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Le Grill a aimé

Dunkerque

« Dunkerque » retrace l’évacuation des troupes alliées lors de l’opération Dynamo, du 21 mai au 4 juin 1940. Près de 300 000 soldats vont ainsi échapper à l’armée allemande lors de ce sauvetage héroïque qualifié de « miracle » par Churchill.

Dans le film, les troupes anglaises sont clairement mises en avant tandis que les Français ont le droit à quelques scènes très brèves et à quelques citations succinctes pour présenter la situation. Il faut cependant rappeler que ce sont ces braves soldats français qui ont protégé Dunkerque afin d’assurer la réussite de l’évacuation, et ce fait est totalement occulté dans le film au profit de la ténacité britannique. Sans tomber dans le révisionnisme, la vision des évènements reste strictement focalisée sur l’action britannique. Si plus de 300 000 soldats ont été rapatriés en Grande-Bretagne, la Wehrmacht fera près de 35 000 prisonniers, dont la quasi-totalité sera des Français. Après cette petite piqûre de rappel, parlons du film.

Tout est réel dans « Dunkerque ». Du lieu de tournage aux scènes d’actions en passant par les figurants (près de 1 500) et les bateaux (navires de guerre et chaloupes), l’ensemble donne cet aspect authentique si cher au réalisateur. Il y a cependant un gros reproche à faire sur la reconstitution du Dunkerque des années 1940 (maisons et bâtiments modernes en arrière-plans, grues & hangars surdimensionnés et quelques autres détails pour les connaisseurs comme le Messerschmitt BF-109 qui est en réalité un modèle espagnol post-deuxième guerre, mais il a au moins le mérite d’être réel).

Les scènes d’aviation sont d’ailleurs anthologiques, tout ceci est filmé avec telle virtuosité que l’immersion en devient totale. Le plan séquence sur la plage de Dunkerque du Spitfire est magnifique.

Pour son dixième film, Christopher Nolan plonge dans le film historique. Il réalise un survival intense apportant ainsi une autre vision du film de guerre. Il accorde un soin indéniable à ses images, techniquement c’est un excellent travail. Comme ses précédents films (Inception et Interstellar notamment), il joue avec la temporalité. Le film se déroule sous trois angles narratifs ; les événements sur la jetée s’étirent sur une semaine, la mer sur une journée et le ciel sur une heure. Les trois récits tissent un ensemble épuré jouant avec brio entre flash-back et flash-foward. L’idée est bonne mais le résultat n’atteint pas le climax de haute voltige que le film pouvait promettre. Cela peut-être dû au fait qu’on a l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose. Tout est au service de l’action au détriment du développement des personnages qui n’ont pas le droit à une quelconque ébauche de leur passé, nous privant ainsi de la moindre empathie ou émotion quand à leur triste destin. Nolan privilégie l’aspect thriller plus que militaire. Il nous a habitués à mieux d’un point de vue intrigue et accélération du récit. Beaucoup de choses sont suggérées et le danger de l’ennemi n’est pas réellement palpable (quelques avions et coups de fusils).

Le casting, bien qu’excellent et juste, reste un peu dans l’attente (Mark Rylance, Tom Hardy, Kenneth Brannagh, Cillian Murphy et les jeunes Fionn Whitehead et Harry Styles). La narration chorale sur 1h47 fait que les personnages manquent de background pour que le spectateur ait le temps de s’attacher à eux. Un fait que le réalisateur ne souhaitait apparemment pas développer en préférant « s’intéresser à la simple survie de ses personnages » selon le magazine Première.

Le film comporte très peu de dialogues. La part belle est faite aux effets sonores et surtout à la musique de Hans Zimmer qui s’accorde parfaitement avec les images de Nolan. Il compose ici, pour leur sixième collaboration, une bande originale anxiogène. Constamment présente tout le long du film, elle fait parfaitement ressentir la tension et l’urgence de l’évacuation.

« Dunkerque » est un film de guerre peu classique et qui reste incomparable à tout ce qu’on a pu voir sur le thème (très différent d’Il Faut Sauver Le Soldat Ryan (1998) par exemple). Ainsi pour la mémoire, Christopher Nolan a ravivé une flamme, celle de la victoire dans la défaite dans un spectacle visuel immersif et expérimental.