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Le Grill a aimé

Canine

Un jour seulement, le “ pourquoi ” s’élève et tout commence dans cette lassitude teintée d’étonnement

 

Des parents instaurent une curieuse règle, les enfants n’auront le droit de quitter le domicile familial qu’à partir du moment ou leur canine droite (ou gauche, peu importe) tombera, en attendant le monde se limite pour eux au microcosme de la maison. Ça pourrait être mignon si ce n’est que les enfants ont la vingtaine passée, que l’enfermement commence à leur taper sur le système et que les parents dans leur désir de conserver la « pureté » de leur descendance face au monde extérieur ont organisé tout un système à base de néo-langage et de principe douteux pour animer cette séquestration.

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Je crois pas que l’on puisse un jour faire une affiche qui hurle plus JE SUIS UN FILM INDEPENDANT

Ce film ou plutôt son concept n’est pas étrange et inquiétant, si vers les 3h du matin la fille de The Ring sortait de mon écran d’ordinateur pour me mettre en garde contre le prix du pop-corn au cinéma, là ce serait étrange et inquiétant (et un peu excitant aussi). Canine c’est malsain au possible, fou avec un F comme dans Famille qui, si elle le thème central de l’histoire reste parfaitement anonyme (le père, la mère, l’ainée, le frère, la cadette), probablement pour rendre le propos universel.

Alors que dire sur Canine ? Complètement inclassable dans un genre particulier, trop soft pour être un film d’angoisse, pas une comédie noire, pas non plus un drame, ce n’est qu’en littérature que ce concept trouverait sa place avec l’absurde.

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Le frère m’a fait penser au Dandy de la saison 4 d’American Horror Story

Canine pourrait être développée dans une nouvelle de Buzzati tellement ce film n’en est pas un. Une unité de lieu forte, évidemment la maison/ prison mais le réalisateur a beau être Grec, l’histoire pourrait se dérouler n’importe où (bon joker pour la Corée du nord et le Groenland), pas d’unité de temps (l’histoire se passe-t-elle sur des semaines ? mois ? quelques années ?) et pour l’unité d’action… le film est globalement une succession de scènes plus ou moins reliées entre elles présentant la vie en autarcie des enfants qui cherchent à tromper leur ennui, pas de scénario si ce n’est la présence de Christina employée par le père pour assouvir les pulsions sexuelles du fils et qui va être le seul élément extérieur venant (un peu) dérégler cette mécanique bien huilée.

Le film a une atmosphère à part, c’est un fait. Les enfants restés immatures sont flippants, le jeu de caméra froid, presque sans âme est parfait pour son rôle ici à la limite du voyeurisme ; beaucoup y ont vu du Lars Von Trier et je comprends pourquoi. Assassin avec l’envie de contrôle que tout parent a pour sa progéniture. Même s’il est exagéré le film brosse un tas de comportements que chacun a eu/subit à un échelon moindre.

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Le truc de se lecher pour obtenir des services est à la fois excitant et dérangeant, un peu comme les pornos avec des clowns.

Dans son approche assez crue du sexe et de la violence, Canine surprend. Après plusieurs dizaines de minutes passées à contempler cette communauté beaucoup trop calme dans l’attente angoissée qu’il se passe quelque chose, quand l’événement arrive, il brûle la rétine comme l’éclat du soleil au sortir d’une pièce sombre. Je ne suis pas novice en matière de films perchés mais Canine, malgré sa lenteur et son calme apparent, cache un propos fort faisant naître un malaise qui ne s’arrêtera pas au générique.

Après Canine, si je le conseille vivement, m’as tout de même déçu dans le sens où si le concept de base est exploité à fond, il fait quand même pas mal de sur place et ne sort pas de sa « zone de confort » installée dès les premières minutes. Quant aux symboles disséminés dans le film, en gros, une fois n’est pas coutume, chacun se fera son bullshit mental à la sortie.

Malgré ses récompenses, deux prix à la compétition Un Certain Regard au festival de Cannes en 2009 et une nomination à l’oscar du meilleur film étranger, le film de Yorgos Lanthimos est passé relativement inaperçu. C’est du film indépendant, expérimental, lent et atroce par moments, mais c’est surtout une expérience intrigante qui mérite le coup d’œil. En gros imaginez un réveillon de Noël où avant la fin de la soirée, on ne sait pas qui, on ne sait pas quand, un des convives va se faire violer par le reste de sa famille et vous aurez une petite idée de l’ambiance de Canine.

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Ok tu n’es pas un film d’horreur mais t’étonne pas si les gens sont confus si tu fais des trucs comme ça film !

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Pour moi, le titre Canine n’est pas anodin. Les canines tirent leur nom du mot latin canis, le chien (merci wikipedia) et font donc un parallèle entre l’animal et l’enfant. La scène chez les dresseurs est primordiale dans le sens ou le discours du maître-chien sur le côté malléable de la personnalité de l’animal fait écho à « l’expérience » que mènent les parents avec leurs enfants renforcés par les aboiements que les enfants apprennent pour faire fuir les chats. De même la scène où le père appelle son chien qui ne lui prête aucune attention du fond de sa cage est un constat de son échec en tant qu’autorité et annonce très probablement la fuite de sa fille aînée.

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L’affiche US, peut être plus explicite.

L’un des derniers plans du film, où le père a ouvert le portail et cherche sa fille aux abords de la maison tandis que le reste de sa famille est à quatre pattes aux limites de la sortie et aboie est pour moi le véritable message du film, on a le maître et ses animaux de compagnie. Ce sont des humains transformés en compagnon canin, d’où le trip des léchouilles, du fils qui va dormir nus entre ses parents au milieu de la nuit, de l’agressivité envers les chats et d’une vision tronquée du monde (leurs cris face aux avions sont comme un chien aboyant à une voiture). Canine aurait pu être un trip  halluciné du père qui vit en vérité avec quatre chiens.

Ainsi la perte de la canine est la perte du côté « chien » de l’individu, pas celui de l’enfance puisque les personnages sont présentés une fois adulte, reste la question de savoir si l’ainée sortira du coffre, s’émancipera de son aliénation pour entrer dans l’humanité ou rentrera gentiment à la maison comme un bon toutou bien dressé, chienne de vie.

Canine

  • Est
  • N'est pas
  • Bien joué
  • Un film que l’on ne peut pas noter, tant mieux on fait pas ça ici
  • Un film au rythme lent
  • Un gros budget, 200 000 euros de l’aveu de son réalisateur
  • Génial dans la découverte des manigances des parents pour rendre ce monde cohérent
  • Un film qui plaira à tout le monde, mais ça n’était pas l’intention de base de toute façon
  • Un film qui a du mordant... (désolé, fallait que ça sorte)
  • Un film premier degré, plusieurs interprétations sont possibles
Faut aimer l'indé mais c'est du très bon / 20