Loading...
Le Grill a aimé avec réserves

Vivarium

La banlieue de l’angoisse

Si l’adynamisme de ce début d’année ciné n’inspire qu’un ennui poli, il y a pourtant bien quelques titres qui essayent de tirer leur épingle du marasme ambiant. Ce n’est pas pour ça qu’ils y arrivent, mais comme on vient de le dire, ils essayent. Merci à eux.

On peut dire que Vivarium est le deuxième meilleur film de banlieue de ces derniers mois, après Les misérables.

Après une généreuse tournée en festival (Gerardmer, Neufchatel, Etrange festival et même semaine de la critique à Cannes qui s’acoquine de nouveau au genre après les expériences réussies Rubber ou Grave), Vivarium arrive au cinéma dans une semaine à la programmation a priori pétillante comme un chips sans sel. Et s’il s’agit d’une des tentatives les plus franches et honorables de nous offrir une succédanée de la 4ème dimension ne s’excusant pas une seule seconde de proposer un trip SF rétro, on se retrouve au final avec un déroulé parfaitement attendu, faisant du vieux avec du vieux.

L’alchimie fonctionne correctement entre Imogen Poots et Jesse Eisenberg pour leur troisième fois à l’écran ensemble après le catastrophique Solitary Man et le sympatoche The Art of Self-Defense

Evidemment j’ai aimé cette histoire de jeunes adultes qui se retrouvent coincés dans une bien mystérieuse banlieue pavillonnaire, beaucoup même, car ça a l’innocence parfois sadique d’un sérial pulp des années 80 sans nous infliger des coupes mulet ou une flopée de références strangerthingesques trop ruminées tout en nous faisant oublier 5 minutes les retraites et le coronavirus (à moins qu’un vieux tousse dans votre salle, ce qui ne me concerne pas car je vais aux séances blogueurs et ils ont tous 15 ans). Même les critiques de la société que l’on lit en filigrane, la télé qui abrutit et la peur des jeunes adultes qui cherchent leur première maison, sentent la naphtaline périmée ; on y est bien comme chez mémé, c’est à dire qu’à petites doses on adore mais on n’y passerait quand même pas nos vacances. A côté, la banlieue glauquissime tirée d’une pub kinder étalonnée par un monomaniaque du vert pomme (je suis ici un brin mauvaise langue, la photo s’offre des instants de grâce au point de ressembler à du Magritte) et les petites surprises qui peuplent le récit battent sans soucis le registre de l’angoisse existentielle pour faire monter le suspense, voire le cauchemar. Rien à dire, c’est propret, y compris quand il vaudrait mieux pas.

Jesse Eisenberg est bien détermine à faire son trou dans le film.

Vivarium nous ressert donc avec un plaisir communicatif le postulat d’un couple de Mr et Mme tout-le-monde dans une situation impossible proche de l’exercice de pensée, soit la caverne de Platon mais pour les gros nerds, où l’on va observer cet échantillon d’humanité malgré eux se débattre, se demander où ils sont, comment ils peuvent en sortir et leurs réactions face à la situation tellement alien qu’elle s’abîme dans l’absurde. Façon animaux dans un vivarium ? Exactement, nous aussi on a compris le titre.

L’agent immobilier ressemble à une version lyophilisée de Saul Goodman, mais on salue une interprétation à 11/10 sur l’échelle du malaise.

S’il serait criminel de gâcher les surprises de la première moitié du récit – ce que la bande-annonce fait sans pitié aucune, vous êtes prévenus – le récit a le tort d’installer son intrigue avec panache, en multipliant les instants malins, pour virer au slow burn quand l’histoire semble commencer pour de vrai. Le rythme ralentit, essaye des choses sans les pousser, rate dans les grandes largeurs l’évolution du personnage campé par Eisenberg, accouche enfin d’un final mi-feu d’artifice mi-pétard mouillé.

Le budget effet spéciaux n’est pas faramineux, mais au contraire le côté fake, artificiel, du décor sert largement l’ambiance.

Si je retiens un souci, ce sera celui-là, Vivarium ne dit pas tout mais en dit trop quand même, et ce dès la métaphore énorme, appuyée et fine comme une tribune dans Libé, qui ouvre le film. Le spectateur n’aura pas de questions en sortant, pourra parler du gamin flippant cinq minutes autour d’une pinte puis calculer mentalement combien de séances il lui reste à faire ce mois-ci pour rentabiliser sa carte UGC-Gaumont-Carrefour-MK2.

Souffrant d’un petit manque d’idée malgré un postulat qui a tout ce qui faut sur papier, Vivarium est un “petit” film malin qui risque de ne pas avoir l’écho très favorable d’un Coherence ou The endless et encore moins d’un Dark City. Dans un monde où A24 nous balance bombe sur bombe tous les six mois, difficile de s’extasier même si on note son réalisateur Lorcan Finnegan dans la liste rebattue des “genzasuivre”. Vivarium est comme Fonzy, cool mais désuet.

La télé, cet engin du diable.

SPOILER – EXPLICATION – SPOILER

Le film a été vu en présence du réalisateur Lorcan Finnegan qui, une fois n’est pas coutume, nous a expliqué par le menu son scénario : notre couple est piégé par l’agent immobilier qui est membre d’une race d’extraterrestres qui vivent parmi les humains mais qui ne souhaitent pas les remplacer ou les exterminer. Comme les coucou et leur mode de vie parasitaire, ces extraterrestre piègent des couples dans une sorte d'”espace quantique” (plusieurs réalités coexistent les unes au-dessus des autres) qui forme un univers fermé, quand on arrive au bout de ce “monde”on en atteint en fait l’autre côté, c’est pour ça que nos héros ne peuvent en sortir et reviennent en permanence à leur point de départ, la maison 9. Quand l’enfant grandit, il se débarrasse de ses parents adoptifs et retourne dans notre monde pour leurrer un nouveau couple pour qu’ils élèvent un nouvel enfant. Pourquoi tout ce processus ? Pour que l’extraterrestre puisse observer les humains et se faire passer pour l’un d’eux le temps d’en attirer quelques-uns dans son piège.

Une certaine ironie traverse le film, tantôt plaisante tantôt glaçante, vous voyez le tableau ?

Enfin, la scène où Imogen Poots passe sous le trottoir la montre “tomber” dans une série de dimensions qui ne sont pas les siennes et la prison quantique la repousse vers son monde comme une écharde est progressivement repoussée de la chair. Bon par contre j’ai pas compris les causes de la mort d’Eisenberg, une maladie pet-être ?

Vivarium

  • Est
  • N'est pas
  • Un sympathique récit de SF flirtant avec le fantastique et l'horreur
  • Long, malgré quelques petites baisses de rythme
  • Servi par deux bons acteurs, même si ils perdent en crédibilité plus le film avance
  • Vraiment surprenant, le sentiment de "tout ça pour ça" n'est pas loin
  • Sur un sujet qu'une série comme Rick&Morty traiterait en 45 secondes
  • Particulièrement original dans son écriture
  • Plein de bonnes idées dans la présentation de son univers
  • Capable de nous emporter dans son final
Presque aussi flippant que de chercher une maison dans la vraie vie / 20