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Et la tête du monsieur elle fait SPLASH ! (les films d'Horreur)Le Grill a aimé avec réserves

It Follows

Les cauchemars ne relèvent pas de la logique et les expliquer n’aurait aucun intérêt, ce serait contraire à la poésie de la peur. Dans une histoire d’horreur la victime demande sans cesse pourquoi mais il n’y a aucune explication et il ne doit pas en avoir, ce sont les mystères sans réponses qui nous marquent le plus et c’est de cela qu’on se souvient à la fin.
Stephen King

 

It Follows, deuxième film de l’américain David Robert Mitchell après American Sleepover en 2010, est annoncé comme LE film  d’horreur de l’année, 100% sur Rotten Tomatoes (comme Mr Babadook d’ailleurs, c’est quoi cette hype pour l’horreur indé en ce moment ?). Pour les billes dans la langue de Kanye West, le titre se traduit par « il suit » ou plutôt « ça suit », oui car ce IT est le même que dans le titre original du roman « ça » de Stephen King adapté dans un cultissime téléfilm dans les années 90. Une piqûre de rappel ? Des jeunes préados qui affrontent une créature multiforme, invisible à tous sauf à ses proies qui a fait augmenter de 400% les cas de coulrophobie à l’échelle mondiale. Ici c’est un peu pareil (sauf pour les clowns), la magnifique bande-annonce ne spoilant rien je vais lui rendre honneur en faisant de même. Le film joue sur cette petite poussée de paranoïa que l’on a tous eu : la peur que quelque chose, là-bas, dans le noir nous attend et nous pourchasse.

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Une consécration, ultra flippant, sublime… ok mais on parle que de l’intro hein ?

Bon dit comme ça, ça fout pas forcément le trouillomètre à zero, heureusement David Robert Mitchell est un mec sacrément doué. Déjà la grosse bonne idée du film, c’est que dans beaucoup de plan qui dans n’importe quel autre film aurait été fixe, il va effectuer un zoom ou un travelling très lent, renforçant constamment l’angoissante impression qu’un danger menace d’arriver. La caméra suit, se rapproche de l’action en faisant naître une angoisse sourde de ce simple effet de style. Ensuite la musique ; Mitchell a fait ses gammes et les compositeurs de Disasterpeace nous sortent du Carpenter période Halloween, certes c’est pas de lancinants morceaux de synthé qui crient leurs appartenances aux années 80 mais plus des son électronique à la Cliff Martinez (Drive, Only God Forgives) qui font leur travail et qui le font bien. La bande-son est terrifiante, efficace pour faire monter la tension ou simplement garder intacte cette peur primale que le film a réussi à faire surgir pendant les scènes plus creuses.

Ensuite, le point le plus surprenant, c’est que It Follows suinte par hectolitre une aura indé style Sundance. On retrouve ce portrait de la jeunesse américaine de classe moyenne qui se cherche dans un monde où les adultes sont aux abonnés absents, ces ados immortalisés par Larry Clark, Gia Coppola dans Palo Alto ou la grande Sofia. Je m’étais fait la réflexion pendant la séance que Jay, l’héroïne incarnée avec brio par Maika Monroe, aurait parfaitement eu sa place dans The Bling Ring ; comme de juste elle y joue un petit rôle. Tous ses acteurs sonnent juste, à des lieux du groupe de jeunes lambda qui n’attend que de passer au statut de tableau de chasse d’un Freddy Krueger ou d’un Jason Voorhees. La caméra adopte donc un ton posé, la photographie y est léchée, le travail sur le hors champ est intelligent, l’utilisation de la lumière sublime qui donne même un côté onirique au film, la musique parfaite, le jeu d’acteur réaliste, le nombre de scare jump dans les limites accetables (deux ou trois). Qu’est ce qui ne va pas ?

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Film d’horreur, film d’auteur ? entre les deux mon cœur balance.

Le scénario, la violence. Le problème c’est que le film commence par dix minutes à couper le souffle qui se finissent par une note brutale qui renvoie la découverte du cadavre de Laura Palmer dans Twin Peaks à l’intro d’un épisode des aventures de Oui-Oui. Et après ? Pas grand-chose en fait, cette violence quasiment insoutenable ne sera jamais plus ne serait-ce que frôlé, la « malédiction » sera livrée avec une notice explicative et c’est sur ces éléments que le réalisateur va jouer en y insufflant bien peu de surprises, entraînant fatalement des répétitions dans la mise en scène. À tel point que le climax, la scène qui se veut le point culminant du film, a été pour moi de loin la moins effrayante, voire la plus ridicule via un effet spécial un peu raté.

