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Les prévisions du Grill

Oscar Noé

Oscar Noé

Le thème de cette semaine c’est Climax de Gaspar Noé ! On sort les cotillons, les platines, la sangria… quoique, on va rester au punch. Bref, après la sortie mouvementée de son précèdent film en salle, Love (déconseillé aux moins de 18 ans et une asso polémique a porté plainte pour en interdire la diffusion), Climax se trouve aujourd’hui présélectionné par le CNC (Centre National du Cinema) pour l’Oscar du meilleur film étranger !

Je veux bien que le distributeur américain du film, A24, y soit pour quelque chose mais on retiendra la bonne nouvelle que les institutions françaises commencent (enfin) à reconnaître un des enfants les plus terribles du cinéma hexagonal.

C’est l’occasion de dépatouiller comment qu’on envoie un film à l’Oscar du meilleur film étranger, tout d’abord l’œuvre doit respecter 4 critères :

  • avoir fait l’objet d’une sortie en salles en France entre le 1er octobre et le 30 septembre de l’année précédant les Oscars (soit entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018 pour les Oscars 2019) ;
  • avoir un « contrôle artistique » (production, casting, écriture, etc) majoritairement détenu par des français ;
  • être réalisé dans une langue autre que l’anglais, sans que la langue soit nécessairement celle du pays d’origine, on l’oublie souvent mais le nom exact de la catégorie est « Oscar du meilleur film en langue étrangère » (ce qui fait que Love était éliminé d’office) ;
  • être sélectionné par une commission nationale (ce qui fait que Love était doublement éliminé d’office).

Depuis quelques années, la commission française comporte toujours Teresa Cremisi, la Présidente de la commission d’Avance sur recettes du CNC (une importante aide d’Etat à la production), Thierry Frémaux, Monsieur Festival de Cannes, Alain Terzian, le Président de l’Académie des César, et Serge Toubiana, Président d’Unifrance films soit l’association chargée de la promotion et de l’exportation du cinéma français dans le monde.

Ensuite ils sont accompagnés dans leurs choix par trois acteurs importants de l’industrie, cette année on avait les réalisatrices Claire Denis, papesse d’une certaine idée du cinéma de genre, et Nicole Garcia accompagnées de la productrice Isabelle Madelaine.

Le champion 2018 qui n’a malheureusement pas traversé la frontière.

La commission se réunira une seconde fois pour nommer The one and only French Film to envoyer at the Oscar, enfin l’académie sélectionne les cinq finalistes qui seront en lice pour la statuette parmi tous les projets qui lui parviennent du monde entier. Du coup il n’y a aucune garantie d’avoir un film français en compétition. L’année dernière la commission de CNC avait ainsi présélectionnée 120 battements par minute de Robin Campillo, Barbara de Mathieu Amalric et Le Redoutable de Michel Hazanavicius et Grave de Julia Ducournau, du moins dans mes rêves, pour ensuite choisir 120 bpm que l’académie des Oscars n’a pas retenus.

[MàJ : Le comité français a finalement porté son choix sur la Douleur d’Emmanuel Finkiel, soit un film sorti cet été aux USA dans 11 salles seulement et qui n’a su transcender ni le public, ni la critique. Le distributeur, Music Box Films, avait gagné l’Oscar avec Ida en 2015 mais on le voit mal réitérer l’exploit ici… ni même être dans les finalistes.]

Cette année donc on la pré-sélection s’est portée sur cinq films dont on peut évaluer leurs chances “d’être en finale”:

  • Climax de Gaspar Noé : rêve tout éveillé d’un cinéphile, on décortique cette bête de l’apocalypse dans notre critique. Malgré son interdiction aux moins de 16 ans, on a envie d’y croire, d’autant plus que la presse américaine a aimé et que son distributeur américain, A24, avait réussi à amener Ladybird et The disaster artist dans la compétition 2018. Et 7,7 sur IMDB (principal agrégateur de critique américain), voilà quoi !
  • Jusqu’à la garde de Xavier Legrand : Willard, qui on le rappelle est petit et fourbe, a fait de ce drame familial son champion pour cette année, aux Oscars et aux Césars. Faut absolument que je le rattrape mais Loveless, sur le thème similaire du divorce, a fait choux blancs l’année dernière dans la course à la Statuette. 7,6 sur IMDB ;
  • Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret : en ce moment en salle, film d’époque verbeux. Willard, qui on le rappelle est sage et bon, n’a pas été emporté par ce récit qui semble avoir moins de panache que ses concurrents. 6,9/10 sur l’IMDB.

