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Le Grill a aimé

Dernier train pour Busan

Tchou Tchou Motherfucker

 

Il y a une règle voulant que quoi que vous fassiez, il y a toujours un asiatique qui le fait mieux. Vous pouvez interpréter la chaconne de Bach au violon après des années d’entrainement ? Il existe très probablement sur youtube un jeune virtuose coréen de 8 ans en équilibre sur un skate enflammé qui y arrive aussi.  Vous êtes un spectateur blasé des histoires de zombis accessoirement critique pour Cinématogrill au physique d’Apollon ?  Yeon Sang-ho est là pour vous offrir un spectacle que vous n’espériez plus dans ce genre peuplé de navets en quête de cerveaux eux aussi.

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Vu comme ça, on dirait l’affiche d’un direct to dvd créé par un type qui a tout mis dans les hélicoptères et rien dans le slogan. Il y a juste le logo Cannois pour rappeler qu’il est passé entre avec Woody Allen.

La Corée (du sud, gros malin) a largué trois bombes cet été. Le dérangeant The Strangers avec son récit fantastique changeant de registre toutes les dix minutes pour mieux nous accompagner au bout de l’enfer, l’excellent mais perfectible à cause de ses longueurs Man on High Heels où le policier le plus violent et sociopathe de Séoul est déterminé à poursuivre son rêve : devenir une femme, et enfin le dernier mais pas des moindres : Dernier train pour Busan. Film de Zombis n’essayant pas de brouiller les codes du genre contrairement aux deux autres mais alternant trouvailles qui en mettent plein les dents et poncifs tellement bien ficelés qu’ils en mettent plein les dents quand même.

Ça commence pépère, un salary man en plein divorce veut rattraper le merdier qu’est sa relation avec sa gamine en l’amenant voir sa mère à Busan (un bon gros Paris-Marseille, Séoul étant au nord du Pays, Busan au sud-est, ça sert à rien au propos de l’article soit dit en passant) mais voilà : Zombis.


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Le faible nombre de décors est transcendé par l’intelligence de leur usage, le film est tellement bien pensé qu’on voit à peine ses deux heures passer. 

L’intelligence du dernier train pour Busan est qu’il fait tout comme tout le monde mais en mieux. Une précision de la narration et du cadrage qui n’est pas étrangère au fait que son scénariste-réalisateur vient de l’animation, un monde où chaque scène est pensée au millimètre près. Il s’est illustré à travers son dérangeant King of Pigs, drame social puissant marqué d’un cynisme noir aux accents Orwelliens (mais oui critique bientôt, mais oui) et Seoul Station, une histoire de morts vivants animé dont Dernier Train pour Busan est la continuité (en fait les deux films se passent en même temps sans liens entre elles, le succès du premier ayant entrainé la réalisation de l’autre).

Une maitrise donc de son action, allant crescendo des traces de l’apocalypse Zombi osant à peine rentrer dans le champ (un reflet sur une vitre, un incendie dans le fond) pour peu à peu leur faire affronter l’horreur de plein fouet dans deux heures d’oppressant rodéo en quasi-huisclos qui n’en finit pas de captiver par l’intensité de sa mise en scène. Il y a du World War Z dans ses masses grouillantes (avec la différence notable que des cascadeurs sont souvent préférés au numérique), du 28 jours plus tard dans la représentation de ses villes dévastées (réduites aux gares, forcement) avec ses zombis ultra-énervés, du cinéma asiatique avec ses signes de zombification yeux blanc-veines noires collection Jhorror 2010-2016, du Resident Evil avec la bonne idée qu’il a de ne RIEN faire comme un Resident Evil, préférant à l’action frénétique la cohérence de son scénario se renouvelant astucieusement chaque fois qu’il risquait de tourner en rond, offrant ainsi un surprenant dernier acte là où je m’attendais à voir tomber le générique histoire de passer du réussi au culte. Un poil de Transperceneige aussi (adaptation coréenne d’une BD française, ceux qui disent Snowpiercer sont des buses) en ce que le train est un merveilleux bouillon pour un portrait parfois facile mais pertinent de toutes les classes sociales. Dernier Train pour Busan ne cache pas ses origines qu’il transcende dans un tout d’une incroyable cohérence.

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Les héros pas complément stupides face aux zombis, ça aussi ça fait plaisir à voir.

