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Et la tête du monsieur elle fait SPLASH ! (les films d'Horreur)Les déceptions du grill

Mother !

Mais quelle sombre mère.

 

Oh bordel c’est mauvais…

Ça va être très dur de ne pas tout révéler, car déjà que la séance m’a parue interminable, je pense que l’on bascule dans l’insoutenable si on est au fait des surprises mal branlée que le Mother ! réserve. Du coup avis en deux parties, sans spoil puis une analyse plus poussée.

Partie 1 : la petite maison dans la prairie

Jennifer Lawrence contemplant le scénario du film.

Jennifer Lawrence retape une vieille maison paumée dans la pampa tandis que Javier Bardem, son mari bien vingt ans plus vieux, est un écrivain ne se sortant pas d’un sacré passage à vide. Leur quotidien est dérangé par l’arrivée de Ed Harris (l’homme en noir de Westworld pour citer un rôle récent) qui marquera le début d’une invasion progressive et dérangeante de l’intimité du couple (on notera Michelle Pfeiffer, parfaite dans son rôle de desperate housewives détestable). Quelque part entre le home invasion et le film de maison hanté, Mother ! peine tout de même à faire peur car l’on a du mal à s’attacher aux personnages tout comme à l’intrigue. Nos héros s’excusant même du premier jump scare…

Pour commencer, le couple Lawrence-Bardem a une alchimie comparable à celle des pâtes carbonara et de la tartine de nutella, donnant lieu à un concours d’yeux de poisson mort et à un surjeu de Bardem qui va en s’aggravant. Si l’intrigue tourne autour de cette relation un chouïa abusive, il est demandé au spectateur d’accepter que Jennifer Lawrence soit folle amoureuse sans vraiment que l’on sache pourquoi. Le king en la matière d’amour toxique, Mon Roi, avait compris que l’on était beaucoup plus attaché à un personnage si l’on comprenait le pourquoi de ses réactions en disséminant quelques miettes de bonheur dans la vie de couple, en l’occurrence sa relation à un pervers narcissique, ici Aronofsky en a vraiment rien à carrer et fatalement le spectateur non plus. Des dialogues défient d’ailleurs l’entendement « – Il y a un tueur dans la maison » s’entend répondre « – Ok chérie, je vais prendre une douche. » Cela va même jusqu’à une certaine complaisance de la violence infligée à notre héroïne, d’ailleurs en nuisette une bonne partie du film avec des plans sur décollets pas rares alors que l’on reste dans le cliché de la pudique scène de sexe tout habillé.

Et bien sûr on ne peut pas quitter la maison car dès qu’on ouvre la porte d’entrée il y a un plan large sur l’extérieur avec une musique inquiétante. A ce stade, on n’attend plus une explication valable.

Globalement les acteurs jouent bien, comme dans Assassin’s Creed c’est plutôt un problème de fond que de forme.

Le côté horrifique d’ailleurs, on a quelques phénomènes étranges qui n’affectent en rien les réactions des personnages : « Tient donc, les murs de la cave suppurent du sang. Comme c’est étrange, je vais faire du thé. » et l’angoisse malsaine, liée aux inconnus qui occupent la maison avec un comportement violent ou libidineux marqué, fait bien plus penser à Projet X qu’à Shinning. Alors bien sûr on pourra se dire que c’est une descente dans la folie et qu’elle ne distingue plus la réalité, comme dans Black Swann qui faisait ça très bien, mais non car absolument rien dans le film ne l’indique, bien au contraire tout ce que l’on voit est présenté comme vrai dans l’univers de Mother !

Pour le reste, la musique est oubliable. Clint Mansell qui avait œuvré sur tous les films du réalisateur laisse sa place à Jóhann Jóhannsson, pourtant bien angoissant dans Sicario ou Premier Contact, sans le moindre éclat ici. Enfin il y a les nombreux messages et allégories que contient le film mais ils seront traités plus loin dans l’article.

Mother ! manque sérieusement d’âme dans la présentation de son couple, d’audace dans l’utilisation de ses éléments horrifiques et la justification de ses incohérences par son message m’a semblé à peu près aussi pertinente que ne l’a été la jeune fille de l’eau de Shyamalan en son temps. Oui, on en est là.

Jennifer Lawrence qui rentre dans une pièce après avoir ouvert une porte, désolé pour le spoil, je viens de vous dévoiler une bonne partie du film.

Partie 2 : nan mais tu compreeeend pas, c’est symbolique quoi.

Le film annonce la couleur dès les quatre premiers plans, on est dans le registre du merveilleux. Trois propos sont traités, la vie de couple évoquée plus haut, la création artistique à travers le personnage de l’auteur facilement assimilable à Dieu (ou le diable, on lui fout bien des cornes sur une photo), il créé et recrée cet univers de même que la Mother à chaque itération de l’intrigue qui se répète sans cesse. Et enfin comment l’humanité (les étrangers) traite le personnage de Jennifer Lawrence assimilable à mère nature. Les propos du bonhomme avant la première à Venise, où il a été hué parce qu’il y a une justice, vont dans ce sens : “Le titre ‘Mother !’ ne fait pas référence aux mères en général, mais à LA mère, celle qui est sous nos pieds, la terre mère, la mère nourricière”, a détaillé Darren avant de montrer Jennifer Lawrence en souriant et de s’exclamer : “N’est-ce pas la plus belle mère nature, qui soit ?”

J’aurais préféré voir le film réalisé par celui ou celle qui a réalisé ces affiches. Sinon une idée de ce qu’est l’objet octogonal dans la fleur en bas à gauche ?

