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Le Grill a aimé avec réserves

Manchester By The Sea

Vie(s) à réparer

Kenneth Lonergan est un acteur/scénariste/réalisateur assez peu connu en France même s’il y a de fortes chances que vous ayez déjà vu, sans le savoir, une œuvre à laquelle il a collaboré. Scénariste de « Mafia Blues » et de « Gangs of New York »; nominé deux fois aux oscars, il s’est illustré depuis les années 2000 en signant trois longs-métrages assez remarqués outre-Atlantique avec comme point commun de dépeindre des personnages qui sont en plein questionnement intérieur ( « Margaret », très brouillon passée la première heure comportant dans sa distribution un Jean Reno affligé d’un accent espagnol à couper au couteau) ou qui ont vu leurs vies brisées par un événement tragique ( « Tu peux compter sur moi »).

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Son dernier long métrage, Manchester by the Sea est à ranger dans la deuxième catégorie. On suit l’histoire de Lee Chandler concierge d’immeuble à Boston, solitaire facilement irritable qui va se retrouver face à la mort de son frère atteint d’une grave maladie. Cet évènement va l’obliger à retourner à Manchester, sa ville natale, afin de régler la succession et prendre une décision quant à l’éducation de son neveu, Patrick (va-t-il accepter de devenir son tuteur ou non ?). On va suivre leurs processus de deuil : le quotidien de Patrick qui continuera de vivre sa vie malgré la douleur et celui de Lee qui va se retrouver confronté à ses démons, ses mauvais souvenirs.

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Dit comme cela, il est facile d’y voir l’archétype du mélodrame larmoyant pourtant, mis à part la scène de la révélation de la tragédie de Lee qui est enrobée d’un adagio à la solennité plus que forcée, le troisième film de Richard Lonergan adopte une sobriété remarquable. Certes, impossible de ne pas penser que ces protagonistes semblent ne pas avoir eu de chance à la grande loterie de la vie mais l’humanité de ces derniers et le réalisme des situations l’emportent sur le reste. Quelque part c’est sa grande force tout en étant sa faiblesse pour certains spectateurs. Ce qui intéresse Lonergan c’est de montrer des détails : dépeindre une discussion banale qui se transforme progressivement en confrontation due à l’impossibilité de communiquer, une rencontre imprévue difficile à gérer où les interlocuteurs ne crèveront pas l’abcès ou même les prémices d’un rapport sexuel qui a de fortes chances d’être interrompus. Sauf que certaines séquences sont bien trop longues et le rythme en dents de scie ainsi que son montage faisant parfois la part belle aux cuts brutaux n’arrangent rien à l’affaire.

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Reste que la mise en scène sans être visuellement impressionnante est, dans le style Sundance épurée, très solide. Il y a une atmosphère à la fois douce et grave qui marque et nous prend par la main pour nous plonger dans l’univers du film. La bande originale, la plupart du temps discrète et tendre, supervisée par Lesley barber n’y est pas pour rien. Au-delà de ça, la direction d’acteur est d’une précision remarquable avec en tête de gondole un Casey Affleck impressionnant, la révélation Lucas Hedges et une Michelle Williams bouleversante qui, malgré le fait qu’elle n’apparaisse qu’une vingtaine de minutes dans le film, pourrait bien rafler une nouvelle nomination aux oscars.

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D’ailleurs je trouve l’affiche assez trompeuse, dans le sens où on pourrait facilement croire que le film est centré sur une romance entre Casey Affleck et Michelle Williams .

Au fond ce n’est pas le chef-d’œuvre annoncé par la presse française et américaine mais un beau mélodrame qui arrive à nous saisir aux tripes malgré les longueurs et les défauts. Personnellement, je trouve que c’est déjà bien.

Willard

Manchester By The Sea

  • Est
  • N'est pas
  • Très bien écrit et traite ses thématiques de manière réaliste
  • Sans quelques grosses longueurs et problème du rythme
  • Superbement interprété par des acteurs inspirés
  • Globalement un mélodrame larmoyant même si une scène déjà chargée en émotion est fortement appuyée par un adagio sirupeux
  • Bien mis en scène, il distille une atmosphère à la fois douce et grave
  • Doté d’un montage parfait, il fait parfois la part belle aux cuts brutaux
  • Totalement dans les thématiques de son réalisateur, il s’agira encore de vies brisées.
  • Le chef-d’œuvre annoncé par la presse des deux côtés de l’Atlantique
Beau mélo / 20