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Pas vraiment fan inconditionnel de Get out (première moitié top désintégrée par un second acte poussif et facile), j’avais toutefois comme la vision d’un potentiel latent dans la caméra nouvelle de Peele. Une nouvelle patte semblant attendre l’occasion de proposer un film plus maîtrisé, plus radical, plus dingo. C’est chose faite, Us a comblé mes espoirs les plus fous et au-delà.
Autant Get Out avait un vrai message sur l’intégration, autant Us vise principalement à raconter la meilleure histoire possible, même si avoir les membres d’une famille noire en personnage principaux est une première pour le genre et que Peele en a bien conscience.
Basé sur une idée absurde très 4ème dimension, Us assume un côté “et si ?” : et si une famille proprette comme il faut se faisait attaquer un soir par leurs doubles ? Un postulat horrifique propulsé dans ses derniers retranchements par les moyens, les acteurs et le talent que Jordan Peele a consacré au projet. Le résultat en devenant parfaitement jouissif grâce au savant mélange entre horreur (mais pas vraiment gore) et humour grinçant. Après une présentation fouillée sans être longuette de ses héros émaillée de petits moments glauques destinés à prendre leurs sens dans la suite, Us déchaîne ses doppelgangers. Mais loin de s’arrêter à un simple home invasion arty très funny-gamesque flamboyant (référence probablement assumée par un truc avec les accessoires de golf), le récit s’accélère et s’élargit pour notre plus grand plaisir à coup de twists qui tiennent plus d’une réunion de pièces de puzzle que de lapin sorti du chapeau. Non seulement le ballet horrifique de Jordan Peele est un sacré train fantôme mais il évite de prendre le spectateur pour une huître, si t’es attentif, tu résous son énigme avant qu’il ne t’en offre la clef sur un plateau.
Élisabeth Moss s’éclate en desperate housewives, par contre son personnage est très secondaire.
Des ombres au tableau ? La volonté très américaine de tout expliquer pour pas laisser le spectateur le bec dans l’eau et quelques détails du type “mais pourquoi ils ne vont pas direct zigouiller nos héros”, encore qu’ils ne tombent pas tous du ciel (voir l’article dédié). Le reste c’est du caviar, somptueusement filmé avec des idées simples mais marquantes, le costume rouge + ciseaux dorés sera bientôt à mettre à côté de Jason, Freddy ou le masque de Scream niveau culte, on a même de sacrées audaces, notamment quand on suit quatre points de vue en parallèle. Côté flippe, l’archétype du double nous plonge immédiatement dans une vallée de l’étrange, offrant au reste une facilité déconcertante pour monter le trouillomètre en un instant par un cauchemar livré à domicile et des visions d’horreur rappelant le meilleur d’un Sono Sion période Suicide Club, d’un Lars Von Trier (sans le soufre) ou d’un Cronenberg, on en est là oui. Us va donc très loin et on reste scotché au siège tout au long du trajet conduit par Lupita Nyong’o (12 years a slave, Black Panther). Sa performance a déjà été saluée, on confirme. Elle est démente en femme au foyer sortant les griffes pour défendre sa famille d’un côté et en double psychopathe de l’autre, chaque acteur jouant sa contrepartie monstrueuse avec un investissement, si ce n’est un plaisir, visible. Le mari Winston Duke, type costaud mais plutôt gros nounours, et les enfants débrouillards, Evan Alex et Shahadi Wright Joseph, sont de sacrés têtes dures que l’on apprécie rapidement, d’autant plus que les vannes et leurs échanges, même dans le pire, apportent une bouffée d’humour noir tout en épaississant ces caractères pas vraiment nouveaux mais parfaitement brossés.
Ce plan, c’est un peu mon cadeau de noël en avance.
Gâté l’année dernière niveau horreur (Hérédité surtout, mais aussi Halloween, Sans un bruit – pas toi Suspiria – ou encore La nuit a dévoré le monde), 2019 commence fort avec ce Us au-delà des attentes mêmes les plus déraisonnables. Passionnant de bout en bout, chargé d’images marquantes, Jordan Peele confirme que Get out n’avait rien d’un coup de chance de débutant en revenant avec une oeuvre dix fois plus dingue et ambitieuse. Un futur classique.