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Festival de CannesLes déceptions du grill

Nos souvenirs

J’ai pas envie de parler de ce film…

Visionné au festival de Cannes 2015

Récemment, j’ai eu la chance d’avoir pu me rendre  à une Master Class donnée par Gus Van Sant organisée par la Cinémathèque, point de départ de tout un tas d’événements gravitant autour d’une exposition-rétrospective. Coïncidence ou coup marketing, tout ceci s’est mis en branle à deux semaines de la sortie de son nouveau film en exclusivité mondiale pour la France (pour une fois). Sur place, une question dont je pressentais la réponse m’a toutefois taraudé l’occiput : pourquoi absolument aucune référence à Nos souvenirs n’a été faite ? Il n’y avait même pas la moindre affiche, pas une avant première, pas un goodies promotionnel à l’effigie de McConaughey qui fait pouic quand on presse dessus…

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McConaughey joue un peu comme Nicolas Cage dans un mauvais Nicolas Cage.

Bon j’arrête les frais, Nos souvenirs est mauvais et tout le monde le sait. Le distributeur a repoussé sa date de sortie de septembre 2015 à avril 2016 après les désastreux retours de Cannes où il était en compétition officielle. Le titre aussi a été changé, on est passé de « la forêt des songes » à « nos souvenirs », correspondant mieux au ton impersonnel mielleux de l’oubliable je trouve, l’éloignant d’autant plus de son nom d’origine (« sea of trees » soit « la mer d’arbre »). Et encore chez nous il passe au cinéma, la sortie USA étant actuellement fixée aux calendes grecques. En même temps le score de 0% qu’il se traîne sur Rotten Tomatoes (un des sites compilant des avis les plus populaire avec IMDB) correspond commercialement à un double mawashigeri retourné avec supplément bottes renforcées au verre pilé d’un Chuck Norris en période cobaye pour drogue de combat.

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Quand tout est triste, tout est gris et bleu, quand ça va mieux, tout est coloré. Couleurs froides, couleurs chaudes, art Plastique, programme de CP.

Est-il si mauvais ? Oui et non, ce n’est pas qualifiable de nul ou de mauvais à 100% et c’est là toute la difficulté. En fait le problème… enfin un des problèmes parce que bordel il y en a, c’est que Gus conjugue ici le pire de ces deux facettes. Il a toujours oscillé avec brio entre des films grand public mainstream , Will hunting (2 Oscars le pépère quand même) ou à la rencontre de Forrester, et des film indépendants remplis d’idées innovantes dans la narration, d’expérimentation dans la caméra, d’éléments très personnels comme Elephant, son plus connu, racontant une tuerie dans un lycée (Columbine, bien qu’il ne sera jamais cité, un événement aussi objet du documentaire bowling for Columbine de Michael Moore). Filmé en une succession de plan séquence où l’on suit le chemin emprunté par différents personnages les heures/minutes précédant l’horreur.

 

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Revoir un film entier un un dessin, ça m’a fait quelque chose.

Nos souvenirs suit McConaughey, veuf depuis peu. Il est triste, du coup il va dans une forêt à côté de Tokyo pour se suicider, là il croise Ken Watanabe (en général quand il y a un Japonais dans un blockbuster, c’est lui) qui sort de la psychologie de comptoir nippone, du coup il lui parle de sa femme Naomi Watts et il est moins triste…

Alors oui on retrouve des thèmes de sa « Tétralogie de la mort » – Gerry, Elephant, Last Days et Paranoïd Park- à travers ici le deuil et le suicide mais avec une réalisation et un rythme plus passe-partout rappelant Forrester à travers le duo mec perdu-mentor. Deux mondes visiblement pas faits pour se rencontrer, exit la réflexion sur le passage à l’âge adulte et la fin du rêve américain qu’ici la maison proprette de catalogue du couple McConaughey-Watts exorcise sans anesthésie, la photographie léchée mordant à la gorge le grain d’une pellicule que le sujet appelait pourtant. C’est lisse, sans accroc et le message  (trop) positif donne l’impression de voir de la guimauve se faire malaxer pendant deux heures. Gus qui hésita des semaines à mettre un air de piano dans Elephant nous sort ici les violons dès l’ouverture, de même le casting pourtant brillant peine à insuffler un peu d’âme à ces personnages de roman à l’eau de rose. Naomi Watts est alcoolique car on la voit acheter deux bouteilles de vin, McConaughey un mauvais mari car il ne connaît pas la couleur préférée de sa femme (ce qui m’a rappelé Ex_Machina, le héros affirmant ne pas avoir de couleur préférée vu qu’il n’a plus huit ans)… Le tout englué dans une esthétique de carte postale du Japon empreinte d’un symbolisme indigne de l’horoscope du journal de Mickey me donnant d’inavouables envies de géhenner du Pokémon.

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Sinon le scénario est du mec qui a signé Buried, comme quoi il n’aura vraiment qu’un bon film à son palmarès.

Je ne note jamais les films d’habitude car ça me semble souvent impossible mais là c’est facile, la photographie est belle, la caméra pas dégueulasse, le rythme pas insupportable, du coup ça fait un magnifique 3/ce-que-tu-veux. Tout le reste, du ringard de chaque réplique au pseudo-retournement de situation issue de la double baliste de Tchekhov réglée au niveau mauvais M. Night Shyamalan (oui parce qu’il y a eu des bons Shyamalan, être ingrat), est une insulte à la carrière de Van Sant.

C’est mauvais sans plus, voilà, tout le monde l’a vu. C’est honteux parce que c’est un Gus Van Sant et qu’on se gausse toujours de voir plus fort que soi essuyer un revers. Pourtant niveau technique Nos souvenirs est impeccable, seules les idées sont médiocres, du coup dans un grand élan d’optimisme inspiré par le fait que j’aime ce réal et que j’ai vu d’autres choses me faisant relativiser, je plaide en sa faveur. Quand on a touché le fond on ne peut que remonter, Gus est au bord du gouffre artistique depuis 2008 et j’aimerais être le premier à lui dire qu’il fera mieux en lui mettant une grande tape dans le dos…

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“Médiocre” – Immortan Joe

Nos souvenirs

  • Est
  • N'est pas
  • Plutôt joli dans sa photographie, pas si mal rythmé
  • Agréable à regarder, ça déborde tellement de pathos que ça en devient dérangeant
  • Une reprise des thèmes de ses films précédents, la tétralogie de la mort surtout, mais sans aucun fond ni aucune subtilité
  • Représentatif d’un grand réalisateur sur le déclin depuis 2008
  • Un traitement de drame hollywoodien excessivement cliché et peu surprenant, proche du degré 0 des idées de réalisation
  • Pour autant en dehors de la filmographie de GVS, tout ce qui est insupportable ici était déjà en germe dans sa filmographie
  • Doté d’un sacré casting enbourbé dans des rôles mièvres à souhait, c’est comme voir Usain Bolt courir le 100m avec une camisole et des chaussures de clown
  • Exécrable, c’est l’histoire et le traitement premier degré digne de la bibliothèque rose qui irrite venu d’un réalisateur connu pour sa vision atypique et fine de sujets délicats
3/ce-que-tu-veux / 20