Le serpent aux mille ratures
Ouh la la.
Je fais quoi là ?
J’aime pas dire du mal d’un film français qui essaye de sortir des sentiers battus mais je peux pas cautionner un tel hors-piste, c’est comme si le Titanic avait volontairement tamponné son iceberg parce qu’il n’y avait plus de glaçons au bar.
Le film est l’adaptation d’un roman de DOA au sein d’une saga policière qui rejoint Grangé dans le cercle des massacres sur écran.
Alors, par respect du contradictoire, si jamais vous cherchez un film avec un héros terroriste islamiste, un méchant para colombien chinois, des gendarmes racistes et des vrais sud-américains à accent de mafiosi Italiens, oui, vous allez trouver votre compte avec le serpent aux mille coupures.
Pourquoi une telle galerie ? Ça fait film de genre ? Non, ça tente d’apporter des éléments pas forcements bienvenus à la spécialité franco-française que le monde entier ne nous envie pas vraiment : le mauvais polar à héros dépressifs. En fait, les seules critiques à moitié positives que j’ai vues sur ce truc ne percutent pas le côté polar et le casent (car c’est bien les ptites cases) dans le film de genre comme s’il y avait marqué fourre-tout codifié sur la catégorie. C’est pas parce que c’est naze et qu’on a demandé au méchant de sauver le film en plein milieu que Jean-Michel Figaro doit se sentir obligé de caser ça entre Tarantino et Park Chan-wook. A J+21 après Grave, je ne cautionne pas.
Le film superpose les intrigues comme mon kebab superpose les infractions à l’hygiène : avec peu de décence.
Ça se passe dans une ferme. Pourquoi ? Parce que tout ce beau monde a décidé de se retrouver dans cet exact endroit de la carte que google map lui-même ignore et que l’on appelle le fin fond de la Haute-Garonne. Ça tombe bien, ça coûte pas cher de filmer dans une ferme, comme dans tout bon nanar on se dit que la magie du cinéma peut opérer avec pas grand-chose. Ben non.
Pareil quand on met tous le budget dans d’inutiles effets gores, qu’on a la scène d’enquête la plus naze au monde où l’on trace une bagnole par l’odeur la terre retournée en squattant comme un cheyenne slave, qu’on fout le feu à une voiture avec du liquide de refroidissement, qu’on multiplie les faux raccords sur un ipad qui présente des scènes de meurtres en Colombie me donnant, par leur grain dégueulasse et leur réalisme, l’impression que le réal a inséré des vrais vidéos de cadavres dans son film, qu’on fout des baffes à l’héroïne car elle ne veut pas faire la cuisine, qu’on a un plan nichon gratuit, que les flics sortent en soupirant une série de monologues sur le monde de merde qu’ils laissent à leur gamin à tel point qu’on se demande si à leur mort il n’y aura pas un krach boursier sur le marché des antidépresseurs et que des supersoldats présentés tels quels tout le film se retrouvent avec deux mains gauches et un strabisme fulgurant au moment du clash final que l’on devine dès la première demi-heure passée…. Le pire c’est que j’ai rien contre le réalisateur Eric Valette, je suis un des rares à trouver un intérêt à Maléfique (et à l’avoir vu d’ailleurs, c’est peut être corrélé) mais après un passable La proie avec un Dupontel flippant – enfin plus que d’habitude – il persiste dans le polar en allant vers le pur film noir nanhard boiled.
Le mec qui a écrit ça a probablement trouvé un portail vers une autre dimension où le film est potable.
Rythmé comme un épisode de Louis la brocante réécrit par De Palma, on se prend à faire le décompte des gaffes et clichés alignés avec un mauvais goût certain. A commencer par son antihéros terroriste qui, s’il atteint une certaine rédemption dans les romans dont le film est l’adaptation, se retrouve ici en l’absence de toute nuance à délivrer un message parfaitement putride du genre « on a le droit de tuer tout ce qui passe et de séquestrer des gens pour peu qu’à la fin on butte le méchant », évidemment ce n’est pas volontaire mais le mauvais goût est pavé de bonnes intentions bien niaises.
Il y a un mec et un seul qui doit être à l’origine de ces affiches qui ont pile le manque d’imagination qu’il faut pour être vendu à 3€ en tant que DVD d’occasion.
Tomer Sisley, inspiré par Jean Réno période Léon, plus convaincu que convaincant, fait le café. De l’autre côté, la star chinoise Terence Yin, alors que c’est une décision réfléchie de l’impatrier en rase campagne, me fait penser à ces réalisateurs des années 80 qui allaient accoster les grands gaillards dans les cafés pour jouer le méchant exotique de leurs productions low cost. Il n’est pas mauvais mais il donne l’impression de pas jouer dans le même film que le reste du casting, même si ses saillies badass ont le mérite de permettre de rire avec le film et pas du film…
Après le dernier plan où un personnage marche droit devant lui sur une digue, probablement pour se foutre à l’eau dans un sursaut de clairvoyance, reste le constat que le serpent aux mille coupures est un monumental échec probablement plein de bons sentiments mais désastreux a quasiment tous les niveaux.