John Weak
John Wick premier du nom était une bonne surprise dans le monde de plus en plus restreint des série B bourrine à budget moyen (20 millions, le double pour la suite ce qui fait quand même cinq fois moins que Kong Skull Island par exemple). Délire de deux cascadeurs, Chad Stahelski et David Leitch, passés réalisateurs, on suivait les pérégrinations d’un Keanu Reaves à nuque longue parti géhenner du russe dans des plans posés à la chorégraphie étudiée. Car oui, ce que John Wick ne dit pas c’est qu’il est avant tout un délire de chorégraphes d’arts martiaux et d’amoureux d’effets spéciaux fait main greffée avec brio autour d’un prétexte canin marquant par la démesure qu’il apporte et un univers, avec son hôtel particulier géré par un groupe international d’assassins franchement accrocheur. Novateur comme une keynote Apple post-Steve Jobs mais suffisamment chiadé que pour donner envie de ramener sa gamelle main franchement tendue en cas de suite.
Chose faite avec John Wick 2 qui tient malheureusement plus du cassoulet-choucroute.
Le seul film sponsorisé à la fois par la NRA et la SPA. Sinon faut quand même admettre que c’est un meilleur rôle pour Keanu que dans Knock Knock ou Neon Demon.
La dantesque scène d’intro empêche de sentir de suite qu’il y a baleine sous gravillon. En plus ça commence par quelques images de Buster Keaton, comique du muet et père spirituel des cascadeurs puisque le bonhomme n’hésitait pas à amortir une maison en brique pour les besoins d’un gag : hommage payé, ici venez pas chercher de la finesse dans le propos mais de la maestria dans la figuration d’une violence stylisée où les action-man portent du sur-mesure.
L’affiche rouge pas folichone et la tagline bien naze est une exclusivité européenne… Bien l’exception culturelle ? Sinon en Vo on parle de John Wick Capter 2, histoire de montrer que l’on entre dans la franchise. Je suis modérément convaincu.
Et c’est là qu’est l’os hélas. Bienvenue dans un monde de super-tueurs aux looks recherchés, plus adepte des grandes baignoires en marbre avec des bougies et une musique de chambre (probablement tirée de la banque de son “morceaux-classiques-à-la-con-mais-qui-fait-classe”) que d’un entraînement paramilitaire. Une bonne moitié du film donne l’impression d’avoir zappé sur luxe tv, le côté reine des damnés anecdotique du premier troque ici nos bêtes d’action des caniches pomponnés. Une scène de préparation à la baston avec un montage badass sur les gros flingues fait toujours son petit effet, non ? John Wick 2 en est le contre-exemple en la faisant durer 20 minutes, et me parlez pas du p*tain de sommelier probablement là pour faire frémir ceux qui ont une photo de Tony Montana en profil Facebook… Construire une attente vers les scènes d’action est la base d’une bonne série B bourrine mais ici on atteint le point de rupture. On supporte ce balai de poseurs en espérant avoir droit à un os à ronger, on subit un Laurence Fishburne bedonnant inutile en roi clodo, on s’afflige des raccourcis dans le scénario déjà pas bien épais qui finit par enterrer sa cohérence sans avoir besoin de tir à la tête pour l’achever. Tout ça pour un final a minima frustrant, probablement pour amorcer la série qui va suivre… sauf si c’est un préquel.
Cette scène est la seule où le personnage de Ruby Rose (2nd rôle dans XXX 3, le dernier resident evil, etc) réfléchit… Sinon j’aurais pu citer la police beauf mettant en avant certains mots qui m’ont fait penser aux onomatopées du Batman de 66 ou Ian McShane jouant un Michael Douglas du pauvre. Le film ne fait pas que des bons choix.
L’original surprenait par son absence de prétention dévoilant un univers chiadé et le soin apporté aux petits détails comme le nombre “réalistes” de balles tirées pour chaque arme, la suite part à l’excès dans le fantasme d’un monde de l’ombre qui finit par passer la barrière du très con et si les scènes d’action inventives combleront les amateurs, le remplissage pompeux risque de venir à bout même des plus acharnés des fans de nuque longue.
Keanu Reeves s’est mis à fond dans le tir et les arts martiaux pour le film, ça se sent qu’il ne fait pas n’importe quoi et on évite le montage haché où se succèdent les plans rapprochés pour servir de cache misère faussement rythmé. Ici on est rapide aussi mais les performances sont là.