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Festival de CannesLe Grill a aimé avec réserves

Diamantino

Diamant brut

Difficile de décrire un film aussi singulier que Diamantino, véritable météorite rococo venue percuter la compétition de la Semaine de la critique du festival de Cannes 2018, habituée à décerner grand prix plus “austères”. Dans l’absolu, ce serait peut-être par analogie les sobriquets de Zoolander du football ou de Brice de Nice “arty” qui conviendrait un peu à ce pur Objet Filmique Non Identifié.

Un peu comme Les garçons sauvages ou Les bonnes manières, le film propose un monde à part, entre contes de fées et réalité crue.

Diamantino c’est THE champion des champions, fierté du Portugal, un footballeur star cultivant les similitudes avec Maradona, mais notre héros va tout perdre quand sa “magic touch” (symbolisée par des Shih Tzu géants dans des nuages roses, histoire de placer la barre haut dès le début) le quittera en plein match, au pire moment. Pourquoi ? Car plus tôt, il a aperçu de son yacht une famille de migrants, et que ce grand enfant doux bodybuildé au QI d’huître tiède prend soudainement conscience que le monde ne se résume pas à la douce illusion mégalomaniaque dans laquelle il navigue. Un peu comme le prince Siddhartha quand il sort de son palais pour la première fois, mais dans l’improbable ambiance d’un épisode queer de Scooby-Doo. Du nanar pop avec ses propres symboles comme on en voit que trop rarement.

Les gagnants du grand prix de la semaine de la critique 2015, 2016, 2017 et 2018… 

Diamantino, pivot du film, est aussi et surtout celui qui a le moins d’impact sur son monde où l’on croise toutes les grandes angoisses de notre époque : eugénisme et clonage, crise migratoire, famille déchirée, réflexion sur le sexe et le genre, hyper-médiatisation, monté des mouvements nationalistes, on a même droit à un brin de panama papers. Le film réussit à éviter avec brio tout mauvais goût pour nous offrir une sorte de conte philosophique à la Candide, assaisonnant l’actualité à sa sauce caustique. Des thèmes traités par le miroir déformant de l’absurde servant de décor aux tribulations de ce musclor ingénu découvrant ce qu’il y a derrière l’ultra-célébrité, un chemin vers les autres autant que vers lui-même, voir vers l’Amour.

Diamantino revendique son kitsch, mais vraiment, genre à chaque plan.

Malgré son format bref (1h32), le syndrome du premier film se fait sentir et le métrage s’éparpille parfois, diluant son propos, rien qui ne consiste un véritable défaut toutefois, l’ensemble demeure parfaitement réjouissant pour peu que le mélange proposé soit à votre goût : farce politisée d’un côté, poésie cinéphile de l’autre. Réellement drôle, souvent expérimental (les deux réalisateurs sont connus pour leurs courts-métrages déjantés) à la fois dans la narration et dans l’image offrant de nombreuses poésies visuelles détachées de tout.

Les sœurs acariâtres ou comment s’éloigner des codes du merveilleux pour mieux les retrouver.

Enfin, la plus grande force de Diamantino reste Diamantino himself. Naïf comme un Dereck Zoolander ou Harry et Lloyd, aux actions tellement premier degré qu’elles forcent à la remise à plat de tout ce qui l’entoure, un catalyseur parfait pour rendre un regard neuf aux thèmes abordés tout en légitimant l’approche “conte de fée moderne”.

Du coup on a beaucoup aimé (enfin une personne sur trois dans la rédaction du moins), mais on conseille de voir l’excellente bande-annonce avant de s’embarquer dans ce petit bijou assez unique. Il s’agit typiquement d’une oeuvre pas faite pour plaire à tout le monde mais pour être adorée de ceux qu’elle intéressera.

Diamantino

  • Est
  • N'est pas
  • Une grosse bouffée délirante, inventive et jubilatoire
  • Long, 1h30 plutôt rythmé
  • Une satire du monde d'aujourd'hui, loin de se limiter au football
  • Pour ceux qui n'apprécient pas vraiment l'esthétique "queer exubérant"
  • Kitsch, mais superbe dans son genre
  • Pour les enfants, le film adopte un ton léger mais évoque des thèmes résolument adultes
  • Faussement naïf
  • Un grand prix de la semaine de la critique comme les autres
Nuages roses et Shih Tzu / 20