Mélo de luxe
De « Femmes au bord de la crise de nerfs » à « Étreintes brisées » en passant par « Parle avec elle », les feuilletons télévisés et les romans de gare ont toujours été une source d’inspiration pour Pedro Almodovar. Pas étonnant que l’intrigue de son dernier film « Julieta » ressemble comme deux gouttes d’eau à celle d’une Telenovela espagnole. Adapté de trois nouvelles d’Alice Munro, on y suit une quinquagénaire qui, suite à une rencontre avec une ancienne connaissance de sa fille, décide de mettre sa nouvelle vie entre parenthèses afin de renouer contact avec cette dernière en lui écrivant une longue lettre révélant ce qu’elle a sur le cœur à travers le récit de moments clefs de son existence. La formule avait tout pour être gagnante et dans un sens, elle l’est, du moins à Cannes. Critiques et festivaliers ont été de cet avis même si, en ce qui me concerne, je suis assez partagé sur le résultat final.
Je reconnais que le cinéaste espagnol signe ici l’un de ses meilleurs scénarios. Moins forte que la plupart de ses héroïnes, Julieta arrive (parfois dans mon cas) à nous toucher par ses moments de joie, ses faiblesses, ses déchirements intérieurs et ses souffrances. Rôle qu’endossent à merveille Emma Suárez et Adriana Ugarte, prétendantes très crédibles au prix d’interprétation féminine lors du dernier Festival de Cannes. Quant à la mise en scène d’Almodovar, sans être sa meilleure, elle reste fluide et très maîtrisée. Le temps d’une scène, il arrive même à nous surprendre en changeant le ton (trop) sage, sérieux et conventionnel de son film en lui insufflant un climat anxiogène. Pour autant, si je n’arrive pas à lui trouver de gros défauts au vu de ses intentions de départ, il n’a jamais réussi à me captiver plus de cinq minutes d’affilée.
Pour être franc, si j’avais découvert le film en cours de route lors d’un passage télévisuel, il m’aurait été difficile de deviner que j’etais en présence d’un Almodovar. Bon, bien sûr, la présence de la couleur rouge, les beaux décors colorés, la reprise de la métaphore du train et son obsession (ici, trop marquée) pour Hitchcock sont autant d’indices reconnaissables entre mille. Mais, j’ai trouvé qu’il manquait cruellement de personnages fantasques comme Agrado (« Tout sur ma Mère ») ou de situations qui défient les bonnes mœurs comme la relation entre Benigno et Alicia dans « Parle avec Elle », qui faisaient tant le charme de son cinéma.
Julieta a touché mon ami du Christoblog qui s’est rendu compte qu’avec Almodovar, ils « vieillissent ensemble ».Il est, donc, en âge de pouvoir « recevoir les thémes » du film. Au fond, le cinéaste espagnol avait peut-être besoin de s’assagir pour aborder de la plus belle des façons : le temps qui passe, le retour sur le passé ou encore l’envol des enfants hors du cocon familial. Reste que moi, qui ne suis qu’au crépuscule de mon premier quart de siècle d’existence, j’ai encore besoin de me nourrir de la partie irrévérencieuse, provocante et poétique de son cinéma. Peut-être qu’avec le temps, Julieta arrivera à réellement me marquer. En tout cas, je l’espère.