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Le Grill a aiméSorties Cinéma

Si Beale Street pouvait parler

On ne Trish pas avec les sentiments

Deux ans après son prodigieux Moonlight, l’ex-inconnu Barry Jenkins confirme que la chance du débutant n’avait rien à voir avec son carton critique : Si Beale Street pouvait parler est tout aussi sublime qu’il sait se détacher de son ainé.

On l’affirme, Barry Jenkins reste et demeure le Wong Kar-wai de la blacksploitation, unique dans son genre.

Adapté d’un roman court de l’écrivain noir très critique de son époque James Baldwin, le film s’intéresse à Trish (première fois à l’écran de l’actrice de théâtre KiKi Layne, 27 ans, pas nominé aux Oscars et c’est vraiment dommage), une jeune fille enceinte de Harlem qui cherche à sortir de prison l’amour de sa vie, Fonny (Stephan James, à vif), victime d’une erreur judiciaire. Mais les années 70 ne sont pas tendres, derrière les looks datés et les bagnoles funky, il y a une ségrégation haineuse à la peau dure touchant des milieux diligents.

Regina King qui incarne la mère de Trish a déjà obtenu un Golden Globes pour sa performance et est très bien partie pour l’oscar du meilleur second rôle. On y croît. 

Si Beale Street pouvait parler tisse deux temporalités qui se répondent pour un résultat tout à la fois linéaire et vaporeux, d’un côté nous avons le présent, le “thriller judiciaire” où Trish et les siens cherchent à préparer le procès de Fonny, de l’autre les souvenirs de leur relation, de ses débuts timides à son épanouissement, des séquences d’une beauté folle confinant à l’onirisme. Le résultat ? Un mélo qui sort les violons mais pas que, le récit à cette intelligence et ce tact qui fait que les poncifs n’en sont plus, l’on découvre peu à peu l’univers doux-amer, voire acide, de Trish où se condensent en quelques semaines les pires et les meilleurs moments de sa vie. 

Le feu qui anime nos héros vient avec sa dose de cendres.

Sensible, léché et profond, les portraits de Jenkins dans une lumière douce ont de quoi faire passer 2h hors du monde, ce qui aurait pu être triste et glauque en devient aérien. Impossible d’aimer Moonlight et de rejeter celui-ci. Reste que le sujet est moins nouveau que l’histoire de Chiron dans son Miami bleuté, qu’incroyablement verbeux, il est plus difficile de passer d’une épure touchée par la grâce à des longues périodes de tchatches, truculentes mais un poil théâtrales. Itou pour certains personnages secondaires, l’avocat, le duo de pères, passés à la trappe, peut être des stigmates de la transposition du roman à l’écran. En somme il n’est pas le premier à traiter une histoire d’amour dramatique avec une telle poésie, il se grandit toutefois en faisant des souvenirs de Trish la mémoire de toute une ville, voire d’un pays.

Réussissant là où à mon sens Loving (Jeff Nichols) échouait, Si Beale Street pouvait parler implique d’aimer les films qui prennent leurs temps mais vient chercher le spectateur en le mettant dans la tête de son héroïne, l’image est aussi belle que l’empathie atteint des sommets. 

Si Beale Street pouvait parler

  • Est
  • N'est pas
  • A louper, ne serait-ce que pour son traitement de la lumière
  • Aussi original que Moonlight
  • Particulièrement remarquable pour son casting féminin
  • Spécialement épuré, les dialogues sont nombreux
  • Un mélodrame délicat dans un écrin visuel à tomber
  • Ennuyeux, même s'il prend son temps
  • La confirmation que Barry Jenkins est un très grand réalisateur
  • Vraiment une histoire très heureuse
Romanesque / 20