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Le Grill a aimé avec réserves

Aquaman

20.000 baffes sous les mers

Il y a tout un tas de raisons pour lesquelles Aquaman peut déplaire. Loin d’être le plus populaire des super-héros, souvent tourné en ridicule d’ailleurs, le projet partait de loin et il n’est pas aidé par son choix de respecter l’esthétique du comic : des cheveux rouges pétants de Amber Heard au look de fourmi laser de Black Manta ou les armures kitschs de la moitié des habitants d’Atlantis baignant dans un tout numérique permanent avec à leur tête un méchant playboy des fonds marins blond au charisme d’huître tiède (Patrick Wilson a enfin trouvé le fond de sa carrière, wouhou ?). C’est sûr que l’on a l’impression de voir un énième coup de pelle sur la vision sombre de DC par Snyder, de loin ça ressemble même à un Flash Gordon qui se serait donné les moyens de ses ambitions, donc pas une bonne idée. Autant dire que quand le film s’ouvre sur une Nicole Kidman scintillante dans sa combinaison lycra moulante afin d’entamer une première demi-heure rushée pour poser son univers comme notre organisme se débarrasse d’un burrito pas frais, j’étais fébrile à l’idée d’assister à une resucée marine de Batman Forever.

Voilà, une direction artistique comme ça c’est typiquement comme les grenouilles d’Amazonie : plus elles sont fluo, moins faut les approcher.

Mais non. Miracle. James Wan dont je n’avais pas apprécié un film depuis Saw en 2004 (pour rappel, sur 9 films, il a réalisé un Fast&Furious et 7 films d’horreur, lançant les franchises Saw, Insidious et Conjuring) a péché ce qui l’intéressait/marchait bien dans la marée de films de super-héros qui noient nos écrans depuis dix ans – on retrouve un duel royal à la Black Panther et un trident magique comme le marteau de Thor – mais a rajouté une foule d’autres influences pour un rendu bien différent.

Manque plus qu’Arthur précise qu’il a horreur des serpents et on est bon.

Commençant sur une citation de Jules Verne, Aquaman se veut être un grand film d’aventure nous transportant aux quatre coins du monde. Passé ses deux premiers actes un peu laborieux, il prend son indépendance face à ce qui nous est proposé autant chez Marvel que chez DC. Dès qu’il trouve son équilibre, le film offre un grand spectacle débridé comme on en a plus vu depuis le Tintin de Spielberg (qui est et demeure une pépite trop rapidement oubliée d’ailleurs). La relation de Buddy-movie entre Mera et Arthur (Amber et Jason) fonctionne avec cette femme fatale forte et indépendante opposée à une sorte de catcheur au grand cœur distributeur automatique de pains et de punchlines. S’ils ne sont pas fins, au moins ils sont très drôles. Mieux, ils sont drôles ET évitent de réduire à néant tous les enjeux du récit comme dans un Thor 3 qui concluait chaque séquence épique par un gag vaseux, ici on se marre mais on ne balance pas nonchalamment des sabres lasers dans du guano de porgs.

S’il n’est pas tout à fait une origin story, le film présente la jeunesse de son héros sans pour autant perdre de temps. C’est cliché mais ça fait le café.

Enfin, le film va encore plus loin en embrassant totalement la dimension “mythologique” de son personnage, se servant de l’univers des comics (Aquaman est le prince héritier d’Atlantide qui comme le roi Arthur doit récupérer une arme magique pour réclamer son trône) pour structurer son récit selon un schéma de quête initiatique, très proche du Monomythe de Campbell. Si on ricanait quand Jason Momoa annonçait que “Aquaman, c’est Star Wars sous l’eau !”, force est de constater que c’est un cap que le film suit fermement. Si ce n’est pas exactement visible aux premiers abords, il est au final juste de qualifier Aquaman de Space-opéra sous-marin, (un Sea-opéra ?). Du mentor joué par un Willem Dafoe dans la lignée d’un maître Jedi à une scène derrière une cascade qui rappelle furieusement la grotte sur Dagobah dans L’Empire contre-attaque, on constate que la saga de Lucas n’a pas fini de faire des petits qui rendent des hommages intelligents sans bêtement copier, surtout chez la concurrence de Disney.

Les plans numériques, soit 99% du film, ont le mérite d’être excessivement fouillés, voire même surchargés de détails. Le magazine S.F.X. en parle très bien dans ses colonnes, notamment sur la création des villes sous-marines.

