La carotte fatale
Si on devait ranger le dernier dessin animé du studio Disney dans une case, ce serait dans celle du Buddy Movie. Pour rappel, ce genre se caractérise par l’association de deux héros, souvent aux antipodes l’un de l’autre, qui doivent travailler ensemble (de gré ou de force) dans un but commun. Ici, le lieutenant de police, Judy Hopps, une lapine rêveuse et déterminée, oblige l’arnaqueur professionnel, Nick Wilde, un renard à la langue bien pendue, à travailler avec elle sur une affaire épineuse : une vague de disparition qui touche Zootopie, mégalopole où tous les animaux vivent civilisés et en parfaite harmonie.
Le film est dans la continuité du pari artistique lancé en 2006 par John Lasseter: dépoussiérer la signature Disney en l’adaptant à notre époque et offrir des dessins animés qui toucheront petits et grands. Zootopie a un double degré de lecture. Déjà, les enfants seront séduits par l’histoire, son ambiance à la fois fun et touchante tout en évitant le pathos ainsi que les gags qui font « mouche » à chaque fois, tandis que les parents, quant à eux, y verront certaines subtilités inhérentes à notre société d’aujourd’hui et s’amuseront à voir tous les codes des buddy movies ainsi que de nombreuses références à la pop culture, parodiées avec intelligence : de “48 heures” au “Parrain” en passant par “Breaking Bad” et des clins d’oeils à certains films Disney récents.
Disney a d’ailleurs axé la campagne de promotion de Zootopie sur l’aspect parodique du film
Ensuite, la morale qui peut se résumer en : croyez à vos rêves, apprenez à aller au-delà des stéréotypes et des apparences pour aimer les autres. Alors dit comme cela , elle peut apparaitre, au premier abord, niaise et bateau mais contextualisée dans le monde crée par Byron Howard et Rich Moore, elle offre un véritable regard sur la société contemporaine qui éveillera une réflexion civique chez les plus jeunes.
Pour autant, certains fans de la première heure de Disney pourront être déçus de la quasi absence de chanson (même si la B.O Michael Giacchino est de bonne qualité) et continueront à avancer que la firme aux grandes oreilles se «pixarise ». Mais ne pas aller le voir pour cette raison serait une grossière erreur tant l’univers de Zootopie est superbe. Au niveau visuel, les graphismes sont vraiment beaux, fluides notamment le design des animaux qui est vraiment bien pensé et ceux des bâtiments ainsi que des décors fourmillant de petits détails. Scénaristiquement les personnages sont globalement bien écrits et vraiment attachants, notamment les personnages de Nick et Judy dont le duo fonctionne à merveille mais surtout l’univers est vraiment riche, pensé, découpé et respectueux de chaque caractéristique propre à chaque type d’animaux. Par exemple, la mégalopole est décomposée en quartiers, chacun d’entre eux a un climat différent (tempéré, chaud, glacial) ou une échelle différente (petite échelle pour les rongeurs).
D’ailleurs, on sort de la salle avec une petite frustration, celle de n’avoir pas pu explorer totalement ce monde trop vaste. C’est l’un des petits défauts (avec certains raccourcis scénaristiques ainsi que la chanson de Shakira qui se répète trop de fois dans le film et reste durablement dans notre esprit) de cet excellent divertissement,probablement l’un des meilleurs Disney de l’ère Lasseter, que je vous conseille vivement d’aller découvrir.