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Le Grill a aimé avec réserves

Les figures de l’ombre

Dark side of the moon

 

Les figures de l’ombre est un triple biopic en ce qu’il revient sur l’implication des femmes noires dans la conquête spatiale. En effet, la Nasa a engagé une vingtaine de mathématiciennes de couleur pour aider leurs ingénieurs à faire des calculs avant l’arrivée des ordinateurs. Riche idée car elles font le boulot pour une fraction de ce que touchent leurs homologues blancs et on les met dans un bâtiment à part ; non c’est pas une mauvaise blague, rangez les fourches, c’est l’état de Virginie des années 60 (pour plus d’informations, voir Loving ou la page Wikipedia “separate but equal”). On suit le parcours de la première à décrocher un rôle d’ingénieur dans une université interdite aux “colored people”, une pionnière de l’informatique à l’époque où une machine moins puissante qu’une casio de collégien faisait la taille de ton appart et Katherine Johnson, jouée par Taraji P. Henson, qui a aidé aux savants calculs nécessaires à la mise en orbite des spationautes sur fond de guerre froide et de contestation sociale. Le tout entrecoupé de leur quotidien de bonnes mères de familles selon les canons hollywoodien. Démago ? Un zeste.

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Comme Dope, Pharrel Williams a produit le film, comme Dope il a été personnellement touché par le projet. Comme tous ceux qui ont approché de près ou de loin la réalisation si on en croit toute les interviews.

Encore une fois, oui le message est beau, pertinent et intéressant. Ces personnalités aussi pugnaces que brillantes méritent d’être découverte mais comme Imitation Game bien critiqué sur la majorité des éléments de fiction qu’il propose à l’écran, on se demande quand même si le film n’a pas tendance à arrondir les angles au missile sol-air. Tout s’agence un peu trop bien, les méchants sont mesquins sans excès et un ou deux gentils sont là pour donner bonne conscience au public (youhou Kevin Costner, un ingénieur qui manie le pied-de-biche comme toi ça laisse pas indifférent) et on aura beau mettre toute la musique inspirante que l’on veut, à la troisième fois que Taraji P. Henson résout en un claquement de doigt une équation devant ses collègues ébahis, tous ingénieurs chevronnés bac+38 et phd avec un titre à rallonge que tu comprends pas, on commence à être sceptique. L’épiphanie c’est le 6 janvier, pas toutes les 10 minutes.

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Taraji P. Henson résout une équation qui va permettre à l’homme d’aller sur la lune. Sinon Mahershala Ali est dans un second rôle oubliable, à des lieux de la finesse qu’il dégage dans Moonlight. Et je vais pas parler de Kisrsten Dunst ni de la fixette des américains sur les toilettes pour tous, pas envie.

C’est pas non plus la présence de stars au casting, dont Sheldon Cooper (Jim Parsons) de Big Bang Theory reprenant peu ou prou son rôle TV, qui vont donner de la substance à cette masse indifférenciée de savants d’opérette. Est-ce que ça empêche le film d’être un feel good movie ultra sympathique et rythmé ? Non, mais on ne peut s’empêcher de sentir les rails du consensuel sous cette mécanique bien huilée. Pas un mot trop fort jusqu’au (faux) rebondissement final pour caser un money-shot* de plus complètement vain qui passe comme une lobotomie un lendemain de cuite : ça soulage peut-être mais c’est pas vraiment nécessaire.

La réalisation d’une platitude presque revendiquée est au diapason du reste. Il y a bien l’incrustation d’images d’époque qui est amusante tout comme la parodie de scènes culte d’autres films sur la conquête spatiale comme l’étoffe des héros et sa marche épique mais rien d’autre à l’horizon. Aller plus à fond vers l’une ou l’autre direction (la reconstitution de l’époque ou une utilisation intelligente de références) aurait donné une secousse bienvenue à cette mer d’huile. La réal sert le récit, sans plus.

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Taraji P. Henson save the day une nouvelle fois par le pouvoir de la factorisation et du développement. Sinon St. Vincent, premier film du réalisateur, est une petite perle méconnue pour les fans de Bill Muray.

Les figures de l’ombre seraient donc à ranger dans la longue liste de ces films pas méchants à voir en avion ou en fin d’année scolaire quand le prof a plus envie de se prendre la tête ? J’aime pas les petites cases mais son côté paternaliste pointant constamment du doigt ce qu’il veut nous montrer qui titille en évitant le gavage l’y confie. Faire un film sur l’implication des femmes noires bossant à la Nasa en rappelant sans arrêt que nos héroïnes sont des femmes noires qui bossent à la Nasa finit par sentir le circuit fermé.

En bref, les figures de l’ombre enchaîne les moments de gloire dans une coolitude progressiste pas désagréable à suivre mais si son plan était de nous mettre sur orbite, les calculs sont à refaire.

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Taraji P. Henson essaye de résoudre pourquoi un film aussi politiquement correct s’est ramassé aux Oscars… un défaut d’âme peut être ? Sinon faudrait caser quelque part que c’est probablement un film anti-Trump. C’est fait.

*Le money shot, jeune anachorète du ciné, est un terme désignant un plan très beau très cher pour en mettre plein la vue au spectateur, en l’occurrence les scènes dans l’espace pas vraiment originales. Le terme a aussi un autre sens dans un autre genre de films.

 

Les figures de l’ombre

  • Est
  • N'est pas
  • Un biopic féministe et progressiste revendiqué de la première à la dernière seconde
  • Doté d’un scénario aussi percutant qu’il voudrait bien nous le faire croire
  • Servi par des acteurs attachants à défaut d’être 100% crédibles
  • Enrobé par une réalisation mémorable, pour l’audace on repassera
  • La mise en lumière d’un fait réel fascinant
  • Vraiment réussi pour ses séquences tranche de vie
  • Trop beau pour être vrai sur toute la ligne
  • Un film qui avait la moindre chance aux oscars
On peut pas en dire du mal : le film / 20