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Le Grill a aimé avec réservesSorties Cinéma

La Mule

La Mule marque le grand retour de Clint Eastwood devant et derrière la caméra. Dix ans après son dernier chef-d’oeuvre Gran Torino, la légende hollywoodienne revient pour notre plus grand plaisir.

Le film s’inspire de la vie d’un vétéran de le Seconde Guerre mondiale devenu le transporteur de drogue le plus âgé et le plus prolifique du Cartel de Sinaloa.

Voilà le point de départ pour le scénariste Nick Schenk qui collabore avec Clint Eastwood pour la deuxième fois après Gran Torino. Le personnage d’Earl Stone dans La Mule est tout l’inverse de celui de Walt Kowalski dans Gran Torino, là où ce dernier en voulait à la terre entière, Earl Stone laisse au contraire son passé derrière lui pour devenir quelqu’un de charmant et sociable. Mais ses qualités étaient réservées à son entourage professionnel et à ses amis tandis que sa famille avait plutôt droit à une version plus égoïste, à un homme qui ne pensait qu’à s’en aller.

C’est en lisant un article relatant de l’affaire que Clint Eastwood s’est décidé de repasser devant la caméra afin d’interpréter ce trafiquant de drogue âgé de 90 ans. L’acteur aime à penser qu’il est toujours en train d’observer et d’apprendre. Selon lui : “Plus on avance en âge, plus on se rend compte qu’on ne sait rien. Du coup, on continue à avancer.”

Le film aborde les thèmes du regret, du pardon et de la récompense. Des sujets qui peuvent faire écho chez les gens à plusieurs niveaux. Le film aborde la question de la deuxième chance, qu’il n’est jamais trop tard pour se rendre disponible pour sa famille tout en reconnaissant ses erreurs passées. Ces messages et ces thèmes peuvent être transposés sur la vie de Clint Eastwood où l’activité professionnelle prendrait le pas sur les relations familiales. Le personnage d’Earl est hanté par les erreurs du passé et celles qu’il commet encore à l’heure actuelle, en toute conscience et dans l’espoir qu’elles lui seront pardonnées à l’avenir. Earl n’a pas agit comme il aurait dû avec ses proches et il se rend compte qu’ils ne lui pardonneront peut-être jamais. Clint confie : “On pense toujours qu’on a le temps. Peut-être qu’on l’a, peut-être pas.”

Comme toujours, Clint Eastwood s’entoure d’un casting prestigieux et retravaille naturellement avec Laurence Fishburne, Bradley Cooper et Michael Peña. Bradley Cooper avoue avoir eu conscience du privilège d’avoir tourné quelques scènes avec le maestro après une première collaboration très fructueuse avec American Sniper en 2015. Trente-quatre ans après La Corde Raide, Alison Eastwood joue de nouveau au côté de son père lors de séquences où le thème du pardon prend tout son sens.

Clint interprète ici une personne âgée où il est plus question de l’homme que de la légende. Le voir incarner un personnage un peu faiblard, à la démarche et à l’expression hésitantes peut déstabiliser au premier abord. Mais Clint joue le fait d’être vieux et la seule ressemblance avec son personnage s’arrête à son âge. La force de son interprétation réside dans l’exclusivité de son rôle et elle résonne de façon assez bouleversante avec sa propre vie.

La réalisation est simple et apaisée. Le traitement est efficace mais je regrette cependant le changement de chef-opérateur pour ce film. Là où depuis Créance De Sang (2002), la photographie était assurée par Tom Stern donnant à chacun des films de Clint une vraie singularité et une qualité significative, c’est ici le canadien Yves Bélanger qui prend la relève. Il en résulte une sensation de cadrage hasardeux et pas toujours à la hauteur de ce que les scènes mériteraient pour qu’elles puissent dégager toute la puissance et l’intensité nécessaires. La bande originale d’Arturo Sandoval est très minimaliste voir inexistante. Le film se compose essentiellement de morceaux de jazz et de chansons country. Les mélodies au piano des précédentes réalisations d’Eastwood ajoutaient une touche d’émotion toujours juste et sincère.

La Mule demeure une oeuvre intéressante dans la filmographie de Clint Eastwood même si elle n’égalera pas ses nombreux chefs-d’oeuvres précédents. Mais le message et les valeurs que le film véhicule rendent beau et humain cette oeuvre quasi testamentaire. Eastwood continue tout simplement d’explorer son art de façon captivante et classique. Un film personnel sur un homme en quête de rédemption.