fond ? Oui ? Full Metal Jacket ? Si tu veux, vu que t’as dû voir deux Kubrick dans ta vie et que pour celui-là t’as pas à expliquer pourquoi il y a un fœtus cosmique à la fin.

Cinematogrill Mel Gibson

Malgré quelques entorses à la réalité, le film s’attache à coller au “fait d’armes” légendaire du soldat Doss, cet article est pas mal sur le sujet.

Evidemment si la première heure se laisse poliment regarder, un peu d’amour, un peu de père alcoolique et quelques blagues entre bidasses, c’est dans sa deuxième partie que Tu ne tueras point obtient le prix du titre le plus ironique de l’année. Ce n’est pas parce que le film a un message profondément pacifiste et humaniste qu’il fait l’autruche, au contraire on sent Mel tout faire pour nous écarter les paupières façon traitement Ludovico (le troisième Kubrick, celui avec le distributeur de lait) devant une représentation objectivement terrifiante de l’horreur d’un conflit. Ce n’est pas un film qui montre les avantages de la paix mais au contraire l’horreur absolue de la tuerie de masse. Oubliez l’héroïsme et les chevauchées des walkyries, ici sa vision de l’enfer fait du réalisme son crédo, entre un amour des effets spéciaux physique – et tant mieux car les seules scènes de synthèses avec les navires rappellent les mauvais films lego du début des années 2000 – une utilisation de véritables vétérans amputés pour les blessés et un rythme quasi-temps réel de l’assaut, il faut revenir au soldat Ryan pour retrouver une telle intensité, les valeurs défendues ici en plus. Certains trouveront ces scènes un peu étirées, mais vu l’emphase sur les gueules de déterré des soldats, la (petite) endurance demandée au spectateur est là pour ajouter une dimension harassante au conflit.

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Pour une fois qu’Hugo Weaving me fait pas penser à l’agent Smith, ou à Elrond, ou à Red Skull, ou à Priscilla folle du desert…

En fait Tu ne tueras point est l’anti full metal jacket, là où le Kubrick dans toute sa précision montre comment un système conduit un pacifiste au meurtre, ici on développe, d’une manière parfois brouillonne mais toujours très franche, comment une conviction pousse un système à se remettre en question pour aboutir à une remise à sa place de l’importance du vivant. Le film refuse le statut de chef-d’œuvre en soumettant son histoire au réalisme que le biopic impose mais l’effet qu’il provoque, dépouillé de son iconographie christique ou de l’omniprésence de la foi, en fait quelque part une surprenante déclaration d’amour à l’humanité. Un film coup de poing à portée universelle. Si on allie la maestria de l’œil de Mel taillée pour faire parler l’immonde à Andrew Garfield possédé par son rôle de martyr ingénu, on obtient un film de guerre efficace dans sa forme que son fond transcende.

Merci Mel Gibson, on t’aime aussi.

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Andrew Garfield avec son rôle de grands dadet aux convictions en titane renforcé et sa préparation actor’s studio (il est allée vivre là où a vécu Doss pour connaitre sa vie par coeur) m’avait pas touché comme ça depuis Boy A.

 

 

 

Tu ne tueras point

  • Est
  • N'est pas
  • Le grand retour de Mel Gibson derrière la caméra
  • Sans une forte connotation christique, parfois bien vue, parfois pas finaude
  • Un film violent avec un message pacifiste
  • Maîtrisé à 100%, on sent quelques talonnements dans la construction
  • Joué par des acteurs investis et convaincants
  • Une ode exacerbée au patriotisme, certains passages tendent à universaliser le propos
  • Un film de guerre qui dépasse les poncifs du genre
  • À louper, on est devant un futur classique
Claque attendue mais claque quand même / 20