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Le Grill a aimé avec réserves

Joy (2016)

Rêve Américain : 350ème

Il était une fois Joy, une jeune femme qui se rêvait grande inventrice mais qui, pour gagner sa vie, se retrouve guichetière dans une compagnie aérienne. Sa vie personnelle n’a rien de facile, vu qu’elle est le seul pilier (et bonne à tout faire) d’une famille dysfonctionnelle et assez pauvre, composée: de sa mère qui passe sa vie à regarder des « soap opéra » débiles à la télévision; de son ex-mari, chanteur dans une boite de jazz, logeant au sous-sol de sa maison; de son père qui retrouve les joies de l’amour dans les bras d’une veuve très riche mais assez dure; de sa demi-sœur qui cherche constamment à la rabaisser mais aussi de ses deux charmantes petites filles et de sa grand-mère qui la pousse à croire en ses idées. Un jour, elle va trouver une idée qui s’avérera révolutionnaire. Elle va créer un balai-serpillère dont on peut essorer la tête sans la toucher. Et le plus beau, c’est qu’elle va tenter de faire fortune avec.

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Voilà, l’histoire du nouveau long métrage de David O. Russell, inspiré du parcours de l’une des pionnières du téléachat américain. Je ne vais pas vous mentir, j’en suis sorti un peu déçu car lorsqu’on est en présence du réalisateur d’un des meilleurs biopics sportifs de l’histoire du cinéma (Fighter) et d’une des comédies romantiques les plus rafraichissantes de ces dernières années (Happiness Therapy), on peut légitiment s’attendre à un film de qualité. Sauf, que Joy m’a laissé perplexe. Le problème ne vient pas de la mise en scène du cinéaste américain, qui est encore une fois de bonne facture. Il ne vient pas non plus de son casting, car, notamment, entre une Jennifer Lawrence impeccable dans le rôle-titre, un Robert De Niro jouissif dans le rôle du père de l’héroïne et une Isabella Rossellini détestable dans le rôle de la belle-mère antipathique, il est très bon. Il vient de son scénario et pour être plus précis de son traitement.

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Ah oui, le grand monologue d’Isabella Rossellini sur la concurrence et le pistolet ainsi que la scène ou Joy s’entraîne au tir, que nous vend la bande d’annonce, n’ont aucun lien entre elles. Et, le montage dynamique et l’aspect film de gangsters ne sont propres qu’à cette dernière aussi.

Pour autant, entre le parallèle entre les cauchemars de l’héroïne et le soap opéra de sa mère, la structure empruntée au conte ainsi que l’exploration d’une partie des coulisses des téléachats, je ne peux pas nier qu’il y a de bonnes idées. Mais, ces dernières sont alignées les unes après les autres tout en étant la plupart du temps survolées. La première heure présente de manière cynique, cette cendrillon moderne à la solde de sa famille tandis que dans la deuxième heure, on est plongé dans la structure trop classique d’un biopic d’un personnage qui va vivre le rêve américain. En gros, on va voir de manière progressive sa réussite se dessiner malgré les obstacles et les antagonistes qui vont se dresser devant elle. C’est too much et tellement exagéré que l’histoire en devient peu crédible. Mais, on se rend compte dans les dernières minutes que c’est voulu, laissant l’impression que Joy est en réalité une vitrine fantasmée du rêve américain.

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D’ailleurs, en interview, David O. Russell ne s’est pas caché de cet aspect irréaliste en disant notamment que : “Certaines des choses les plus folles du film sont vraies, parce que la réalité est plus étrange que la fiction, et parce que la fiction recherche le réalisme.” Traduisez : La réalité peut devenir, parfois, moins plausible que la fiction.

Trop respectueux du parcours parfait de son héroïne pour y cacher une touche de cynisme ou d’ironie envers lui, on peut légitimement se demander quel intérêt a pu trouver le réalisateur américain pour dépeindre cette success story de cette manière. Satisfaire le démocrate qui ne jure que par la réussite de Clinton ? Montrer aux derniers machistes présents sur la terre, qu’une femme peut être aussi hargneuse et déterminée qu’un homme quand il s’agit de réaliser ses rêves ? Et accessoirement, que le rêve américain peut être aussi accessible à celles qui portent une jupe ? Faire un biopic académique légèrement original pour propulser la belle Jennifer Lawrence vers un deuxième doublé Golden globes/Oscar ? Je n’ai pas de réponse précise à vous donner.

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Malgré ces bonnes idées et le fait qu’il n’est pas déplaisant à regarder, j’ai trouvé que Joy laisse une sensation de déjà vu qui l’empêchera de rester durablement dans l’esprit des spectateurs. Même, si je comprends tout à fait que l’on puisse être sensible à ce genre de conte de fée moderne, je me dis qu’il est quand même loin le temps où David O. Russell réalisait l’un des brulots politiques les plus marquants du début 2000.

Joy (2016)

  • Est
  • N'est pas
  • L’histoire d’une success story américaine maquillée en conte de fée moderne
  • Involontairement exagéré, à tel point que l’on peut percevoir le film comme une vitrine fantasmée du rêve américain
  • Malgré quelques bonnes idées, doté d’un traitement très académique, je ne dis pas que c’est un film formaté pour les oscars mais il y ressemble drôlement
  • Sans une touche de cynisme dans sa première partie
  • Doté d’un très bon casting avec notamment une Jennifer Lawrence impeccable
  • Fidèlement, adapté de la vrai vie de Joy Mangano.
  • Assez bien réalisé
  • Un film totalement original qui laissera une trace indélébile dans l’esprit du spectateur
Pas déplaisant, mais pas transcendant non plus / 20