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Festival de Cannes

Festival de cannes : Jour 6 et 7

Pour mon retour sur la croisette ( mercredi), je décide de rattraper le film qui a le plus buzzé en ce début de deuxième semaine. Il s’agit du premier film de Léonor Serraille « Jeune femme ». Cette dernière s’appelle Paula, trentenaire instable et fauchée qui a du mal à se remettre d’une récente rupture. Si on a l’impression que l’écriture du personnage est assez caricaturale, elle s’affine au fur et à mesure que l’on suit les péripéties de son héroïne, la rendant de plus en plus sympathique. La partition est interprétée à la perfection par une exceptionnelle Laetitia Dosch et Serraille dirige le tout de main de maître. Il y a un souci du détail et une volonté d’exprimer l’action en quelques fragments de plan qui forcent le respect. Pas de doute, il y a de fortes chances que ce premier film réussi rencontre un large public . D’ailleurs, c’est ce que je lui souhaite.

Ensuite après avoir échoué pour la montée des marches pour « Les proies » le dernier film de Sofia Coppola, j’ai attendu deux heures pour  me rendre à la dernière séance de minuit de ce 70 ème festival. Si « Dernier train pour Busan » avait été un claque monumentale lors de l’édition précédente, cette fois il en est autrement pour l’un des deux films coréens  projeté en hors compétition. « Sans pitié » est un sympathique polar où l’on suit pour ne pas trop en dire, la rencontre entre deux truands dans une prison. Pas de quoi casser quatre pattes à un canard surtout que le sujet manque d’originalité et que la mise en scène très appliquée n’arrête pas de faire des clins d’œil aux films de la nouvelle vague hongkongaise ainsi qu’à ceux de Park Chan Wook. Reste que l’ensemble est plaisant à suivre.

Le lendemain, je me rends tranquillement pour le premier du film du matin au grand théâtre lumière. Annoncé comme le film de genre de la compétition par Thierry Frémaux, « Good Time » semblait être une curiosité dans la filmographie des frères Safdie, plus spécialistes de drames naturalistes que de polars. Pourtant, il se trouve être un bon mélange entre  drame familial et polar nerveux, à ranger plus du côté de la «25ème heure» de Spike Lee que du Drive de Nicholas Winding Refn. Pas beaucoup d’effusions de sang ou de fusillades mais une ambiance prenante. La mise en scène des Safdie est vraiment très stylisée et Robert Pattinson est impeccable  dans le rôle du délinquant paumé qui cherche à faire sortir son frère autiste de prison. Si le scénario n’a rien d’exceptionnel, il est bien écrit et sonne particulièrement juste. Bref, pas une claque mais une bonne surprise.

Puis direction la quinzaine des réalisateurs pour ce qui ne sera pas un grand moment de finesse. Deuxième long métrage du duo Cary Murnion/Jonathan Milott, « Bushwick » nous plonge au plein milieu d’une guerre civile dans les rues de New York. Littéralement car le film se compose d’un long (faux) plan-séquence (presque ininterrompu) qui permet de faciliter grandement l’immersion. Facile de s’attacher à ce personnage de jeune femme qui essaie de survivre dans une jungle urbaine en compagnie d’un ancien médecin militaire bien incarné par le catcheur  David Bautista (Drax dans les gardiens de la galaxie). Surtout que l’ensemble est dépeint de manière fun sans pour autant banaliser la violence. On sent la douleur des personnages à chaque balle ou coup de couteau reçu. Personnellement, cela me fait énormément plaisir de voir un propos aussi politique et dur dans un film produit par Netflix. Restent qu’avec son budget un poil juste pour un projet d’une telle ampleur (moins de 10 millions de dollars) ainsi qu’un tournage fait dans l’urgence (20 jours), quelques gros faux raccords sont à déplorer mais sinon c’est vraiment pas mal.

Retour à la complétion avec l’un des deux films de la sélection officielle qui me tentait le moins. Je redoutais le nouveau film de Sergei Loznitsa, cinéaste ukrainien se revendiquant de Robert Bresson. Les premières minutes d’ « Une femme douce » ne m’ont pas donné tort. Certains plans ressemblent à des toiles de maitres mais l’action met une bonne trentaine de minutes à décoller. Après, cette histoire de femme qui traverse la Russie afin de pouvoir avoir des nouvelles de son époux emprisonné à tort devient passionnante. On n’échappe pas à certaines scènes beaucoup trop étirées mais son propos sur la rigidité et la violence de l’administration russe est vachement audacieux. Tout comme ses quarante dernières minutes où sans trop spoiler, on plonge dans une rêverie onirique radicale, bavarde et à la limite du grotesque qui en divisera plus d’un. D’ailleurs, il y a eu autant de sifflets que d’applaudissements à la fin de la projection. Moi-même, je n’arrive pas à donner un avis tranché mais le film continue, des heures après sa projection, à me trotter dans la tête. Comme pour le Campillo, c’est vraiment bon signe.

Fin de soirée à la semaine de la critique où je fais plus de deux heures de queue avant de pouvoir  voir le film de clôture. Fort de son superbe buzz au dernier festival de Sundance, « Brigsby bear » est un feel good movie décapant. Comment aurait-il pu en être autrement avec son histoire de jeune homme fasciné par la série que lui créent ses deux ravisseurs qui l’ont élevé pendant trente ans comme leur propre fils. C’est drôle, irrévérencieux et émouvant mais surtout le film transpire de la première à la dernière image un amour incommensurable pour le 7ème art. Quand on est cinéphilie, on peut dire que ça fait un bien fou de voir ça. Surtout que mises à part quelques facilités d’écriture, le scénario est de grande qualité. Restent une distribution sacrement convaincante et une mise en scène qui a de beaux moments de grâce. C’est l’un de mes coups de cœur du festival.