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Et la tête du monsieur elle fait SPLASH ! (les films d'Horreur)Le Grill a aimé

Saint Maud

Il n’y a pas de bien à se faire du mal

Film vu dans le cadre du festival de Gerardmer, sortie le 24 juin.

A24, un nom qui est depuis quelques années une marque de fabrique, voire un gage de qualité. Apparue en 2012, la société de production/distribution “art&essai grand public” frappe immédiatement très fort en pariant sur des jeunes réalisateurs tout en sortant bombe sur bombe : Spring Breakers (2013) de Harmony Korine, Enemy (2014) de Denis Villeneuve ou encore Under the Skin (2014) de Jonathan Glazer pour ne citer qu’eux (bon il y avait aussi Tusk mais personne n’est parfait). Depuis, un minimum quatre ou cinq pépites sont à attendre sur la grosse quinzaine de projets dont le studio s’occupe chaque année, avec pour plus récompensés Moonlight, Room, Lady Bird, The Florida Project, Hérédité

Nous à chaque fois qu’A24 annonce un truc (comment ça on serait des fanboys ?).

Bref, tout ça pour dire que quand on a vu débarquer le programme du sympathique mais mourant festival du film fantastique de Gerardmer, on a certes tiqué sur Vivarium (qui tourne en festoche depuis bien 1 an) ou Howling Village de Takashi Shimizu (le papa de Ju-on/ The grudge qui n’a rien tourné de folichon depuis), mais c’est la première de Saint Maud de Rose Glass, nouvelle production A24, qui a eu notre curiosité. Une fois le film reparti avec le doublé Grand prix du Jury et Prix de la critique, sans oublier une récompense Jury jeune et meilleure musique, il avait capté toute notre attention.

Je ne suis pas fan de l’affiche qui annonce trop brutalement un film d’exorcisme – ce qu’il n’est pas, ou est très libre d’interprétation- alors que Saint Maud est peut-être trop “slow-burn”, lent et sage avec une accélération dans son dernier acte, pour un spectateur qui s’attend à voir un train fantôme dès la première seconde.

Saint Maud parle de Maud (Morfydd Clark, pour une première fois réussie en tête d’affiche et déjà présente dans Love&Friendship), une jeune infirmière à domicile d’une station balnéaire tristoune du nord de l’Angleterre qui meuble sa solitude en entretenant une relation particulière avec sa foi, quitte à perdre pied avec la réalité.

Intimiste, quasi charnel, le point de vue adopté est celui d’une subjectivité totale aidé par une voix off murmurée omniprésente, celle des pensées de la jeune femme lors de ses prières. Perturbée, Maud l’est indubitablement et elle ne fera que s’enfoncer de plus en plus dans sa psychose teintée de religion jusqu’à un point qu’il serait criminel de dévoiler ici.

Ne jamais oublier que Kathy Bates a eu un Oscar pour son rôle d’infirmière frappée dans Misery et Louise Fletcher pour Vol au dessus d’un nid de coucou.

La photographie est douceâtre, les tons le plus souvent bruns et chauds, encore un peu et on dirait Carol de Todd Haynes, bien plus que de l’Exorciste de du Friedkin ou Polanski période Rosemary’s Baby -même si ce dernier est une référence avouée- qui partagent pourtant plus de thème communs (personnage central féminin, message sur la religion). Le film prend son sujet sous un angle inédit, “horrifique” seulement car il pousse sa réflexion – et son héroïne – dans ses derniers retranchements. Film de femme aussi, opposant la bigote et sa vision du monde tronquée à sa patiente Amanda (Jennifer Ehle), chorégraphe mourante qui brûle avec panache ses dernières flammes quand l’autre étouffe les braises de sa jeunesse. L’écriture accumule des moments fugaces pour brosser ses caractères complexes dans ce vieux manoir façon psychose bercé de sons jazzy. Toujours des rappels à l’horreur et toujours ils seront pris de biais.

Fun fact, Jennifer Ehle et Morfydd Clark ont toutes deux joués dans des adaptations d’Orgueil et préjugés, la version de la BBC de 1995 avec Colin Firth pour la première, et la version de 2016 avec des zombies pour la deuxième.

Film d’ambiance s’attachant à capter une errance, une chute libre, un biais cognitif qui englobe tout, il fait penser, pour prendre un exemple récent, au Joker de Todd Phillips pour son approche de la solitude et des lunatiques, forçant à l’empathie pour un personnage, par bien des aspects, désagréable : 99% des plans de Saint Maud montrent Maud, la spectateur n’a pas la liberté de regarder ailleurs. Alors on se laisse prendre, on s’inquiète pour cette histoire malsaine malgré ses moments joyeux, teintant le récit d’une ironie vénéneuse. On peut le dire, on a mal avec le personnage.

Court, 83 minutes, Saint Maud est surtout dense, complexe, mordant, rythmé et fascinant. Une vraie et franche réussite, aussi précieuse qu’abrasive que l’on recommande chaudement.

Saint Maud

  • Est
  • N'est pas
  • Le récit réaliste d'une descente aux enfers dans une photographie sublime
  • L'exorciste ou un reboot de REC, le film pose avant tout une ambiance fascinante comme l'est une ampoule pour un insecte
  • La solitude et la mort traitées par un duo d'actrice brillantes
  • Violent et rapide, on est plutôt sur un "slow-burn"
  • Libre d'être interprété dans tous les sens
  • Tout public, même s'il est peu graphique dans sa représentation de la violence
  • La première réussite d'une réal à suivre, Rose Glass
  • Exactement un récit sur la religion
Arrive à joindre le mutilé à l'agréable / 20