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Les déceptions du grillSorties Cinéma

Rambo : Last Blood

Soyez sympas, Rambobinez

Si on ne surprendra personne en écrivant que Stallone est un action-man incontournable des années 80, il ne faudrait pas oublier qu’il a commencé en interprétant et scénarisant Rocky, ce qui lui vaudra trois Oscars et nous laisse une radiographie encore pertinente des USA des laissés-pour-compte, puis Rambo six ans plus tard en 1982. Déjà au sommet de sa gloire -il sort quelques mois après le carton au box-office Rocky III- “First Blood” de son petit nom prend à rebrousse-poil l’image d’épinal “America Fuck Yeah” des films d’action de l’époque pour nous ouvrir les yeux et les maintenir écarquillés avec l’histoire d’un vétéran du Vienam déchiré par ce que l’on appele aujourd’hui PTSD ou choc post-traumatique.

Papy fait de la résistance…

Film avant tout violent dans ses thèmes mais pas à l’image (il n’y a qu’un mort accidentel et en hors champ), on y suit John Rambo, sept ans après la fin du conflit, qui traverse le pays en stop pour retrouver ses compagnons d’arme. Il apprend la nouvelle du décès de l’un d’entre eux des suites d’un cancer causé par l’agent orange (un pesticide aux conséquences désastreuses utilisé durant le conflit) puis se fait arrêter, enfermer, et chahuté par la police de la petite ville de Hope (“Espoir”) ce qui va lui rappeler son internement dans un camp de prisonniers et lui causer une dangereuse crise de panique paranoïaque. Noir c’est noir, l’ironie est mordante, les thèmes sont aussi graves qu’intenses. Rambo pose et consacre à l’écran un archétype d’ancien militaire paumé et hanté par ses actions, portrait en creux de l’absurdité de la guerre et d’une certaine forme d’hypocrisie sociétale. Ce n’est certainement pas le premier à le faire, Le retour est sorti 4 ans plus tôt tout comme Johnny Got His Gun en 1971 de Trumbo qui parle de la première guerre mondiale tout en résonnant fortement avec l’actualité Vietnam, mais prendre un musclor défini dans l’imaginaire populaire comme le chantre de l’action burnée pour un rôle de ravagé en marge d’une société qui l’a utilisé sans vergogne pour le rejeter ensuite renforce d’autant le propos : Rambo a beau être au sommet de sa forme physique, il est détruit de l’intérieur.

Stallone est le meilleur acteur du film, par défaut.

Rambo est une des oeuvres majeures de l’amérique post-Vietnam, et elle n’est pas (ou rarement) considéré comme telle à cause de ses suites, excuses pour de l’action over-the-top sous stéroïdes glorifiant la figure d’un heros du monde libre increvable et surpuissant, en clair tout ce que le premier film n’était pas ou prenait à revers. Ce tournant bourrin culmina avec John Rambo (Rambo IV) en 2008 qui en 75 minutes affichait un massif 254 kills au compteur, soit quasiment 50 morts de plus que dans tous le reste de la franchise, et qui demeure probablement le film d’action le plus rythmé et jouissif de la décénnie 2000-2010.

Tout ça pour dire que Rambo : Last blood achève d’enterrer, voire de décridibiliser, le propos politique du fondateur First Blood tout en étant strictement incapable d’égaler, voire d’approcher, la frénésie de l’épisode auquel il succède directement. Un combo pas vraiment gagnant.

Même à cheval, Rambo a l’air de se demander s’il a bien éteint la lumière en partant.

Souvenez-vous, à la fin de Rambo IV, on laissait John finir son long vagabondage à l’orée d’un ranch en Arizona devant une boîte aux lettres portant son nom. Heureux qui comme Rambo a fait un long voyage et la force évocatrice de cette image se suffisait à elle-même… Manque de bol, ce n’était pas vraiment l’avis d’Hollywood. Forceur comme un dragueur de camping un 31 août au soir après un été de célibat, et malgré la fin tout à fait satisfaisante de Rambo IV, le projet trainait dans les cartons depuis un bail : on parlait il y a 10 ans d’un vague The Savage Hunt qui aurait vu Rambo partir traquer un super-soldat génétiquement modifié puis est envisagé un Rambo : New Blood un peu sur le modèle des Creed avec le fils caché de Rambo incarné par Ryan Gosling. La pensée que le monde est passé à côté de ces projets nous attriste bien évidemment tous et on est forcé d’admettre que du coup Rambo : Last Blood est probablement la version la moins pire de Rambo V. C’est finalement une société allemande qui obtient les droits de la franchise et en confie les rênes au spécialiste du recyclage Adrian Grunberg déjà responsable de la série B très B Kill the Gringo en 2012 autour d’un Mel Gibson en petite forme parti se fritter aux cartels méxicains.

