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Le Grill a aimé avec réserves

Inertia

Less is more

Dès le titre, on est percuté par un écho au sentiment d’engourdissement anxiogène, d’animation lente distillé par Inertia. On s’assoit et on regarde hypnotisé cette histoire qui se fait autant sur l’écran que dans la tête du spectateur.

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Il y a une fascination pour l’eau, autant le bateau rouillé devient symbole du deuil et du père mais le robinet j’ai plus de mal à l’analyser.

Une grosse heure, c’est ce qu’il faut au scénariste/réalisateur Adan Haguel pour exprimer un amour vache à la ville portuaire d’Haïfa, rappel de celui que Camus portait à Oran. Une ville laide où l’on s’ennuie, du béton ocre face à la mer où même la mémoire rouille. Dans ce cadre que l’on peut maintenant appeler absurde, une femme égare son mari. Comme ça. Où ? Quand ? Comment ? On ne sait pas trop et ça n’empêche pas le soleil de se lever, du coup on fait avec. Pire, on se rend compte qu’en fait on est bien sans lui. On embrasse l’inertie de la non-réaction à cette disparition, on s’agite mollement puis on laisse couler. Notre héroïne, Mira, suit le courant. La sculpturale Ilanit Ben-Yaakov, dont c’est le premier film, est particulièrement efficace pour incarner le mystère qui plane ici.

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La bande-annonce est un petit chef-d’oeuvre de concision et d’ambiance, ma préférée cette année.

Difficile de savoir ce qui lui traverse l’esprit d’ailleurs, l’image est avare en symboles et les pistes, quand elles apparaissent, ne font qu’ajouter à la non-compréhension du tout. Ce n’est pas pour ça que le film à première vue aride dans son parti pris épuré est avare en grinçant. Une sorte d’humour noir dosé avec finesse peuple tous les (rares) dialogues. Logé dans un coussin chien mignon en décalage avec l’atmosphère du reste, les remarques de la mère passionnée par les meurtrières, les vagues échanges entre les personnages…

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Il y a aussi un amour de la symétrie centrale, du rouge et des plans immobiles dans des espaces en mouvements (un ascenseur, un téléphérique). Il y a aussi un mec pas frais dans le fond.

Le choix d’une caméra fixe aux couleurs presque délavées lui va bien, on finit par avoir l’impression que certaines images s’impriment sur l’écran. Une sensation d’apesanteur alimentée par ses plans posé aux mouvements de caméra rares. Ennui ? Pas vraiment, engourdissement plutôt mais fascination surtout.

Inertia plaît, obsède comme un de ces longs romans graphiques en compétition à Angoulême visant à transmettre une émotion plutôt qu’une histoire. Stylisé, intriguant, piquant parfois pour de tomber dans le drame dépressif qui l’attendait juste en dessous de son numéro d’équilibriste, le film est une bonne pioche tard le soir. Mon seul regret est qu’il n’ose pas embrasser son onirisme noir, mais avoir envie d’en voir plus est peut-être une bonne chose au final.

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Avec Une semaine et un jour, Inertia est une bonne surprise du cinéma Israélien de ces derniers mois.