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Les déceptions du grill

Danish Girl

Alors, la transsexualité vue par Hollywood, cela donne quoi ?

 Dans les années 20, Einar Wegener était un jeune artiste peintre danois très en vogue. Il était marié à l’artiste Gerda Wegener qui exerçait aussi ses talents dans la confection de portraits sur toile et acceptait de se travestir pour servir de modèle à cette dernière. Mais, ce jeu de rôle artistique révéla celle qui se cache sous sa peau, Lili, sa vraie personnalité qui ne demandait qu’à éclore et qui l’a poussé à devenir le premier homme à changer de sexe.

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Sur le papier, on a une histoire vraie, originale et intrigante, mise entre les mains du chouchou de l’académie des Oscars, pour sa capacité à lisser et à rendre grand public tout ce qu’il touche, Tom Hopper. Mauvais signe, me direz-vous ? Rassurez-vous je pensais exactement la même chose avant de rentrer dans la salle. Est-ce que mon jugement a changé à la sortie de la salle ? Un peu, disons que ce qui m’a vraiment surpris dans ce biopic hollywoodien, c’est le fait de montrer certaines scènes concernant la quête d’identité d’Einar/Lili de manière un peu crue et pas très conventionnelle sans pour autant tomber dans le voyeurisme ou le graveleux. Nudité frontale (masculine et féminine), couple un brin pervers et anticonformiste, ainsi qu’une scène troublante où le protagoniste s’identifie de manière sexuée à une femme sont au programme. C’est sûr que dit comme cela, Danish Girl donne l’impression de vouloir diverger, un peu, de la ligne de conduite hollywoodienne pour se rapprocher de celle des drames indépendants. Pour tout vous dire,malgré la reconstitution trop hollywoodienne du Danemark du 19 ème siècle, j’y ai cru pendant une bonne heure et demie avant de me rendre à l’évidence que ces scènes ne représentaient, malheureusement, qu’une infime partie du film.

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Bon je ne dis pas que c’est du niveau de ce que l’on peut croiser dans un Boys don’t Cry ou d’un film de David Cameron Mitchell mais quand on se souvient qu’il y a 10 ans de cela, une scène d’amour entre deux hommes dans une tente avait choqué 70% de la population américaine, c’est assez osé de la part d’un film de studio de parler de transsexualité de cette manière.

Car derrière ce côté Hyde, assez troublant et intéressant, il y a Jekyll qui sommeille et qui commence à reprendre le dessus au moment le plus intéressant. À cet instant, The Danish girl devient, petit à petit, le produit académique tant attendu par ses détracteurs. Musique mélodramatique, triangle amoureux (assez conventionnel), stéréotypes historiques évidents, refus de continuer d’approfondir son sujet principal (le transgendérisme) dans les dernières minutes, Tom Hopper et sa scénariste, Lucinda Coxon, tentent de séduire l’académie en leur donnant ce dont elle raffole. Un peu comme si, en milieu de parcours, ils se rendaient compte qu’ils ont fait une bêtise et essayaient de se faire pardonner du choix du sujet et de ces quelques scènes qui risquent de choquer le public puritain. Le problème étant que, même s’il évite de sombrer dans le pathos, il y laisse une impression bizarre qui sonne un peu faux, comme si des taches de sang s’incrustaient sur un drap de soie.

Après, Danish girl n’est pas un mauvais film. Malgré l’écriture caricaturale des personnages secondaires et le fait qu’il y a des raccourcis par rapport à la véritable histoire, le scénario développe de manière intéressante les personnages d’Einar et de Greta ainsi que leur relation complexe. Deux partitions prises au vol par leurs acteurs : d’un côté Eddie Redmayne, qui malgré l’accentuation de ses mimiques et l’envie exacerbée de faire une grosse performance pour obtenir un deuxième oscar consécutif, est très crédible dans le rôle de l’artiste.

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Bon, il faut dire que je ne suis pas très sensible aux acteurs qui se spécialisent dans des rôles à Oscar. Mais, je reconnais que la transformation est bluffante et que l’équipe maquillage a bien fait son travail.

Mais de l’autre il y a Alicia Vikander, qui en apportant charme, force, fragilité, insolence et sensibilité au personnage de la scandaleuse et talentueuse Gerda, vole littéralement la vedette à son partenaire et éclabousse le film de son talent. Tandis que les acteurs secondaires font très bien leur job, à l’image d’un Matthias Schoenaerts charismatique dans le rôle du mâle alpha mystérieux.

 

Oscar

À gauche, la lauréate du golden globe de la meilleure actrice dans un second rôle, au centre et à droite, deux des favorites pour le prix de la meilleure actrice dans un drame ( durant la même cérémonie), ces talentueuses actrices se retrouveront opposées pour l’obtention de l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Je n’ai pas eu la chance de voir, pour l’instant, la performance de Winslet, mais en me fiant aux prédictions de la presse étrangère et aux performances de Vikander et Mara, on va assister à une sacrée impasse mexicaine, c’est moi qui vous le dit.

Un des gros points possitifs, le film a une superbe direction artistique, que ce soit au niveau de sa photographie, de ses décors et de ses costumes. La mise en scène de Tom Hopper, bien qu’un peu plate (il n’a pas changé, son talent se limite aux plans fixes et aux travelings) et manquant parfois de subtilité (la scène du passage à tabac), la bonifie en composant  certains plans aussi beaux que des scénettes peintes à l’aquarelle.

The danish girl trailer

Tout cela pour dire que Danish girl n’est pas un mauvais film. Il est même assez intéressant mais malgré ses élans audacieux son côté conformiste est trop pesant pour totalement sortir du lot des biopics académiques, ressassés et mièvres. Dommage, j’y ai cru.

 

Danish Girl

  • Est
  • N'est pas
  • Très bien joué, notamment Alicia Vikander qui n’a pas volé sa nomination aux oscars
  • Une oeuvre qui sombre dans le pathos mais on entend quand même les gros violons propres aux mélos hollywoodiens
  • Doté d’une belle direction artistique
  • Un film grand public de par son histoire ainsi que par les scènes troublantes du miroir et du bordel parisien
  • Pas trop mal écrit, notamment en ce qui concerne la relation entre Einar et Gerda
  • La preuve que Tom Hopper a révolutionné sa mise en scène, mais il reste simple et (parfois) efficasse
  • Un mélange hybride qui tire plus vers le conformisme que vers l’audace
  • À la hauteur du potentiel de son sujet.
Académisme Tempéré / 20