Alors oui, il y a bien une résistance des matériaux adaptée aux impératifs du scénario, une gestion de l’accéléré un poil brouillonne (encore que) et des personnages clichés, mais le miracle du Dernier train pour Busan tient justement à son sens de la mesure quasi parfait pour ses protagonistes pourtant pas follement originaux. Permettant de se concentrer avec une surprenante efficacité sur leurs relations dans leur combat pour survivre par lesquels un attachement fort se crée, excusant que des scènes déjà vue marchent avec un impact décuplé ici, excusant qu’on ait l’œil humide pour un sacrifice ultra prévisible (bordel film, je pensais avoir dépassé ça depuis Alien 3). Peut on aimer un film où un personnage pleure sur un air de piano ? Oui, Willard fulminait mais vu que d’un autre côté il adore les comédies sentimentales américaines, j’ai suffisamment de dossier que pour l’empêcher de dire du mal de ce film.

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À Gérardmer est passé Howl, un film sur un train attaqué par des loups garou, à côté il existe Midnight Meat Train ou encore Train de 2010, un Hostel du pauvre qui se passe pas dans un bateau; Dernier train pour Busan les bats à plate couture dans l’exploitation de la claustrophobie générée par une succession de wagon.

Comme les plus grands, il se paie même le luxe de passer un message mordant sur l’égoïsme de la société coréenne devant réapprendre que l’union fait la force entre deux corps démantibulés. De la scène où notre héros trader rentre dans son appartement cossu pour voir sa mère préparer un plat populaire en passant par le destin d’un de ses confrères à travers quelques coups de téléphone d’une ironie mordante que n’aurait pas renié un Roméro à ses débuts, le film à première vue minimaliste –tout ou presque est dans le titre – est au contraire d’une richesse épurée au nom du seul impératif qui compte dans ce genre : la tension.

Dans cet été chiche en film d’action de qualité, Dernier train pour Busan est le sang frais que je n’attendais plus. Premier film live réussi de son réalisateur, avec ses critiques élogieuses depuis son ovation au festival de Cannes (hors compétition, séance de minuit) et sa distribution exceptionnelle pour un film d’horreur asiatique, on ne se mouille pas trop en qualifiant Busan de déjà culte.

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Dernier train pour Marseille : une invasion zombis éclate dans le nord de la France, un père en instance de divorce fait signer une procuration à l’avocat de sa femme pour pouvoir prendre le train à Paris avec sa fille. Arrivé à la gare en Vélib car grève des taxis, le train est annoncé avec 40 minutes de retard suite à un problème de gestion du trafic. La gare est barricadée par les usagers luttant pour survivre, toutefois rassurés en ce que la piste terroriste est écartée. L’épidémie est aux portes de la ville, les zombis étant toutefois ralenti car se trouvant sur le chemin d’une manifestation anti-loi travail, les CRS les ont férocement attaqué. Notre héros voit son train démarrer et tandis que le wagon-bar indique pour la troisième fois qu’il est ouvert, le train s’arrête à cause d’un parpaing sur la voie du côté de Brest. Les zombis finissent par entrer dans la rame et massacrent les passagers, un contrôleur se fait mordre entraînant un arrêt du trafic par solidarité. Les survivants se sont réfugiés dans le dernier wagon disponible pour savoir si on en est là à cause des migrants, du mariage homo ou d’Hollande. Ils finissent par s’accorder pour blâmer le Brexit tandis que la porte cède, entraînant l’irruption d’une vague de morts-vivants affamés. Un massacre s’ensuit. Marion Maréchal Le Pen fait un discours en prime time sur TF1 pour annoncer que le FN ne compte pas instrumentaliser cet événement. Trois mois plus tard la veuve de notre héros reçoit un message de la SNCF indiquant que l’apocalypse zombie est dans les clauses n’ouvrant pas droit à remboursement de 20% du prix du billet, alinéa III-A du deuxième astérisque de l’annexe des conditions de vente, elle pose la lettre sur la table à côté de celle de l’enquête de satisfaction sur le même trajet Paris-Marseille reçut dans la journée de l’incident.

Dernier train pour Busan

  • Est
  • N'est pas
  • Génial pour sa représentation de l’arrivée de l’épidémie
  • Un film d’horreur qui vise à terroriser le spectateur, l’ambiance y est pesante mais on est plus dans l’optique de lutter avec nos héros que d’avoir peur avec eux
  • Surprenant en ce qu’il sait se renouveler avec intelligence à chaque risque de répétition
  • Peuplé de personnages mémorables mais tellement bien écrit qu’ils en deviennent marquants
  • Fascinant par sa gestion du rythme entre action et tension filmé avec un sacré sens du cadre
  • Un film de Zombis qui déconstruit les codes du genre, au contraire il les utilise avec brio
  • Le film d’action de l’été sans hésiter et personnellement le film de Zombi qui m’a le plus enthousiasmé depuis 28 jours plus tard
  • Un film de distraction pure, son message social, simple mais efficace, rappelle les heures glorieuses de l’apogée du genre avec Roméro
film de l'été / 20