Chronique d’un cocon fraternel
Film vu dans le cadre du 68ème festival de Cannes, critique à chaud en sortant de la salle ici. Il sortira en salles le 28 octobre
Hirokazu Kore-Eda, le cinéaste japonais qui a réussi à conquérir le cœur du grand Steven Spielberg, et de votre serviteur avec son «Tel père, Tel fils» (superbe mélodrame inspirée de « la vie est un long fleuve tranquille » et grand moment cinématographique de l’année 2013), revient avec une nouvelle variation de l’un de ses thèmes de prédilection, la famille. Mais, cette fois-ci, il n’a pas réussi à me séduire.
Il raconte l’histoire de Sachi, Yoshino et Chika, trois sœurs qui vivent ensemble à Kamakura. Par devoir, elles se rendent à l’enterrement de leur père qui a abandonné le foyer matriarcal pour refaire sa vie avec une autre femme une quinzaine d’années auparavant. Elles font alors la connaissance de leur demi-sœur, Suzu âgée de 14 ans. D’un commun accord, les jeunes femmes décident d’accueillir l’orpheline dans la grande maison familiale.
Notre petite sœur est un peu diffèrent des dernières productions du réalisateur japonais, dans le sens où il est plus leger ( moins de larmes, plus de rire) et moins dans une approche cinéma-vérité. Le film est, comme me l’a justement fait remarquer un autre festivalier cannois, un portrait délicat à l’aquarelle qui se dessine touches par touches (car, chers néophytes, les films du maitre japonais ont un rythme lent). Ce dernier montre, au-travers de l’histoire, ce cocon fraternel, une vision de la société japonaise entre critique des anciennes générations (présentées comme des parents démissionnaires) et éloge en demi-teinte des nouvelles (qui ont réussi à se reconstruire après le départ précoce de leur père ou mère du foyer mais où la notion de famille est un peu trop importante dans leur vie).
Pour autant, la force de Kore-Eda a toujours été d’insuffler dans ses histoires des normes ou des valeurs universelles qui permettent de nous parler et nous toucher ; son dernier long métrage est aussi dans ce cas. Ce qui permet de nous faire attacher très vite à ces 4 femmes et de nous donner envie de les suivre dans leur quotidien.
Sauf qu’on s’aperçoit que le film est piégé par son matériau de base. Notre petite sœur est l’adaptation d’un shojo manga du style tranche de vie, en gros ce sont des mangas destinés aux adolescentes en fleur et qui racontent sur plusieurs tomes le quotidien d’un ou plusieurs personnages. Le problème étant, que mis à part les trente premières et dernières minutes du film, l’intrigue principale (l’intégration de Suzu dans le foyer) est polluée par des sous intrigues, dont une bonne partie n’apporte aucun enjeu scénaristiques à l’histoire. Alors, certes ce n’est pas un défaut en soi, mais Kore-Eda n’arrive pas, à mon sens et ce malgré quelques moments de grâce, à sublimer les situations par l’intermédiaire de sa mise en scène, ce qui aurait permis d’éviter au spectateur de décrocher, par moment, de l’histoire.
Mais, mis à part ces écueils, le film regorge de qualités. Les quatre actrices (Masami Nagasawa, Haruka Ayase, Suzu Hirose, Kaho) sont tout simplement extraordinaires. À tel point, qu’elles étaient mes favorites pour le prix d’interprétation féminine, derrière le duo Blanchett/ Mara. La photographie est très belle et la musique est vraiment très douce. Au final, Notre petite sœur est loin d’être un mauvais film, il est beau et intéressant (je suis même sûr que les lecteurs de ce genre de manga trouveront le film superbe) mais cette comédie dramatique n’a pas réussi à me captiver pendant l’intégralité des deux heures de film. Je n’en suis pas ressorti avec le sentiment d’avoir vu, comme tel père tel fils, un film sublime qui m’a laissé un souvenir impérissable.