Ce film a un manque flagrant de danseurs et de drapeau français à paillette… 

  • Les Quatre Sœurs de Claude Lanzmann : Après son documentaire Shoah durant 8h20, Claude Lanzmann est revenu cet été avec le bien peu diffusé Les quatre Sœurs, long de 4h… Il s’agit de quatre reportages d’une heure, chacun consacré à une survivante de l’holocauste. Même si je suis fermement convaincu que documentaire et film ne devraient pas concourir dans les mêmes catégories, difficile de se prononcer quand des œuvres touchent des sujets aussi sensibles, d’autant plus que Shoah est la référence en la matière, mais je verrais plus un Oscar d’honneur pour le réalisateur maintenant nonagénaire. Même s’il ne serait pas le choix le moins pertinent pour une partie de la presse américaine, on peut noter qu’il a aussi été visé par le mouvement #metoo…
  • La Douleur d’Emmanuel Finkiel : adaptation libre d’un Roman de Duras, à moitié biographique, là aussi sur la déportation. Pas le plus cinématographique des cinq (c’est Climax), et quitte à parler du sujet, le Lanzmann est un sacré concurrent. Noté d’un mou 6/10 sur l’IMDB.

Celui qui n’y est pas :

  • Au revoir là-haut d’Albert Dupontel : sorti le 25 octobre 2017, il était encore dans le créneau mais avec cinq Césars 2018 et aucune sortie américaine à l’horizon, ce Dupontel un peu trop so 2017 a été laissé de côté. Son absence s’explique mais dommage de ne pas mettre en avant une grosse réussite, artistique et populaire, bien de chez nous.

Lui là, sauf grosse surprise, il sera en compétition pour le meilleur film.

Et dans le reste du monde :

Pour l’instant une soixantaine de pays ont choisi leurs champions – il y a eu 92 films présentés au total l’année dernière – alors si autant on n’a rien à dire sur le Cygne de Crystal (Crystal Swann) choisit pour représenter la Bielorussie, on en a vue d’autres en festival (la liste complète est ici) :

 

Les favoris

  • Oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra, Colombie : le nouveau film des auteurs de l’excellentissime l’étreinte du serpent, une sorte de Scarface à l’envers, où un paysan va devenir baron de la drogue dans un milieu jusque-là ancré dans des traditions séculaires entre tribus. Vu à Cannes et gros coup de cœur.
  • Girl de Lukas Dhont, Belgique : Gros, gros favori, il a retourné une partie de la rédaction avec son histoire de danseuse étoile transgenre, personnellement j’ai trouvé le scénario bancal mais le débat fait rage pour savoir si c’est juste bien ou vraiment très bien.
  • Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, Japon : La palme d’or 2018 a une sacrée concurrence, ce drame social très tranche de vie a beau avoir une foule de qualité, on ne le voit pas séduire une audience américaine.

Sortie le 10 octobre, on va en reparler bientôt.

  • Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher, Italie : Les italiens auraient pu prendre Dogman mais non. Chienne de vie. A la place ils envoient ce conte philosophico-évangéliste, prix du scénario à Cannes, plutôt bien accueilli par la presse américaine (ainsi que Willard, qui l’a trouvé vraiment pas mal), il pourrait bien brosser dans le sens du poil certains votants.
    MàJ : Au final, c’est bel et bien Dogman de Matteo Garrone qui sera envoyé ! 
  • Border d’Ali Abbassi, Suède : film fantastique entre thriller et parabole sur l’immigration, adapté d’une courte nouvelle, Willard et moi avons trouvé qu’il y avait beaucoup de temps mort entre deux baisses de rythme… Récompensé à Cannes.
  • Donbass de Sergei Loznitsa, Ukraine : passé à Cannes lui aussi, film de guerre cynique, le gris est sa couleur dominante.