Dans les autres qualités, on parlera de la chorégraphie des combats, largement au-dessus du Marvel moyen, l’influence majeure étant celle des films d’arts martiaux asiatiques, le cadre tourbillonne lors d’un suplex ou est projeté contre un mur avec l’ennemi. Une rareté appréciable à Hollywood. En fait, James Wan améliore le concept et relie souvent ses plans par des effets numériques pour donner transformer deux plans distincts en un seul plan-séquence, offrant une une action toujours fluide. Une scène en Sicile m’a particulièrement bluffée (et pas que parce-qu’elle reprend la scène avec le fléau de X-Men 3, vue dans Valérian aussi) en alternant parfois dans le même plan quatre points de vue différents sans rien sacrifier à sa lisibilité. Dommage que la grande baston finale, si elle impressionne par sa velléité d’afficher un héroïsme conjugué au gargantuesque, en fasse des caisses même si demeure la récompense d’assister à l’aboutissement épique de la quête d’Arthur.

Black Mantha est un méchant plutôt attachant, le film prend son temps pour l’introduire.

Si je ne suis d’habitude pas client du style nerveux que James Wan adopte dans les Conjuring, surtout l’épisode 2, il trouve ici particulièrement sa place pour dynamiser un film d’aventure. L’esthétique à première vue ringarde et flashy trouve tout son sens dans les scènes sous-marines aux décors quelque part entre La petite Sirène, Tron et Le monde perdu. Il y a au moins un plan sublime (la dantesque scène de la descente dans la brèche) pour chaque égarement visuel.

Détaché du film de super-héros, beaucoup plus ambitieux que par exemple un Ant-Man 2 au minimum syndical ou même un Wonder Woman se contentant de vaguement poser son personnage dans le contexte de la seconde guerre mondiale, James Wan propose un voyage épique non exempt de défauts (dans l’écriture, dans ses personnages secondaires) aux scènes inégales mais réussissant l’exploit de poser un univers neuf aux idées qui ne sentent pas toutes le renfermé. Fonctionnant bizarrement mais bizarrement fonctionnel, épique et généreux, il serait dommage pour les amateurs refroidis (à raison) par Justice League de passer à côté de ce grand récit d’aventure aquatique.

BINGO BLOCKBUSTER

La fausse mort du héros ou du méchant

Le Mac Guffin (l’objet/la personne à récupérer qui sert d’intrigue)

La blague raciste qui passe car c’est sur des asiatiques/ européens/ australiens

Heureusement qu’il y avait cet objet improbable à cet endroit précis à ce moment précis

Le personnage secondaire qui n’a aucune, mais aucune raison de rejoindre le héros (sauf s’il est suicidaire)

Le couple de héros qui concluent pas

La scène post-générique qui fait avancer l’intrigue

Le compte à rebours

Les zombies ou assimilés tuables en masse

Le héros qui fait ça pour sa copine ou sa famille

Le méchant tue un de ses sbires

La musique déjà utilisée dans un autre blockbuster récent

Remake/suite/ reboot/ spin-off/univers étendu

Les classiques : véhicules explosifs, balles illimitées, ennemis qui attaquent un par un

Le méchant surpuissant qui devrait latter le héros en 30 secondes si le film était un minimum cohérent avec lui même

Un caméo inutile d’une personnalité hors-sujet 10 ans d’amitié au bout de deux jours d’engeulades Le film règle les problèmes de célibat de son personnage principal La bande annonce est mieux que le film, d’ailleurs elle en contient la meilleure scène

Le manque flagrant d’insultes car tout public

Avec seulement cinq poncifs, Aquaman a le meilleur score de l’année. Par contre la reprise d’Africa de Toto par Pitbull ou le poulpe géant qui fait du bongo, j’étais pas prêt.

Aquaman

  • Est
  • N'est pas
  • Un grand film d'aventure, exubérant et inspiré
  • Ce n'est pas vraiment un film de super-héros, il présente un univers plus qu'un personnage
  • Il est épique en embrassant une dimension mythologique bienvenue
  • Les premières scènes sont là pour poser le décor
  • Le duo Heard/Momoa fonctionne
  • Pas le pire film de Nicole Kidman, pas le meilleur non plus
  • Il est dans la veine d'un Space-opéra à la Star-Wars
  • Au niveau de la direction artistique, on va du sublime au très laid
Surpris par la marée, bien meilleur qu'espéré / 20