Ce qui est décevant, c’est que tant de bonnes idées et une OST aussi sublime (dans son genre) se retrouvent au service d’un scénario aussi banal dont tout le mystère est tué dans l’œuf. Le réalisateur nous interdit tout doute sur la véracité ou non des événements (en gros l’option « tout ça c’est dans sa tête » n’est pas à l’ordre du jour) et le soufflé se dégonfle peu à peu. En fait j’ai eu l’impression que la scène d’intro est un  court métrage de génie et que l’on lui a collé un film d’une heure trente derrière pour le sortir en salles. D’ailleurs j’ai senti cette déception dans les réactions à la sortie du ciné « il ne se passe rien comme dans un paranormal activity, c’est une série pour faire du fric ». Je ne pense pas, déjà je vois le film comme un one shot qui n’appelle pas de suite, ensuite le traitement de cette jeunesse poursuivie par une force mystérieuse dans les ruines de Detroit est personnel, original et sincère, mais c’est vrai que David Robert Mitchell en a trop promis et le film s’essouffle passé sa première heure.
It Follows ça reste un coup de cœur pour sa scène d’intro, le questionnement moral ainsi que l’évolution de son héroïne prête à tout pour survivre m’ont plu et je ne renie pas l’originalité du traitement indépendant qui apporte un souffle nouveau sur une histoire de malédiction  somme toute classique. Probablement trop classique.

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Faudra m’expliquer pourquoi on en est arrivé à citer La féline, film fantastico-horrifique de 1942 avec une scène dans une piscine… perso ça m’a fait penser à Morse (2008) avec un petit rappel à l’intro des dents de la mer.

 

SPOIL/EXPLICATION/SPOIL/EXPLICATION/SPOIL/EXPLICATION/SPOIL/EXPLICATION/SPOILEXPLICATION/SPOIL/EXPLICATION/SPOIL

Un point qui m’a surpris et qui a été l’objet de vives critiques dans la presse, c’est le fait que la malédiction se transmette par un rapport sexuel, façon MST et que le fantôme tue par une sorte de viol morbide. On a reproché à Mitchell d’avoir voulu moraliser la dépravation de la jeunesse américaine qui se condamne par sa sexualité débridée (rien que ça). Non, non, non et niet ! Déjà à aucun moment on a de notion de punition, la perte de l’innocence est passée à la trappe, Jay n’est plus vierge depuis longtemps et Mitchell aime son sujet d’étude, cette jeunesse américaine arrivée à l’âge ou l’on s’affranchit du contrôle parental. Le traitement est bien plus proche du Frissons de Cronenberg (ou là aussi on a une MST de l’enfer), voire du Ring d’Hideo Nakata où le seul moyen d’échapper à la malédiction est de copier et faire visionner une copie de la cassette maudite à une autre personne, la condamnant du même coup. Beaucoup de monstres de films d’horreur sont des métaphores plus ou moins évidentes du plaisir charnel, du look phallique d’un xenomorphe au sensuel Dracula en passant par la vagina dentata de Teeth (Mitchell Lichtenstein, 2007). Ici Mitchell, comme beaucoup d’autres, mélange sexe et horreur pour renforcer le côté malsain et dérangeant de cet incube moderne.

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Un des petits trucs bizarre du film, un mec cache une photo de sa copine dans un playboy…

Si perte de l’innocence il y a, ce serait plutôt celle montrée dans la dernière scène où Jay et Paul (interprété par Keir Gilchrist), un couple bien mal assorti, marchent main dans la main suivis par la créature dans le flou optique qui couvre l’arrière-plan. Elle est ce coup-ci non plus une menace mais le poids de leurs remords d’avoir condamné d’autres personnes pour se mettre temporairement à l’abri de ce cauchemar (dé)ambulant.

It Follows

  • Est
  • N'est pas
  • Original dans sa mise en scène style festival de Sundance
  • Sans répétition, le film s’essouffle vite passé la première heure
  • Servie par une OST sublime pour ce genre de film
  • Un film à voir entre potes, l’ambiance angoissante peut se faire annihiler en quelques vannes douteuses
  • Bien interprété, avec peu de dialogue les acteurs arrivent à bien dégager la personnalité de leurs personnages
  • Un film d’horreur classique ou un film indépendant pépère, il est un peu en grand écart entre deux publics
  • Flippant, pas tout le temps, mais on ne va pas lui enlever ça
  • Assez abouti dans son concept, jouer plus à fond sur la frontière entre onirisme cauchemardesque et réalité aurait été plus judicieux
Un court métrage génial étalé sur 1h40 / 20