Irish girl
Brooklyn est un mélodrame très classique avec son personnage de femme forte, sa variation du triangle amoureux « Austenien », son retournement scénaristique prévisible, son (faux) suspense sur le choix de son héroïne, sa mise en scène académique (de John Crowley, réalisateur du très bon « Boy A» que je vous recommande) et ses gros violons mielleux qui résonnent dans les dernières minutes. En somme, le type de film qui, d’habitude, me hérisse le poil jusqu’au plus profond de mon épiderme mais ce coup-ci, c’est un peu moins désagréable que d’habitude.
Il y a Saoirse Ronan, l’une des actrices New-yorkaises les plus mignonnes du moment, en maillot de bain pin-up années 50, cela suffit, déjà à me combler de bonheur.
Derrière l’histoire de cette jeune irlandaise, Ellis, qui émigre aux états unis dans l’espoir de trouver une vie meilleure, il y a une volonté de capter l’atmosphère du New York des années 50, que ce soit dans ces moments de légèreté, que le film exploite à merveille en offrant quelques séquences drôles et délectables; dans son contexte social, communautaire et cosmopolite mais aussi dans le désenchantement de cette époque et le rôle que veut imposer la société aux femmes, les voyant absolument marié et mère alors qu’elle ne sont pas toutes envieuses de ce destin.
La direction artistique est sublime tout autant que la photographie qui change de couleur, de contraste et de grain suivant les étapes que vit l’héroïne.
D’ailleurs, Ellis ressemble plus à Eliza Doolittle (celle du film, pas de la pièce) qu’a Scarlett O’Hara, pas une féministe, ni même une fille de mauvaise réputation mais une femme qui cherche à se conformer aux normes d’une société nouvelle tout en gardant ses idées d’indépendance. Forte, elle l’est mais conformément à la conception de l’époque car il fallait du courage pour quitter sa famille, sa patrie afin de partir vivre le rêve américain surtout que lutter contre le mal du pays était un combat permanent et qu’on leur destinait des métiers ingrats ou de potiche. La qualité de l’écriture alliée à l’excellente interprétation de Saoirse Ronan donne une sensibilité et une subtilité à son personnage qui nous touchent aussi bien dans ses moments de faiblesse que dans ses moments de joie. Après, le scénario de Nick Hornby, adapté du roman éponyme de Colm Tóibín, est trop centré sur son héroïne empêchant le développement de personnages secondaires. Ce qui est vraiment dommage car ces derniers sont vraiment intéressants dans leur écriture. Ils correspondent, au premier abord, à des clichés que l’on retrouve dans plein d’histoire dépeignant cette époque mais le scénariste ( ou l’auteur, car je n’ai pas lu aussi ce livre) a eu l’habileté de jouer avec pour nous offrir des variations assez surprenant tel un jeune italien en apparence macho mais fou d’amour pour Ellis.
Pour autant, même si toutes ces bonnes idées sont loin d’etre très abouties, elles m’ont rendu le visionnage de Brooklyn un tant soit peu sympathique, du moins dans sa première heure. Je ne vous promets pas un grand film (d’ailleurs deux de ses trois nominations aux derniers oscars ne sont pas du tout méritées, selon moi) ou une histoire d’une grande modernité mais un long métrage qui essaie de retranscrire le portrait d’une époque derrière sa romance très classique. Il ne vaut clairement pas le prix d’un ticket de cinéma mais pour ceux qui sont intéressés par l’époque ou qui aiment bien ce genre de romance, il vaut le coup d’œil lors de son passage télé.