Un polar tellement honnête et bien fait qu’on ne le voit pas du tout finaliste.

  • The Guilty de Gustav Möller, Danemark : bon polar minimaliste avec un bon gros twist.
  • I Am Not a Witch de Rungano Nyoni, Royaume-Unis : Vous vous souvenez de la règle du “on ne parle pas anglais” ? Ça explique pourquoi le long métrage Zambien en langage bemba a été sélectionné pour le pays des scones et du thé, d’autant que son histoire de tradition absurde vue par une petite fille semble avoir été très bien accueillie partout où le film a été présenté.
  • Sunset de László Nemes, Hongrie : Déjà oscarisé pour Le fils de Saul, Nemes n’a malheureusement pas beaucoup fait évoluer son style dans son deuxième film, Willard a pu constater à Venise que la critique n’est pas tombée sous le charme.

 

Les moins favoris :

  • Burning de Lee Chang-dong, Corée : Son réalisateur adapte une nouvelle de Murakami et profite pour dresser un portrait subtil mâtiné de thriller de la Corée d’aujourd’hui.

On ne le voit pas gagner mais c’est notre favori des moins favoris.

  • Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan, Turquie : Willard nous a expliqué par le menu pourquoi ce n’est pas le film du siècle.
  • Woman at War de Benedikt Erlingsson, Icelande : Karina nous a parlé en bien de cette fable moderne écolo et féministe, mais pas sûr que son article suffise pour attendrir l’académie.
  • Ayka de Sergei Devortsevoy, Kazakhstan : prix d’interprétation féminine à Cannes, du drame des pays de l’est pour ceux qui aiment les drames des pays de l’est. Willard, qui en souffre encore, évoque un drame hyper misérabiliste et voyeuriste qui rendrait jaloux les frères Dardennes.
  • Yomeddine d’A.B. Shawky, Egypte : premier film de son réalisateur, road trip d’un lépreux passé sans éclat à Cannes.

 

Les game-changers pour lesquels c’est pas encore gagné :

  • Roma d’Alfonso Cuaron, Mexique : alors lui c’est compliqué, distribué et réservé à Netflix, le grand gagnant de la mostra de Venise, déjà oscarisé à cinq reprises est un sacré concurrent d’autant plus que Roma est déjà un des meilleurs films de son auteur pour la presse (rien à voir avec Rome, c’est le nom du quartier de Mexico où il a grandi). Problème : le film sera disponible uniquement sur Netflix en février mais bénéficiera d’une sortie dans quelques salles américaines avant pour être éligible aux Oscars.

Netflix fout une pression monstre sur sa promotion car une statuette permettrait une vraie reconnaissance du service dans le cinéma mondial, car Roma, si Venise l’a célébré, Cannes l’a boudé.

  • Cold War de Pawel Pawlikowski, Pologne : Ida du même réalisateur avait gagné la statuette, ce film fleuve qui raconte, en noir et blanc, quinze ans de la vie dans la Pologne Communiste, peut être un sacré concurrent. Il fait peu de doute que la Pologne va le choisir pour représenter son cinéma national. Willard a trouvé le scénario convenu, Callahan a aimé.
  • Leto de Kirill Serebrennikov, Russie : Alors lui, que le film soit bon (ce qu’il est) ou pas ne compte pas vraiment car jamais la Russie ne l’enverra aux Oscars. D’ailleurs elle a porté son choix sur Sobibor, un film sur une révolte dans un camp d’extermination en Pologne. Le réalisateur est d’ailleurs assigné à résidence depuis plus d’un an et de nombreuses personnalités demandent sa libération. Toutefois si jamais l’académie voulait envoyer un message fort, un peu comme avec Le Client en 2017, ce serait par ce film.