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Le Grill a aimé avec réserves

The Big Short

Sur son affiche, on peut lire que The Big Short est “quelque part entre le loup de Wall Street et Ocean Eleven”.

Muhahaha, non.

Tellement pas.

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Brad Pitt avec une coupe improbable.

En fait il essaye, il essaye même fort de ressembler à ces deux films, et le sujet s’y prête en plus ! La crise de 2008, pour faire simple, a été causée par l’accumulation de dettes impayées liées au remboursement de crédits immobiliers aux USA, faisant s’écrouler comme un château de cartes toutes les spéculations boursières faites dessus. Un docteur en économie (Christian Bale en sociopathe métalleux, je valide fort) devine quelques mois avant tout le monde que la bourse mondiale fonce dans un iceberg, il prend alors une assurance sur ce système que tout le monde croit en béton armé (placement appelé « short », d’où le titre, littéralement « le gros placement boursier en action d’assurance »). Assurance avec une côte énorme évidement qui promet de rapporter de sacré bénéfices une fois que le monde se sera écroulé. Ayant eu vent de son action, quelques marginaux versés dans la finance vont l’imiter, deux étudiants en économie via leur start up montée dans un garage (avec leur mentor Brad Pitt, dégoutté de la finance, préférant cultiver son potager) et les gestionnaires d’un fond d’investissements sur Wall Street dirigé par Steve Carell qui se veut un peu le fouille-merde du milieu, dénonçant les arnaques au grand jour.

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Steve Carell avec une coupe improbable, et sa troisième collaboration avec McKay. Il parait même que ses producteurs ont accepté de financer The Big Short s’il réalisait Anchorman 2

Mais le problème c’est que dans un film de casse style Ocean Eleven, les personnages montent une équipe pour effectuer un hold-up, ils sont générateurs de l’action, ici les différents protagonistes ne vont faire que faire un placement et en récupérer les fruits une grosse année plus tard. On pourrait coller la première et la dernière scène ensemble que ça ne changerait rien à l’intrigue. En fait le seul intérêt d’avoir autant de protagonistes et simplement de nous monter, à travers les actions et recherche de chacun, les raisons des débordements ayant conduit à la crise de 2008. Tu le sens le suspense insoutenable ? Moi non plus.

Pour sa filiation avec le loup de Wall Street, le film la revendique encore plus fort. Pour rappel, derrière la drogue, les putes, DiCaprio sous Methaqualone et les putes, le Loup de Wal Street est un biopic sur l’arnaqueur Jordan Belfort. Vous vous rappelez cette scène brisant le quatrième mur où il explique son système ? Elle dure dix secondes et se conclut par quelque chose comme « on s’en fout de tout ça, la vraie question est de savoir si c’est légal ? Absolument pas ». Ici c’est Ryan Gosling qui s’y colle et fait la même chose en s’adressant au spectateur mais au lieu de résumer le contexte financier en une phrase, le film va au contraire passer deux heures à nous l’expliciter. Le film a subi une grosse influence du Loup de Wall Street en tentant de reprendre sa représentation d’un univers excessif et détraqué, ce qui ne lui fait pas que du bien.

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Une autre marque de sa filiation au loup de Wall Street ? Margot Robbie (la femme de DiCaprio dans le Scorcese, Harley Quinn dans Suicide Squad) qui prouve encore une fois qu’elle est le rôle de pin-up la plus courue d’Hollywood.

Plus qu’un mélange entre ces deux films, on est proche d’un reportage façon une Vérité qui Dérange (le truc sur le réchauffement climatique qui a été le lot de compensation d’Al Gore pour avoir loupé la présidence) ou d’un Michal Moore (le gros qui veut tuer Cartman dans South Park, comment ça j’aurais pu citer un de ses films ?) dans un enrobage rythmé et sexy pour attirer le chaland.

Ce n’est pas mauvais, au contraire ça fonctionne même si certains tics propres au documentaire américain sont bien là, comme de revenir sur des souvenirs en voix off des personnages sans grand rapport avec l’intrigue, pour leur donner un poil de profondeur à défaut de les développer, et des « sketches » expliquant de manière fun et didactique des notions d’économie (un peu comme C’est pas sorcier vu par Nicki Minaj). Alors oui ça permet de ne pas s’ennuyer, le sujet est plutôt intéressant, chaque tête d’affiche a son monologue oscarisable mais ce qui m’attirait dans ce film au-delà de son casting prestigieux, c’est son réalisateur

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Christian Bale s’est enfermé deux semaines dans un bureau pour jouer Michael Burry, personnalité fascinante qui, a l’image du film, montre que la réalité peut se révéler plus incroyable que la fiction.

Adam McKay qui est surtout connu (enfin pas en France) pour Anchorman et sa suite, deux comédies avec Will Ferrel. Cyniques et critiques du système américain, les Anchorman dressent à travers le spectre de l’humour absurde un portrait au vitriol du sacrifice de l’information par les médias au profit de l’audience à tout prix. Ici la dénonciation des raisons de la crise, par un mélange d’incompréhension du système, d’incompétence, de laisser aller et d’opportunisme irréfléchi est brillante dans l’idée mais moins bien amenée à l’écran. On a rapidement l’impression que le scénario n’est réduit qu’a un trait entre deux points de détail sur les travers de ce système. C’est intéressant et bien fait mais je n’ai pu me détacher du côté artificiel, limite forcé de l’intrigue. Dommage.

Ça, la shaky cam en mode reportage qui m’a filé la migraine avec ses gros plans permanents sur les personnages, un symbolisme un brin facile (les agences de notation sont aveugles ? et bien montrons la directrice souffrir de cécité ! Wahou ! Tu veux la médaille du hipster anarchiste ?) en plus de se faire passer pour un film de casse à tout prix m’a moyennement accroché.

C’est très bien monté, encore mieux joué, mais le rythme artificiel et son message au relent de « indignez-vous mais nous on ne propose rien » m’empêchent de le considérer comme autre chose qu’un divertissement bien fait qui se veut corticalisé. Ce qui est vraiment pas mal.

The Big Short

  • Est
  • N'est pas
  • Blindé de grands acteurs jouant des personnalités incroyables
  • Un film de casse, même s’il en reprend quelques codes dans sa réalisation.
  • Une vision au vitriol du milieu de la finance, de l’humour noir avec un sacré écho réaliste
  • Doté d’un scénario à tomber par terre, les événements s’enchainent sans trop se suivre.
  • Plus proche du reportage à l’américaine que d’autre chose
  • Le faux suspense le plus poussif d’Hollywood, mais certains passages sont bien forcés surtout vers la fin.
  • Bien rythmé, pour compenser un scénario un poil faiblard
  • Un McKay qui parle d’autre chose que les dérives de la société américaine, mais il le fait bien.
Le hold-up du siècle casse pas des briques / 20