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Festival de CannesLe Grill a aimé avec réserves

À genoux les gars

Guerre des sexes(tapes)

 

Film vu dans le cadre du 71ème festival de Cannes

L’interview réalisée par Willard du réalisateur Antoine Desrosières et des actrices Souad Arsane et Inas Chanti : ICI.

À genoux les gars est une comédie particulièrement caustique même si elle sait rester légère qui traite, principalement, du viol, du harcèlement, du revenge-porn, des interdits religieux, de la drogue et du suicide…

Ok, on va détailler par quels moyens Antoine Desrosières a réussi à faire un bon film et à éviter la crucifixion.

C’est un peu comme si l’on avait confié la réalisation d’un scénario de Larry Clark au club Dorothée, et pourtant…

Pour commencer, À genoux les gars conjugue deux genres que l’on n’aurait pas forcément vu se rencontrer à la base : la comédie de mœurs du XVIIIeme orienté libertin façon Crebillon fils ou certains Molière, et le film de banlieues genre Les Kaira ou Les lascars. Le tout dans une esthétique colorée de sitcom des années 80-90, comme un improbable épisode pilote d’un spin off sans filtre d’Hélène et les garçons. Pour le moins, on peut affirmer qu’il ne ressemble qu’à lui-même.

Deux sœurs, interprétées par Souad Arsane et Inas Chanti, découvrent donc autant les premiers émois de l’amour qu’elles construisent la forme que va prendre leur sexualité naissante (d’où l’interdiction pour les moins de 12 ans, même s’il n’y a rien de bien méchant). Comme on apprend par l’erreur, des sacrées conneries vont être commises que nos deux héroïnes vont tenter de réparer dans une sorte de descente aux enfers illustrée par de la musique yéyé.

L’intrigue, rocambolesque jusqu’au naïf par moments, et la réalisation, plutôt plate avec des transitions volontairement désuètes, doivent cependant être dépassées (c’est pas dur) pour trouver le cœur du style Desrosières : ses situations et ses dialogues.

Suite spirituelle plutôt que directe du court-métrage Haramiste, Desrosières reprend son duo d’actrices pour incarner à nouveau les personnages de Yasmina et Rim.

Ses caractères sont facilement identifiables, on a le bellâtre un brin narcisse, son acolyte idiot comme un Sganarelle fringué chez Adidas, la fille qui s’affirme et sa sœur qui se cherche un peu plus, l’autorité parentale en fond, etc. Le cadre à peine posé que tout dégénère mais au lieu de tomber dans un glauque presque attendu, le son prend le relai de l’image et on voit la lumière. Les dialogues rapides, verbeux, dans un argot imagé impertinent et iconoclaste font tout passer, font prendre un recul salvateur. Si l’on se désole souvent du QI à un chiffre que semblent parfois afficher les personnages, la série de diatribes ancrées dans la réalité demeure un bel ouvrage : quatre mois de répétitions et de réécritures collectives ont précédé le tournage, la plupart des acteurs sont crédités en coscénaristes d’ailleurs. Les trouvailles délirantes nichées dans ces textes truculents ont la fraîcheur brute d’une improvisation réussie.

Ainsi chaque sujet brûlant est pris sous un jour surprenant, avec une vision décomplexée communicative qui ne condamne rien, si ce n’est le mal-baisé, et affiche une foi infatigable dans la seconde chance. Si constat d’une triste réalité il y a, son angle d’attaque fait mouche et réussit à provoquer la réflexion plus que le rejet ou la révolte. Le flot continu pourra toutefois fatiguer et on regrette que certaines idées ou personnages semblent avoir été mis de côté (je pense à l’échange de deux minutes entre la mère de nos héroïnes et leur tante), mais il faut aussi savoir que d’une part le film est un condensé de plus de cinq heures de rush qui vont aussi donner naissance à une web série en 30 épisodes de 10 minutes, expliquant parfois les errements techniques où les passages un peu abrupts d’une scène à l’autre, et que d’autre part, le format final d’1h38 est un choix judicieux qui lui permet de garder un rythme fluide tout en évitant l’overdose.

Le film est pensé comme plusieurs séquences mises bout à bout sur un fil rouge et pas comme un bloc où tout se répond, l’avantage c’est qu’on ne sait jamais trop dans quelle direction il va aller.

A l’arrivée on se retrouve avec une comédie non identifiée, porteuse d’une proposition de cinéma unique sur des thèmes universels, qui veut plutôt rire que pleurer d’une naissance cataclysmique des relations entre les deux sexes, préférant aller au fond d’un sujet épineux, quitte à garder quelques éraflures au passage, que de se contenter d’un placide constat. Une œuvre à découvrir.

À genoux les gars

  • Est
  • N'est pas
  • Une comédie bien pensée qui arrive à rendre très drôle des sujets graves
  • Un téléfilm même si la réalisation fait série télé rétro
  • Un film surprenant de la compétition cannoise
  • Forcément pour un jeune public, les thèmes seront plus parlant passé 13-14 ans
  • Un plaisir pour ses dialogues délirants
  • A louper pour ceux qui disent qu'il se passe rien dans le ciné français
  • Joué par un casting que l'on sent investi
  • Long ou ennuyeux, il sait garder un rythme punchy
L'école des meufs / 20