Ainsi la relation entre Dieu, les hommes et la terre est comparée à un couple dysfonctionnel où la recherche de l’adoration du premier incite les seconds à abuser du troisième. En clair, Dieu créé le monde et la mère nourricière pour s’en occuper (elle retape la maison, la ressent même comme un être vivant dans une sorte de symbiose) mais Dieu préfère l’adoration des hommes, s’en complaît et agit avec une sacrée dose de narcissisme pour se faire aimer. L’on peut y voir un parallèle avec la création artistique tout court, même si Bardem saute du lit pour écrire avec ce qui ressemble plus à l’énergie désespérée d’une méchante tourista qu’à une véritable épiphanie.

L’on a grosso modo les mêmes événements que l’an 1 début difficile, Adam arrive sous la forme d’Ed Harris avec son briquet gravé du symbole berbère représentant l’homme. Dieu lui arrache une côte (la scène où il vomit avec Bardem qui lui met la main sur sa blessure au dos), Eve arrive (Michelle Pfeiffer) aussi garce que dans la légende puis Cain tue Abel, parce que voilà, ensuite on a ce qui doit être Sodome et Gomorrhe avec les étrangers qui investissent la maison pour se baffrer et baiser, chassés une première fois. Enfin on a droit à l’enfant divin et l’écriture d’un livre sacré (Torah, Bible, ce que tu veux) qui va vite mener à une nouvelle religion et le fils de Dieu va, pour changer, mal finir (mange ceci est mon corps, transsubstantiation, mot compte triple). Mother en peut plus et fait tout péter (avec de l’essence dénichée dans son sous-sol et un briquet amené par Adam, ceux qui y voient un parallèle écolo peuvent s’auto congratuler, bien ouéj), Dieu recommence un nouveau cycle avec une nouvelle Mother après avoir récupéré le Crystal du tout début du film qui est censé représenter l’Amour. Car oui, montrer une femme se faire fracasser en gros plans est justifié car l’on conclut dix minutes plus tard sur « ah la la l’Amour transcende même la mort, c’est magnifique, poutou poutou ».

A ce stade, certains crieront au génie car oui, c’est amusant d’essayer de faire tout un récit de la genèse à l’apocalypse dans un cadre pseudo-réaliste, en l’occurrence une maison de campagne. L’approche n’est pas exactement nouvelle, O’Brother des frères Coen transposait ainsi l’odyssée d’Homère dans un cadre américain rural, Tu ne tueras point introduit un parallèle christique en donnant des stigmates à son héros, La ligne verte nous présente carrément l’arrivée (ratée) d’un nouveau prophète et plus récemment encore The strangers et Mise à mort du cerf sacré introduisent une dimension mythologique à un récit réaliste. Le problème, mon problème, avec Mother ! c’est que si ses intentions sont intéressantes, sa concrétisation est proche du nanar de luxe. Le film ne se respecte pas entre ce microcosme dont on nous montre bien que rien n’existe au-delà du jardin (tout est cramé) mais que par contre il est tout à fait possible d’appeler la police ou d’aller à l’hôpital, les ellipses temporelles étranges, certaines scènes comme l’accouchement ou l’incendie qui n’ont pas la moindre attache avec la réalité, des pistes abandonnées (comme la poudre jaune que la Mother boit sans cesse jusqu’à tomber enceinte) ou des dialogues dont on se demande réellement si ils ne sont pas une version antérieure du scénario tellement ils ne collent pas avec l’action, comme le « je vais préparer l’apocalypse » alors que la Mother n’a, à ce moment-là, aucune envie que les choses changent. D’autant plus que 75% du film est composé de plans de J-Lo (l’autre) de dos en train d’ouvrir une porte… pour l’expérience cinématographique ultime on repassera.

On remarque le briquet en bas à droite. Je me demande s’il n’existerait pas des versions alternatives du scénario avec un développement plus poussé de Bardem, la promo allait plutôt dans ce sens avant de se taper une affiche bicolore vendant un Black Swan bis.

Le film évite constamment devenir un délire visuel et narratif comme La montagne sacré ou Le tout nouveau testament, pour s’accrocher à son cadre « réaliste » qui n’a absolument aucun sens au point de se résumer à un canevas pour toutes les métaphores pompeuses que Darren, pas peu fier d’avoir trouvé l’eau chaude, nous balance avec toute la subtilité du cri du singe hurleur en période de rut.

Reste l’anecdote de tournage de l’année : Jennifer Lawrence avait à sa disposition une “Tente Kardashian” sur le plateau dans laquelle se trouvaient des photos de la célébrité et où Lawrence pouvait visionner des épisodes de “L’Incroyable Famille Kardashian”. L’actrice s’y rendait pour décompresser…

Mother est un long trip répétitif, bouffi par ses intentions pompeuse, médiocre dans sa construction, avec des acteurs bien braves qui se noient dans un script abscons pas à une incohérence prêt. C’est d’assez loin le film que j’aime le moins de Aronofsky, accumulant les tares de The Fountain avec le côté ampoulé de Noé. Malheureusement trop raté et proche du projet nombriliste que pour être défendable.

Mother !

  • Est
  • N'est pas
  • Bien joué
  • Cohérent avec lui-même
  • Ambitieux mais pas à la hauteur de ses ambitions.
  • Sans répétition et pseudo morale
  • Symbolique, ça pour en avoir il y en a des symboles.
  • Le meilleur de son réalisateur
  • Presque intéréssant pour son dernier acte
  • Bon, tout simplement
Accident créatif / 20