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Le Grill a aimé avec réserves

Sieranevada

Cuisine et enterrement

Sieranevada est une comédie dramatique assez étonnante. Imaginez un mix entre «Un air de famille» et «cuisine et dépendances», revisité par Thomas Vinterberg et parsemé de grands moments de comédie italienne. Intéressant n’est-ce pas ? Pourtant, il cumule deux tares dans l’inconscient d’un grand nombre de spectateurs: être un film roumain et durer trois heures.

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Et pourtant, le cinéma roumain est, depuis une dizaine d’années, en train de connaître une sorte d’âge d’or avec un petit groupe de cinéastes talentueux qui rayonnent dans tous les festivals où ils passent. Si Cristi Puiu est un de ces représentants les plus méconnus, il exprime un talent fou dans l’art d’allier critique virulente sur la situation actuelle de son pays, minimalisme et efficacité chirurgicale. Après une plongée cauchemardesque dans le système hospitalier avec «La Mort de Dante Lazarescu», son dernier film dresse le portrait d’une famille roumaine d’aujourd’hui. En résumé,  30 jours après la mort du patriarche, la femme de ce dernier décide de convier famille et amis afin de commémorer sa mémoire. Dans le lot, on suit principalement Lary, fils prodigue du défunt, tiraillé entre son envie de rendre un dernier hommage à ce dernier et celle de son épouse de se tirer le plus vite possible de la joyeuse sauterie. Sauf que le pope qui doit orchestrer la cérémonie est en retard, le déjeuner qui devait avoir lieu juste après aussi, les ventres crient famine, les langues se délient, les esprits s’échauffent transformant la réunion en véritable règlement de comptes.

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On se retrouve donc pendant trois heures dans un quasi huis clos rempli d’une quinzaine de personnages, un poil clichés mais tous intéressants. Hormis, Lary, sa femme et sa fille, on y croise, entre autres : une tante nostalgique de Ceaușescu, un oncle chaud lapin, un cousin ne pouvant s’empêcher de commenter l’actualité internationale ou la petite dernière de la bande qui ramène, sous le bras, sa meilleure amie au bord du coma éthylique. Si chacun d’entre eux véhicule leur lot de méchanceté, de situations absurdes et de regards cyniques sur la Roumanie actuelle ou l’actualité internationale récente, ils restent tout de même très attachants ainsi que brillamment incarnés par un groupe d’acteurs investis.

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Le problème du film est que Puiu cherche à vouloir trop en dire. Certains sujets, comme les attentats de Charlie hebdo où le fait que la famille reste le seul cocon de sécurité dans la société actuelle, manquent de chair pour vraiment marquer le spectateur tandis qu’a contrario certaines situations traînent souvent en longueur quand elles ne sont pas superficielles. Ces dernières impactent considérablement le rythme du film et on peut même répertorier les scènes qui auraient pu être retirées du montage sans que soit modifiées l’histoire ou la caractérisation des personnages. Ce qui est dommage car la mise en scène de Puiu transcende littéralement ce huis clos en captant des instants de vie incroyables en plein milieu d’un vestibule ou dans l’entrebâillement d’une porte.

En résumé, Sieranevada est une œuvre intelligente, drôle qui frappe souvent juste mais son rythme en yoyo ainsi que ses grosses longueurs risquent d’en refroidir plus d’un. Décidément, Puiu est vraiment très proche de me réconcilier avec le cinéma roumain.

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Je reconnais que les photos mises pour illustrer l’article donnent l’impression d’assister à un repas dominical chez mamie (ce qui n’est pas si éloigné de la vérité) mais d’un autre côté, je pense que c’est ce côté universel qui m’a permis de m’attacher autant aux personnages et de rendre les situations aussi jouissives.

Sieranevada

  • Est
  • N'est pas
  • Non seulement, le portrait d’une famille roumaine d'aujourd'hui mais aussi un regard cynique sur l'ancien pays de Ceaușescu
  • Bien rythmé, il y a quelques longueurs et séquences en trop
  • Drôle et intelligent dans le traitement de son propos
  • Sans quelques thématiques traitées de manière superficielle
  • Porté par un groupe d’acteurs talentueux incarnant des personnages hauts en couleur
  • Aussi sombre, glauque et désenchanté que « La mort de Dante Lazarescu », on est plus proche d’un mix, entre les pièces du duo Jaoui-Bacri et les films de Risi, revisité avec le regard clinique d’un Thomas Vinterberg
  • Très bien mis en scène
  • La « Suicide Squad » mais si le concept, la durée pharaonique de trois heures et quelques grosses longueurs ne vous rebutent pas, je vous le conseille.
À deux doigts de me réconcilier avec le cinéma Roumain / 20