“Stallone enterrant le soubresaut donné à sa carrière par Rocky Balboa (2006), John Rambo (2008) et Expendable (2010).”

Tout ça pour dire que Rambo : Last Blood nous fourgue un Stallone bouffie au visage rougeaud en pleine caricature de son personnage mythique pas aidé par des dialogues anti-Shakesperien où “mes amis sont morts au Vietnam” revient à peu près aussi souvent que le mot “fuck” dans un Tarantino. Le film est très clairement divisé en deux parties, la longue présentation des gens que Rambo va devoir sauver où il fait du cheval en imitant le cowboy malboro et la seconde moitié du film montrant enfin ce pour quoi on est dans la salle : un jeux de massacre bien fun mais aussi bien trop court.

L’écriture de ce personnage est fascinante, elle est introduite avec insistance, l’intrigue se raccroche à elle, on se met à penser qu’elle est carrément utile à la progression du film, puis on se rend juste compte qu’elle sert de page jaune à Rambo et elle disparaît du récit…

Si le scénario surprend par certains choix osés en milieu de film, surtout face au ton petite maison dans la prairie de la première partie, le méchant duos de frères dans les cartels adeptes de monologues insupportables et le très prévisible enlèvement de l’héroïne lorgnent clairement du côté des Taken, puis, plus putride, on tombe en direction d’un “vigilante movie” sautant à pieds joints dans tous les plats possibles : caricature d’un Mexico crapuleux sous filtre jaune dans lequel la police n’est d’aucun recours et où l’homme blanc et ses flingues peut devenir un sauveur messianique entre deux apologies de la torture et du survivalisme. J’aurais toutefois ici tendance à plaider pour un propos involontérement réac à force de s’appuyer sur des clichés qui commencent à sentir l’anachronisme, et puis on parle d’une série dont l’épisode 2 voit son héros revenir après la défaite américaine au Vietnam pour rétamer 150 soldats finger-in-the-nose.

Vous imaginez une demi-seconde un Rambo français avec un para qui retournerait faire du grabuge en Indochine ou en Algérie ?

Reste que… Rambo : Last Blood, s’il manque sérieusement d’action et de rythme réussit toutefois son bouquet final à grand renfort d’un gore outrancier -donc généreux- et que le fan ayant fait son deuil des qualités du premier épisode trouvera son compte, ou du moins s’en approchera.

“…et le gaz ? J’ai bien éteint le gaz en partant ?”

Le truc le plus énervant en fait, c’est que ce film d’action très oubliable s’appelle “Rambo”, et qu’il se complaît dans un fan service fainéant en nous resservant ad nauseum des plans iconiques de la saga pour se conclure sur un générique avec un montage gênant de niaiserie des 5 épisodes (incluant donc 5 minutes de séquences que l’on vient de voir, dès fois qu’on aurait pioncé pendant le film).

Plaisir coupable très coupable ne valant quasiment que pour sa dernière partie, ce mauvais film parfois sympathique est clairement à ranger dans la catégorie des suites inutiles, on le conseillera aux fans hardcores, et encore avec reserve. En somme, on craignait un nanar et même là, on est ressorti déçu.

Rambo : Last Blood

  • Est
  • N'est pas
  • Normalement le dernier Rambo donc la série ne devrait pas tomber plus bas
  • Assez garni en scène d'action
  • Gore et très violent, mais pas longtemps
  • Sans le côté malsain de tous les vigilante movie à la ramasse
  • Un mélo abracadabrantesque les trois quarts du temps
  • Un digne successeur de Rambo IV, bien plus jouissif
  • Le quatrième épisode de trop sur une saga de 5 films
  • Taken, mais on sent qu'il aimerait bien s'en rapprocher
Rambo 5 / 20