SF eighties
Dire que j’attendais le nouveau film de Jeff Nichols est un euphémisme tant je trouve qu’il a apporté un vent de fraicheur sur le cinéma indépendant américain avec des œuvres bien construites, profondes et originales que vous conseille promptement de voir. Toutefois parler en détails de sa jeune mais excellente filmographie et vous expliquer pourquoi je trouve que c’est l’un des réalisateurs américains les plus prometteurs de ses dernières années, prendrait tout un article donc revenons à nos moutons.
Midnight Spécial est un film assez particulier car on l’a l’impression d’intégrer un voyage en cours de route dont on ne saura que vaguement son point de départ. Tout ce que vous avez besoin de savoir en rentrant dans la salle, c’est que l’on suit l’histoire de Roy qui cherche à protéger un petit garçon, aux pouvoirs mystérieux, Alton, du gouvernement et d’une secte, afin qu’il puisse accomplir son destin. La destination ainsi que les personnages que l’on va suivre se dévoileront au cours du périple. Pour autant, Nichols fera planer une aura de mystère qui laissera certaines de nos questions sans réponse et insèrera quelques ellipses faisant appel à notre imagination.
Mais si on a accepté ses particularités, Midnight spécial est un bon moment de cinéma. Nichols maîtrise sa mise en scène de main de maître en construisant une ambiance mêlant l’intime, tension et suspense tout en restant le plus sobre possible. Tout y est bien dosé, pas d’accumulation intempestive d’effets numériques sur fond vert mais des éclairs de fantastique et de science-fiction qui apportent un peu de beauté, d’émerveillement au milieu d’un univers extrêmement réaliste ; pas de pathos mais une très bonne direction d’acteurs retenue qui permet à son excellent casting (Michael Shannon, Kirsten Dunst, Joel Edgerton, Adam Driver entre autres) de véhiculer, de manière simple et délicate, les émotions que vivent leurs personnages.
Quant à son scénario, il est, globalement, de bonne qualité, mêlant les codes du road movie, du thriller et de la SF Spielbergienne. Certes, il est très linéaire mais construit de manière à entretenir le mystère ainsi que l’intérêt du récit de la première à la dernière seconde tout en nous faisant nous attacher progressivement aux différents protagonistes.
Ce qui est le plus impressionnant, c’est que pour son premier film de studio, Jeff Nichols a réussi à imposer sa propre équipe, son casting ainsi qu’à obtenir le final cut.
Pour autant, on ne peut pas dire que le film ne soit pas exempt de défauts. Il y a certains petits raccourcis scénaristiques (notamment une scéne d’épiphanie excessivement clichée), quelques personnages secondaires qui ne sont pas suffisamment développés pour vraiment nous intéresser (celui de Kristen Dunst) mais surtout la dernière œuvre de Nichols est très influencée par « Rencontre du troisième type » et « Starman ». Ca se ressent dans l’écriture de certaines scènes, voir même de celle des protagonistes, par exemple celui de Adam Driver qui m’a fait énormément penser à un mix entre Mark Shermin et Claude Lacombe .
Néanmoins, Nichols œuvre dans l’hommage d’une époque qui a bercé son enfance, marquée culturellement par ses comics, ses séries B ainsi que sa vision fantasmée de la SF. Puis, il arrive quand même à insuffler à Midnight special, sa patte, notamment en prenant comme décors l’Amérique profonde et en y insérant quelques thèmes qu’il a déjà évoqué dans ses précédents long métrage comme la paternité; tout y en abordant de nouveaux comme la croyance. Ce qui lui confère indéniablement une identité, peut-être pas assez marquée pour réellement en faire un film réellement novateur et original mais assez pour nous offrir une alternative, très agréable, à tous les Marvel, Star Wars ainsi que Star Trek. Ce n’est pas le chef d’œuvre attendu mais la confirmation que Nichols a toutes les cartes en main pour devenir un très grand.